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POROROCA, pas un jour ne passe

de Constantin Popescu ****

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Avec Bogdan Dumitrache, Iulio Lumanare, Costin Dogioli

Synopsis : Cristina et Tudor Ionescu forment une famille heureuse avec leurs deux enfants, Maria et Ilie. Ils ont la trentaine, vivent dans un bel appartement en ville. Il travaille dans une entreprise de téléphonie, elle est comptable. Un dimanche matin, alors que Tudor se trouve avec les enfants au parc, Maria disparaît. 

Pororoca est un film dont on sort complètement rincé, lessivé. Le silence pesant de la salle, incapable de remuer pendant les quelques minutes du générique silencieux m'ont confortée dans l'idée que je ne suis pas la seule à avoir été fortement secouée par ce que je venais de vivre. Mais c'est ce que j'attends toujours plus ou moins du cinéma. Être bousculée même si cela n'a rien de confortable comme ici.

Il y avait une "plaquette" à propos du film. Je l'ai prise à la sortie pour comprendre d'abord le titre abscons et le sous-titre ajouté par le distributeur français, pas plus explicite et un peu lourdingue. "Le Pororoca est un phénomène de mascaret, avec des vagues pouvant atteindre les 4 mètres de haut et qui parcourt 800 km sur la rivière Amazone et ses affluents. Son nom provient du dialecte Tupi, signifiant « le grand rugissement » ou « ce qui détruit tout sur son passage avec grand fracas ». C’est aussi une association des mots poroc (embarquer, déchirer) et oca (maison)

Différents drames peuvent anéantir l'existence. La disparition d'un enfant est l'un d'entre eux parmi les plus inenvisageables. C'est donc ce tsunami qui s'abat sur la famille de Tudor avec laquelle on entre immédiatement en empathie. La vie joyeusement banale de cette famille bascule ainsi du tout au tout à cause de quelques secondes d'inattention. Et pourtant Tudor est le père aimant par excellence. Très présent auprès de ses enfants, tout ce qu'il y a de plus vigilant et attentif.

Le réalisateur ne caresse pas le spectateur dans le sens du poil. Il ne l'oblige pas à l'émotion à tout prix, relativement absente d'ailleurs. On ne pleure pas, on est asphyxié d'angoisse. Le film est glaçant et nous laisse observer la descente aux enfers d'un couple puis d'un père (la mère retourne vivre chez ses parents avec son autre enfant) anéanti de chagrin et peut-être de culpabilité. Il lui sera à deux reprises reproché d'être parti avec deux enfants et de n'être rentré qu'avec un. Au départ, le couple reste soudé mais s'emmure finalement chacun dans son chagrin et son silence.

Impossible de ne pas évoquer ce plan séquence de 20 mn. Un plan fixe aussi où l'on observe un peu à l'écart la vie grouillante d'un parc pour enfants. Il s'y passe mille choses, mais il ne s'y pas rien de notable. C'est un parc comme tous les autres. Il est en Roumanie, il pourrait se trouver à Rome, à Paris ou Lefrincoucke. Les enfants jouent, les parents attendent, observent, téléphonent, boivent un café. D'autres s'engueulent. On entend des bruits. Un marchand de ballons passe. Maria entre puis sort du champ. Elle disparaît. Ah non, elle est encore là... Le réalisateur explique dans la brochure que des détails sont dissimulés au premier comme en arrière plan et qu'on peut y trouver les indices et l'explication de ce que le père va se mettre à chercher. Il n'est pas impossible que j'aille au moins revoir cette séquence fascinante pour mieux voir, mieux regarder. Avoir des réponses...

La durée du film, 2 h 34, en rebutera sans doute certains. C'est dommage. Le temps qui s'étire et se dilate est un atout du film. Il en est en partie le sel. Pas d'ellipse durant laquelle des choses se seraient produites. Le père retourne chaque jour dans le parc, s'assied sur le même banc et observe et nous avec lui. Il faut un coupable. Il en perd le sommeil. On le voit se déliter sous nos yeux, maigrir à vue d'œil, se transformer. La performance de l'acteur Bogdan Dumitrache est exceptionnelle, hallucinante. La paranoïa galopante de cet homme condamné au désespoir nous envahit peu à peu.

Tudor trouve la police insuffisamment active et rencontre régulièrement le commissaire chargé de l'enquête. Leurs conversations sont des moments intenses et particulièrement passionnants du film. Les explications du flic ne lui suffisent pas et pourtant on ne peut s'empêcher d'éprouver de la sympathie pour ce policier calme, compatissant et parfois froidement mais pédagogiquement professionnel.

Après nous avoir asphyxié puis fait suffoquer dans une dernière scène peut-être contestable mais que j'ai trouvé s'inscrire dans la logique de l'évolution du personnage, le réalisateur nous abandonne stupéfait dans le silence.

Commentaires

  • Très belle chronique d'un film qui ne manque pas d'atouts, visiblement.
    Après, je t'avoue que je n'ai pas très envie de ce genre de films, actuellement.

    Merci d'en avoir parlé, en tout cas.

  • C'est pourtant un film bien différent.
    Merci d'avoir lu ma note

  • Que j'aime venir lire ici des mots qui me donnent furieusement d'aller voir certains films. Même si je dois en sortir rincée...
    J'aime ce blog

  • Oups, dans mon commentaire précédent c'est le mail de mon fils qui s'est mis automatiquement dans le champ qui lui est dédié ...
    :)

  • Oh que c'est gentil ! Merci.
    Être rincée parfois c'est bon.

  • Bonsoir Pascale, pour être rincé, on l'est. Juste après la dernière séquence d'une violence et d'un désespoir inouï, le silence.... L'acteur principal est en effet, sensationnel. Je sors de la projection, il y a une heure trente. Je vais écrire mon billet.

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