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PHANTOM THREAD

de Paul Thomas Anderson ****

PHANTOM THREAD de Paul Thomas Anderson, cinéma,

Avec Daniel Day-Lewis, Vicky Krieps, Lesley Manville

Snopsis : Dans le Londres des années 50, le couturier de renom Reynolds Woodcock et sa soeur Cyril règnent sur le monde de la mode anglaise. Ils habillent aussi bien les familles royales que les stars de cinéma, les riches héritières ou le gratin de la haute société avec le style inimitable de la maison Woodcock.

Les femmes vont et viennent dans la vie de ce célibataire aussi célèbre qu’endurci, lui servant à la fois de muses et de compagnes jusqu’au jour où la jeune et très déterminée Alma les supplante toutes pour y prendre une place centrale. Mais cet amour va bouleverser une routine jusque-là ordonnée et organisée au millimètre près.

L'histoire s'inspire paraît-il de celle de Critobal Balenciaga (1895 - 1972) ce qui personnellement ne m'avance pas à grand chose car je n'y connais à peu près rien à ce monde de la Haute Couture. Et ici, les robes de Woodcock me semblent magnifiques mais importables pour faire ses courses ou la vaisselle. Ou alors une seule fois par des majestés de la Haute lors des plus grandes occasions. C'est d'ailleurs ce genre de personnes que Reynolds habille, pas la ménagère de plus ou moins cinquante ans... Nous le voyons donc très concentré, très appliqué, de très gros plans sur ses immenses mains griffées par les aiguilles, au travail chez lui dans une maison labyrinthique à l'atmosphère étouffante qui lui sert d'atelier et aussi de salon pour les défilés de ses œuvres.

Paul Thomas Anderson (un de mes réalisateurs chouchous) ne craint pas le grand écart car après son crasseux Inherent vice, le voici plongé dans les froufrous et falbalas du milieu très raffiné de la beauté et de l'élégance. Et son film l'est, beau et élégant mais aussi dérangeant et peut se vivre comme une expérience car il ne ressemble à aucun autre. D'abord, il est habillé oui j'ose, impossible de ne pas le remarquer, d'une musique omniprésente, envahissante la plupart du temps, sublime aussi, qui prend parfois le pas sur les images. C'est tout à fait intéressant et digne des grands mélos hollywoodiens de l'époque dont il est question ici. Cette musique abondante aux accents schubertiens ou debussyens parfois est de Jonny Greenwood (oui le guitariste et multi-instrumentiste de Radio Head), j'invite les plus curieux à la découvrir ici et encore ici. Rien que pour cette musique, j'ai déjà envie de revoir le film. Jonny Greenwood était déjà à la partition hypnotisante de There will be blood et The Master...

Il y a donc dans cette histoire une musique dingue, des dentelles et des tissus cousus de fils blancs mais surtout des personnages tirés à quatre épingles mais d'une complexité folle. A voir Woodcock régner sur tout le monde, se déplacer tel un faune félin, dévorer des quantités monstrueuses de nourriture quand il tombe amoureux, puis jeûner dès que la belle ne fait plus l'affaire comme s'il voulait s'en débarrasser en éliminant le gras, le superflu, donner ses consignes, refuser qu'on le dérange, qu'on perturbe sa réflexion (sa nouvelle muse en fera les frais en beurrant trop bruyamment un toast...), et alternant séduction (ah ce regard, ce sourire timides lorsqu'il croise le regard d'Alma pour la première fois !) et muflerie, on imagine que rien ne lui résiste, rien ne peut l'atteindre ne le faire chanceler.

On découvre peu à peu que les femmes qui partagent sa vie ont un ascendant considérable sur lui. et un regard il se transforme en petit garçon penaud. Sa sœur d'abord, sans doute très inspirée par le personnage de Mrs Danvers dans Rebecca et Lesley Manville compose une femme froide, sûre d'elle et de son pouvoir particulièrement réfrigérante. Elle prend un plaisir évident à remercier les jeunes femmes qui n'ont plus l'heur de plaire à son frère mais peut également remettre le génie vertement à sa place voire aller jusqu'à le menacer de le réduire en cendres. Quant à Alma (très étonnante Vicky Krieps), tout en douceur et en soumission, elle va peu à peu et à notre grande surprise prendre toute la place, instaurant une sorte de rapport sado-masochiste avec cet homme qu'elle aime et veut pour elle exclusivement. Qui ne se méfierait lorsqu'un homme aussi beau et Daniel Day Lewis soit-il le soir du premier rendez-vous  vous parle exclusivement de sa mère ? On assiste alors avec stupeur aux manœuvres dont Alma se rend capable tout en continuant d'afficher un visage impassible et angélique. Lorsqu'elle dit innocemment à son créatif mari "What you have to do, do it carefully", on ne sait si elle parle des robes qu'il crée ou si elle lui demande de prendre soin d'elle avec délicatesse. Le réalisateur, dans un autre film, faisait dire à son personnage amoureux : "j'aime tellement ton visage que j'ai envie de le défoncer à coups de marteau". Les relations entre Alma et Woodcock sont de cet ordre, passionnées, insatisfaisantes et finalement sadomasochistes. Et de soumise la proie devient insoumise puis prédatrice. Après la scène de la tarte, il va être difficile d'oublier celle de l'omelette aux champignons...

Le film a des fulgurances, lorsque Woodcock regarde Alma, lorsqu'il la cherche un soir de Nouvel An, lorsqu'il déguste une omelette ; mais ce qui est renversant ici est la tournure que prend la relation d'Alma et Reynolds. Après une période où tout dans les apparences laisse supposer une liaison polie et distinguée qui aura un début, un milieu et une fin, la passion s'invite insidieusement et les deux monstres en présence, une femme amoureuse et un tyran névrosé ne pourront plus s'exprimer de façon consentante qu'au travers de la domination et l'humiliation. Rarement émouvante, leur histoire où tout en apparence n'est que luxe et politesse est déstabilisante et très étonnante. Sous des dehors chics les personnages vivent une relation toxique et délétère.

Pour interpréter ce tyran domestique sûr de lui mais torturé à l'intérieur, le réalisateur qui trouve "qu'il était temps de rendre justice à sa beauté" a choisi l'acteur idéal. Daniel Day Lewis n'a jamais été aussi beau, aussi grand, aussi mince, aussi élégant et aussi troublant. Il serait surprenant qu'il passe à côté de son 4ème Oscar en mars prochain (mais il a Gary Oldman face à lui). On aimerait surtout que celui qui est considéré comme l'une des personnalités les plus sexy de la planète, l'un des plus grands acteurs du monde et de tous les temps revienne sur sa décision d'abandonner le cinéma pour devenir... cordonnier en Irlande !!!

Commentaires

  • PTA et moi, ça passe parfois très bien, et des fois, pas du tout.
    J'hésite à aller voir celui-là. Mais bon, Daniel Day Lewis, évidemment...

  • C'est admirable formellement et très bien interprété en effet. Paul Thomas Anderson aborde son thème favori de la lutte pour la domination entre les êtres sous couvert d'une histoire d'amour qui est en fait une histoire d'emprise en renversant au passage le mythe de Pygmalion. Manque peut-être l'étincelle qui ferait aimer passionnément au lieu d'admirer.

  • Il manque évidemment l'émotion que j'ai juste éprouvée lorsqu'il va la chercher au réveillon... incorrigible romantique que je suis .
    C'est quand même de la belle ouvrage.

  • FA-BU-LEUX.
    Voilà, je suis encore épatée par ce film tellement riche, beau sans être prétentieux ou pédant, on atteint pratiquement la perfection.

  • Oui. Si on était ému ce serait un sans faute. Mais il n'y a que la scène du réveillon qui m'a émue. On sent le tyran qui faiblit et c'est là qu'ils prennent l'accord tacite de leur relation sado maso je crois.

  • En fait, le film n'est pas émouvant dans le sens où on pleure pas ou ce genre de trucs, mais je sais pas comment expliquer, quelque chose m'a réellement pris en plein coeur, une émotion qui ne s'explique pas toujours.

  • Moi la scène du réveillon m'a émue... bon je l'ai déjà dit :-)

  • Bonjour Pascale, j'y suis allée en me demandant si cela allait me plaire car à part There will be blood (un chef d'œuvre), j'ai détesté Magnolia et Punch Drunk Love. Et bien j'ai beaucoup aimé. Je me suis laissé embarquée dans cette histoire d'amour cahotique. J'ai adoré la musique tout du long (contrairement à Chris de Christoblog). C'est un film à trois acteurs très bien dirigés. Daniel Day Lewis avec ses 60 ans et ses cheveux gris et ses rides porte beau. Lesley Manville (la première épouse de Gary Oldman dans la vie) a trouvé un rôle qui lui convient très bien. Quant à Vicky Krieps que je ne connaissais pas est une révélation. La séquence de l'omelette aux champignons (empoisonnés?) revenus au beurre m'a donnée des frissons. Bonne après-midi.

  • Bonsoir dasola. Ah moi j'ai ADORÉ Magnolia.
    Et en effet il frappe fort cette fois encore.
    Que c'est beau ! Et la beauté et l'élégance de Daniel Day Lewis me laissent sans voix.
    Bien sur que si, tu connais Vicky Krieps, elle était Jenny Von Wespahlen la femme géniale du jeune Karl Marx, déjà formidable.
    Plus jamais d'omelettte aux champignons!

  • Tout est beau, et la perversité sublime !
    Nous nous sommes régalées.

  • Tu confonds Woodstock et Woodcock (nom d'une bite en bois !), sans doute es-tu encore en train de partager un bourbon avec Doc Sportello ;-)
    4 étoiles me semble être une note un peu sévère pour ce film qui a tout du CHEF D'OEUVRE, qui m'a laissé béat et pantelant à la sortie de la salle. Peut-être parce que je ne suis pas du bois... :-)
    Et comme je crois en toi, je sais qu'un jour tu comprendras à ton tour ce qu'est le bon goût :-D
    Et alors, toi aussi tu feras de Paul Thomas Anderson le plus grand cinéaste américain de sa génération.

  • Bitenbois :-) j'avais même pas essayé de traduire. Merci !
    Pourtant il m'arrive de le faire. Je connais Laurence Couille de Poisson par exemple. Quoiqu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'une traduction mais d'une approximation. Je sais que tu peux chipoter pour moins que ça !
    A part sa divagation avec le Doc, j'ai tout aimé de PiTi alors merci de croire en moi malgré ma sévérité :-)

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