Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

DIVERTIMENTO / ASHKAL, L'ENQUÊTE DE TUNIS

de Marie-Castille Mention-Shaar ***

Divertimento

Avec Oulaya Amamra, Lina El Arabi, Niels Arestrup, Zinedine Soualem, Nadia Kaci

Le rêve de Zahia en terminale au prestigieux Lycée parisien Racine (cursus musique et danse) : devenir chef(fe) d'orchestre. Celui de sa soeur jumelle Fettouma, être violoncelliste professionnelle.

Mais ce n'est pas simple (ici en 1995) car non seulement chef d'orchestre n'est (toujours) pas un métier de femme, c'est un chef homme qui le dit, et quand on vient de Seine-Saint-Denis et qu'on est d'origine algérienne, on reçoit plus de bâtons dans les roues que d'encouragements. Qu'à cela ne tienne, face aux embûches, avec courage et détermination, les deux soeurs ne vont jamais abandonner leur rêve et même créer leur propre orchestre qui répond au doux nom de Divertimento.

Inutile de vous dire que ce film et le personnage principal sont aux antipodes de celui-ci et que si la réalisation n'a rien de flamboyant et aucune prétention démesurée, les femmes cheffes d'orchestre devraient se sentir mieux représentées par ce personnage positif et volontaire que par celui de la terroriste, élitiste et folle Lydia Tàr.  Si comme moi il vous est arrivé de suivre l'émission Prodiges à la télé, vous connaissez sans doute Zahia qui dirige en direct l'orchestre du programme. Ce film est son histoire et c'est une success story touchante et vibrante qui fait du bien. Aujourd'hui et depuis toujours, elle est très engagée en faveur de l’accès à la musique symphonique pour tous les publics, 

Ce qui fait également du bien c'est de voir une banlieue différente, hors des entrées d'immeubles obturées par des dealers et enfin une famille issue de l'immigration bien intégrée, cultivée  et qui ne base pas son mode de vie et son éducation sur la religion. Même si le père reste parfaitement réaliste : face à un certain racisme social, il faut respecter les profs et s'accrocher pour arriver au but, plus ou moins faire profil bas mais sans renier sa passion. C'est ce père (magnifiquement incarné par Zinedine Soualem) passionné de musique classique qui a fait baigner l'enfance de ses filles (le fils est sportif) dans la musique symphonique. Elles en sont imprégnées. Toute leur vie est musique. Et le film montre bien ces sensations grâce aux bruits de l'environnement. Le vent dans les arbres, battre les oeufs pour en faire une omelette, un train sur les rails. Tout est pulsation, tout est musique. Ce film vibre par tous les pores (oui les pores du film) contrairement à celui de Todd Field qui martèle ce minable poncif  : la musique classique, symphonique, c'est pour les riches et les intellos ! Marie-Castille Mention-Shaar nous affirme que non et le démontre. Tous les jeunes qui ont participé à l'orchestre du film sont des musiciens de toutes les couleurs et de toutes les origines. Et lorsque Zahia joue au foot dans la cité avec ses copains, ils lui posent des questions à propos des oeuvres sur lesquelles elle travaille. Cela ressemble à des clichés inversés mais pas du tout, Zahia a l'art de transmettre sa passion sans exclure personne et celui aussi de casser les barrières entre les petits péteux du XVIème (arrondissement, pas siècle) qui n'avaient jamais mis les pieds dans le 9.3 et en ressortent vivants ! Mais personne n'est caricaturé ici. Même si les petits bourges du début balancent leurs clichés sans discernement, ils évoluent bien et ce n'est jamais gnangnan.

Un autre atout du film est son féminisme. Oui, pour une fois je l'emploie et approuve le terme et l'idée. D'autant qu'à aucun moment il n'est excluant. Ces filles sont positives et surtout constructives. Leur énergie et leur volonté se mettent en travers de toutes les oppositions. Trop jeunes et pas assez masculines pour être ce qu'elles veulent être ? Pas grave. Quelques larmes et on repart à l'attaque. Et puis, elles ne cherchent pas à briller seules. Elles croient plus que tout au pouvoir et au sens du collectif. 

Le chef Sergiu Celibidache, jadis chef du Philarmonique de Berlin réputé pour sa misogynie, qui a participé à la formation de Zahia en tant que cheffe est interprété par le terrible et magnifique Niels Arestrup. Ses conversations avec Zahia et une avec le père de la jeune fille sont parmi les beaux moments du film. Evidemment Niels élève tout.

Et à la baguette, on trouve la formidable Oulaya Amamra (qu'on a vue récemment chez Dupieux, preuve qu'elle a quelques cordes à son arc). Sa soeur de cinéma, Lina El Arabi, actrice et musicienne est formidable aussi. Mais Oulaya est incroyable. Elle a travaillé la gestique du chef avec la vraie Zahia. Le résultat est bluffant et je la trouve très sincèrement, beaucoup plus juste dans ses gestes que Cate Blanchett. On se sent un peu obligé de comparer puisque les deux films sortent le même jour. Mais de l'un je suis sortie accablée (avec néanmoins l'envie (et c'est fait) de réécouter Malher) et de l'autre joyeuse et de la musique plein la tête.

On peut entendre ici : La Bacchanale de Camille Saint-Saëns, Le Boléro de Ravel mais aussi Schubert, Prokofiev…

..........................................

J'ai aussi vu Ashkal, l'enquête de Tunis de Youssef Chebbi *

Ashkal, l'enquête de Tunis

mais là, le réalisateur m'a perdue en route. Trop de symboles tue le symbole. Et j'ai fini par ne plus comprendre où ce film voulait en venir tant il est abstrait. Des immolations entachent les rues de Tunis 10 ans après la révolution de jasmin mais surtout le vaste chantier des Jardins de Carthage abandonné à la chute de Ben Ali (et repris depuis). Il semble que ces "suicides" soient orchestrés par un mystérieux gourou. Les policiers se mettent en chasse et ça m'a paru invraisemblable. La jeune flic se rend la nuit sur les lieux des immolations seule, alors que même les hommes n'osent s'y rendre et évidemment croise le "tueur". Quant aux hommes, ils enquêtent les mains dans les poches. Alors on comprend que la corruption gangrène tout ça. Mais où cela est-ce que cela aboutit ? Nulle part selon moi. Comme (mon cher) Todd Field, le réalisateur est complètement amoureux de l'environnement dans lequel il a tourné. Sa Tunis n'est certes pas un endroit où l'on a envie d'aller en vacances et il plante sa caméra dans ces jardins de Carthage qui n'ont de beaux que le nom. Il filme donc à n'en plus finir, le chantier de bâtiments à l'abandon, éventrés, les escaliers interminables, les fenêtres sans vitre. A part la jeune flic, très jolie, tous les personnages sont affreux et ressemblent à des serial killers. Bon.

Commentaires

  • Pas encore vu le premier... Pour "Ashkal" proometteur avec un bon climax, pour finir en queue de poisson sans queue ni tête, dommage

  • Oui, j'y croyais et puis... rien.

  • Bonsoir Pascale, comme je l'ai déjà dit, Divertimento, un régal. Quant à Ashkal, je l'ai vu dans une salle pleine (hier soir) et quelle déception. Je n'ai rien compris à la fin. Dommage car il y a quelque chose avec ses immeubles pas terminé, cette friche. Il y a une vraie atmosphère assez inquiétante. Bonne soirée.

  • Bonjour dasola. Errer dans ces friches et l'atmosphère pesante ne m'ont vraiment pas suffi. Je l'ai trouvé pénible ce film et pas très bien interprété.
    Je pense qu'elle entre dans le feu mais avec ses vêtements... Bon dimanche.

  • Divertimento, je vais aller le voir. Le deuxième, je passerai sans problème. As-tu vu "interdit aux Italiens et aux chiens" ?

  • Divertimento tu vas aimer.
    Le 2ème tu peux t'en passer. C'est dommage, on a pas souvent de nouvelles de Tunis.
    Je vais le voir aujourd'hui Interdit...

  • Tu as pris un abonnement au balcon ma parole, tu t'obstines à aller au concert ! Tu vas bientôt pouvoir enchaîner avec la danse et la Neneh chérie de Louis Garrel. ;-)
    Moi je suis allé voir une autre histoire "inspirée d'une histoire vraie". Pas de musique mais beaucoup de clichés qui m'ont bien amusé.

  • Ah ah ah. Je ne sais si la Neneh sera encore en salle à mon retour. Maïwenn fait peur.
    Aaaaaah j'ai vu Asada. J'ai adoré, bien ri et pleuré aussi. Du cinéma comme j'aime. Je vais aller te lire.

  • Merci pour cette très belle chronique de Divertimento

  • Merci c'est très gentil.

  • Le réalisateur d Askhala m'a aussi perdu. Mi science fiction - mi policier- mi dénonciation politique.. Je sais y a un mi en trop On ne sait pas trop où chercher.. Dommage peu de film tunsien arrive chez nous. Par contre j'ai trouvé que ces jardins de Carthage étaient un vrai personnage à part entière. Envoûtants. Inquiétants. Énigmatique.
    Belle aventure que Divertimento.. Beaucoup de plaisir a suivre les 2 sœurs. De beaux morceaux de classiques ( faut aimer le Boléro et dans Babylon un morceau justement fait penser au Boléro) et une belle reprise de la chanson de Idir, A vava Inouva. Bons moments je suis moi aussi sorti joyeux et des notes plein la tête de ma seance.

  • Oui ya du mi en trop dans Ashkal. Je l'ai trouvé pénible ce film.

    Le Boléro est un incontournable. Certains détestent, pas moi, je le trouve fascinant ce morceau. Et ce film fait beaucoup de bien sans être mièvre.

Écrire un commentaire

Optionnel