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ARMAGGEDON TIME

de James Gray ****

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Avec Anthony Hopkins, Banks Repeta, Jaylin Webb, Anne Hataway, Jeremy Strong,

Quelques mois dans les années 80 de la vie d'un garçon du Queens, le Comté de New York le plus ethniquement diversifié.

Après s'être perdu dans la jungle tropicale (fabuleux Lost city of Z) et avoir été dépossédé du final cut de son (non moins fabuleux) Ad astra, James Gray revient dans son Queens natal pour une histoire inspirée de sa propre enfance et de sa famille. Que le jury cannois ait complétement ignoré ce film au palmarès est une surprise, une absurdité voire une aberration. Compte tenu de ce que nous avons pu voir des films primés cette année, tenons donc ce jury comme le plus mauvais que la croisette ait porté. Et vlan !

James Gray est sans aucun doute (c'est mon avis, je le partage et l'approuve) l'un des plus grands réalisateurs de cette époque. Parmi ses 8 films, je serais incapable de dire lequel je préfère mais tous sont haut placés et toujours parmi les meilleurs de ce que je vois chaque année (et je vois quelques films chaque année... :-) ). Celui-ci ne fait pas exception et j'ai déjà envie de le revoir car j'ai été un peu perturbée au début parce que j'ai trouvé que le jeune garçon (Banks Repeta) au centre du récit, ne jouait vraiment pas bien. J'ai également trouvé que ça s'arrangeait pas la suite. Par contre son petit compagnon de collège (Jaylin Webb) est absolument formidable.

Le jour de la rentrée Paul se fait remarquer par le prof qui le punit ainsi que Johnny qui double sa classe, fait souvent le mariole et semble être le souffre douleur dudit prof. Johnny est noir mais Paul n'en a strictement rien à faire. Ils deviennent amis instantanément en ce premier jour de classe. Et James Gray dépeint cette année un peu comme celle du début du commencement de la fin de son pays où le rêve avait fait partie du quotidien pour finir par s'éclater contre la réalité. C'est l'année où un acteur est élu Président des Etats-Unis et la mère de Paul s'exclame : "on va avoir une guerre nucléaire". Le titre du film s'inspire d'une déclaration de Ronald Reagan qui avait déclaré que l'Amérique était menacée de l'Armaggedon. Le règne des hommes qui installent leur politique sur la peur était lancée.

Paul fait également "l'apprentissage" du racisme. Son ami Johnny fait régulièrement l'objet des injustices de la part du prof, des adultes et de la vie en général. Son fatalisme, sa résignation désabusée sont l'un des moments les plus forts du film. Comme les conversations de Paul avec son grand-père (merveilleux Anthony Hopkins tout en douceur, bonhommie et sobriété).

Paul vit dans une famille juive. Les repas de famille avec les grands parents, les oncles et tantes les plus proches commencent toujours dans le calme et le respect pour finir en brouhaha et disputes incessantes. Paul a un frère un peu plus âgé, très tête à claques et des parents aimants mais ils semblent l'un et l'autre ressasser leurs frustrations de n'avoir pas atteint la réussite qu'ils espéraient. Ils placent dans leurs enfants tous leurs espoirs, la volonté qu'ils ne soient pas comme eux. Quitte à ignorer totalement la volonté de Paul qui ne cesse de dessiner et souhaite devenir artiste. Contre son avis et sa volonté, ils le changent d'école, le placent dans la même école privée que son frère. Ecole dirigée par un certain Trump qui accueille Paul par une remarque (blague ?) antisémite.

Voilà, tout est en place pour filmer la désillusion des uns et des autres dans ces années là. Et la très belle photo de Darius Khondji nous donne envie de vivre éternellement en automne (sauf que non : JE DETESTE l'automne). Au coeur du récit il y a la démonstration d'autorité d'une violence innommable, choquante, disproportionnée du père pour punir une "bêtise". J'ai trouvé cette scène terrifiante. A ce moment là le père semble déverser sur son fils toutes ses déceptions accumulées. Tout m'a paru injuste dans la vie de Paul et de son ami Johnny encore moins protégé que lui puisqu'il n'a pas de famille pour le soutenir. Il vit chez sa grand-mère qui perd la boule et ne va pas tarder à être placée dans un établissement médicalisé. Le chemin de Johnny vers la délinquance semble être tout tracé, écrit d'avance. ça fend le coeur.

On pourra reprocher le manque de lyrisme du film qui reste toujours comme observateur des évènements et de leur cruauté souvent. Mais finalement, sortir les violons pour souligner les injustices, le racisme, l'antisémitisme, les disparités sociales... aurait été beaucoup moins admirable. James Gray reste discret dans sa réalisation mais réussit de manière virtuose les scènes intimistes de la relation intense entre Paul et son grand-père bien aimé (merveilleux Anthony Hopkins, ah oui, je l'ai déjà dit). Le vieil homme lui raconte comment et pourquoi sa famille a immigré d'Ukraine au début du XXème siècle. Et Paul a la tête dans les étoiles, rêve de fusées et de voyages dans l'espace.

James Gray évoque les circonstances et les épreuves, les drames inconsolables qui font qu'un enfant devient un homme et reste à jamais marqué par son enfance. Et c'est très beau.

Commentaires

  • J'ai bien aimé. Comme tout James Gray - ou presque (j'oublie volontiers son immigration avec Marion). Mais il m'a manqué, un je-ne-sais-quoi. Une touche peut-être supplémentaire d'émotion, peut-être qu'à être trop autobiographique, il a manqué un peu de recul pour plonger totalement le spectateur dans son univers.

    Le titre du film fait également référence à un titre reggae repris ici par les Clash... C'est juste pour ma petite note musicale que j'ai lu (n'étant pas un adepte et connaisseur des Clash)

    Sinon, l'histoire est très belle et dénonce la société américaine, son racisme et ses disparités sociales, le début de la Guerre Froide et la menace nucléaire sous-jacente. Une belle analyse du réalisateur sur son enfance.

  • Et moi si, je suis capable de dire lequel je préfère. Ils sont certes tous sont haut placés dans mon cœur, c'est aussi pour cette raison que j'ai foncé pour aller voir son dernier avant même d'en entendre ta critique souvent de bon conseil.
    Et donc je n'hésite pas à dire que mon préféré est Two Lovers, juste devant La nuit nous appartient.

  • Je t'agrée à 100 % mon canard (si tu ne "l'as pas" fais moi signe). A moi aussi il a manqué un je ne sais quoi, qui évidemment tient à l'émotion (donc je sais quoi finalement). L'émotion ne vient que par les personnages de Johnny et du grand-père alors que Paul reste froid ou laisse froid. De ce fait on ne peut reprocher à NOTRE James de jouer la carte du chantage affectif avec violons et ralentis. Il ne le fait jamais d'ailleurs il me semble.
    J'ai lu que le titre venait aussi de la chanson qui reprend la phrase de Reagan (j'allais dire Trump).
    Tu as repéré qui joue le rôle de Madame Trump, soeur de qui on sait ?

    En fait moi aussi je suis capable de faire un classement. Comme toi je cite les trois premiers (bien que j'aie BEAUCOUP aimé The immigrant, revu et validé) :
    The lost City of Z
    Two Lovers (revu cet été grâce à Arte et pas de yoga en été)
    La nuit nous appartient.
    Je ne les classe pas tous, car cela reviendrait à mettre un dernier et là c'est pas possible.
    J'ai déjà hâte de voir le prochain.

    Non mais les Oscar, Cannes qui l'ignorent depuis 20 ans c'est dingue, alors que chacun de ses films est une palme.

  • Sans hésiter un des meilleurs réalisateurs de ces 30 dernières années, impatient de voir le film et au final un (tout) petit peu déçu. Jolie histoire, mise en scène élégante et reconstitution très réussie mais trop focaliser sur un seul paramètre (le racisme), et ça manque un peut de fantaisie, trop sérieux ce qui est dommage quand il s'agit d'une chronique sur une enfance qui s'avère tout de même heureuse et privilégiée. Mais je chipote ça reste un très beau et très bon film, mais en deça de ses meilleurs films.

  • Je suis assez d'accord avec tes réserves.

  • C'est un beau film, mais j'ai été gênée par la froideur de Paul ou un côté trop lisse, je ne sais trop, il n'exprime pas grand chose, contrairement à son copain noir. Sinon, les scènes avec le grand-père sont les meilleurs moments du film. La violence du père prend par surprise, finalement on ne sait pas trop ce qui se passe dans cette famille, personne n'a l'air d'aller bien. Les maux de l'Amérique sont bien décrits et s'il faisait un film se passant aujourd'hui, ça ne s'est pas arrangé. En tout cas c'est un film à voir.

  • Oui, tu décris bien mon ressenti et cependant ce film est largement au-dessus de la moyenne.
    J'ai trouvé aussi que Paul jouait mal contrairement à Johnny.
    Anthony Hopkins hisse le film vers le haut.
    Oui tout le monde est frustré, aigri, malheureux dans cette famille, c'est fou. Le rêve américain ne s'est manifestement pas concrétisé.

  • Mais comment est-il possible M. Lindon, d'avoir pu oublier ce film au Palmarès ?! (Et rien non plus pour Pacifiction pourtant salué par toute la critique... je me réjouis déjà de te lire :-)
    Je ne comprends même pas que Jeff Nichols, pourtant bien placé au jury, n'ait pas fait le forcing pour saluer ce film qui, à bien des endroits, m'a rappelé les deux gamins de "Mud". Bref, fermons la parenthèse cannoise pour entrer dans le vif de ce très beau film, peut-être le meilleur de James Gray à ce jour selon moi (et pourtant c'est peu dire qu'il a en fait de bons).
    Contrairement à toi, je n'ai pas du tout trouvé que ce Paul Doin... pardon, ce Paul Graff jouait si mal au début. Je l'ai juste trouvé absolument insupportable. Et la magie du scénario fait qu'on finit par s'attacher à lui, à ses idéaux artistiques. La partie où il rejoint le collège privé est excellente, dans sa manière de se fondre dans le milieu tout en leur claquant fièrement un "vous allez voir ce que vous allez voir". "Soit un Mensch !" dit le grand-père, Anthony Hopkins mérite bien un nouvel Oscar faute de prix d'interprétation cannois. Mes louanges vont aussi à Jeremy Strong et surtout Anne Hathaway dont tu ne parles pas beaucoup et qui est pourtant magnifique dans le film. Et la mise en scène ! diable, ces scènes de repas sont complètement dingues.
    Enfin, je n'ai pas bien compris la référence à Donald (Mister Orange pour les intimes) dont tu parles. Je sais bien que ça ne devait pas être une foudre à l'école mais en 1980 il avait 34 ans, du coup ça fait beaucoup de redoublements en 6ème. A moins que j'ai loupé un moment. Par contre, Jessica dans le bref rôle de la frangine est impeccable, même si, la connaissant, ça a dû lui faire bien mal au derrière de se mettre dans la peau d'une Trump.

  • Je trouve que si, il faut en parler de ce jury complètement à côté de la plaque ! Je crois que c'est la première fois que Vincent me déçoit autant.
    TOUS les films de James sont bons, excellents, hors du commun.
    Contrairement à toi Anne et Jeremy ne m'ont pas éblouie. Sans doute parce que toute mon attention se portait sur Anthony, absolument prodigieux ici. Ah le rêve d'avoir eu un tel grand-père (loin s'en faut... de toute façon les vieux préféraient les garçons).
    Mon cafouillage avec Donald, je ne me l'explique pas :-) j'ai dû être stupéfaite de voir Jessica dans un tel rôle (pas celui de Donald, on est d'accord).
    A mon tour de ne pas comprendre ton Paul Doin... aaaaah ça y est, Doinel ??? Ok James est fan absolu des Quatre cents coups.

  • Au niveau réalisation et photographie, il m'a fait penser à Licorice pizza, sans la nostalgie. Il ne sera pas dans mon top mais j'ai tout de même passé un délicieux moment avec ce petit garçon qui figure le réalisateur qu'il sera plus tard. J'aime beaucoup aimé ses couleurs.

  • Ce n'est pas la première fois que j'entends la comparaison avec Licorice. Je ne suis pas d'accord, la photo de Licorice me paraissait "sale" (si tu vois ce que je veux dire). Ici, c'est magnifique.
    Je n'ai pas encore commencé mon top de l'année mais il devrait y figurer.

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