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LA FEMME DE TCHAÏKOVSKI

de Kyrill Serebrennikov ***

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Avec Alyona Mikahilova, Odin Lund Biron, Filipp Avdeyev

C'est l'histoire de la passion, de l'humiliation et de la folie d'une femme.

En Russie en 1877, la jeune Antonina Miliukova tombe éperdument amoureuse de Piotr Illitch Tchaïkovski de huit ans son aîné. Elle ne le quitte pas des yeux, il ne la remarque pas. Elle demande à être présentée et lors de leur premier échange alors qu'on annonce au maître qu'Antonina est pianiste et veut entrer au conservatoire, il la regarde à peine et lui conseille de renoncer à son projet. Nullement découragée par la froideur du musicien, elle lui adresse des lettres enflammées, lui assure qu'elle ne rêve que de se jeter à ses pieds ou dans ses bras, que s'il ne l'épouse pas elle se suicidera, menace qu'elle réitérera à plusieurs reprises. Piotr la revoit et lui affirme avec le plus de ménagement possible (c'est-à-dire très peu) qu'il ne l'épousera pas. Antonina est sans doute l'unique personne dans l'entourage de Tchaïkovski à ne pas remarquer que seule la compagnie des garçons lui plaît et que son visage ne s'illumine que si un garçon est à proximité.

Mais Tchaïkovski se trouve dans une passe financière délicate et cherche aussi peut-être à faire taire tous les soupçons d'homosexualité qui l'entourent et ne sont pas du goût de l'époque. Il épouse finalement Antonina qui lui assure que la vente d'un de ses biens lui rapportera une somme conséquente. Le repas de mariage est plus triste que des funérailles. Et malgré quelques timides efforts, il est évident que la jeune femme le répugne. Surtout le soir où elle force la porte de sa chambre pour le rejoindre dans son lit, il ne peut plus cacher son dégoût. Le peu de temps qu'ils passent ensemble il s'emploie à l'accabler, ne pas porter cette robe rouge qui lui va si bien, se débarrasser de ses fausses perles.

Piortr s'échappe, la laisse seule, elle ne comprend pas. Il l'adjure d'accepter le divorce. A ce moment, on a envie de guider sa main pour qu'elle signe l'acte mais non, pour cela il faudrait qu'elle salisse la moralité du grand homme. Elle refuse et dès lors accepte toutes les bassesses et humiliations possibles. Est-ce que cette femme obstinée est folle ? Est-ce que cet homme insensible est un salaud ? On oscille constamment entre les deux propositions on se surprend à penser que cette femme haïe, aime être haïe. Que peut-être elle aurait moins aimé cet homme s'il lui avait rendu son amour. En tout cas, l'érotomanie ("conviction délirante d'être aimé en secret de quelqu'un empêché d'avouer cet amour...") d'Antonina est évidente et sa vie est un enfer que le réalisateur filme comme un cauchemar oppressant. Un fantôme ou un cadavre est en marche comme semble le suggérer l'énorme mouche qui ne cesse de suivre la jeune femme qui pourrit de l'intérieur. L'ambiance est ténébreuse et j'ai lu qu'on pouvait retrouver ici comme un Visconti sous acide. Pas faux. Et par moments, le film oscille entre rêve et réalité. Certaines scènes naissent du fruit de l'imagination ou des rêves d'Antonina. Celle dans la forêt glacée est étrangement la plus claire à cause de la neige mais aussi l'une des plus lugubres du film où le sort des enfants d'Antonina est suggéré. Celle où elle s'en remet à six hommes nus qui tentent de la séduire est déroutante. Et puis, elle entame une relation avec un avocat qui constate avec surprise alors qu'elle doit avoir plus de trente ans qu'elle est encore vierge. A son tour de montrer tout son mépris à un homme. (La baffe monumentale qu'elle reçoit était-elle nécessaire ?)

Il est peu question de musique et pourtant elle est omniprésente. Le piano est une pièce importante et sera l'objet d'une scène déchirante. On assiste à un concert et Antonina affirme que Piotr et elle sont les personnages de son opéra Eugène Onéguine, que toutes les oeuvres qui ont suivi leur séparation sont mauvaises.

Le portrait sans rémission de cette femme tourmentée, malmenée, parfois présentée comme une idiote (elle ne connaissait pas Tchaïkovski alors qu'il est un musicien qui fut célébré de son vivant) est une épreuve, mais il est transcendé par l'interprétation fiévreuse mais sans hystérie d'Alyona Mikahilova. De quasiment tous les plans, l'actrice dont c'est le premier rôle je crois est époustouflante.  Le jury de Cannes était donc bien aveugle en mai dernier. Odin Lund Biron acteur américain connu en Russie incarne ce Tchaïkovski cruel mais fragile à la perfection. Sa ressemblance avec le vrai Tchaïkovski est étonnante.

La scène de la célèbre photographie du couple est une des plus belle, forte et cruelle du film.

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Mikhailova

L'atmosphère du film m'a rappelé les peintures d'Emile Friant.

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Commentaires

  • J'ai bien peur qu'elle m'énerve cette femme ! mais je ne connaissais pas Tchaïkovski sous un jour aussi moche. Comme quoi on peut faire une superbe musique, mais être un être humain très médiocre ..

  • Elle est surprenante et on a du mal à la comprendre mais elle ne m'a pas "énervée".
    Quant à Tchaïkovski, il semble complètement indifférent à ce qu'il provoque.
    Le film n'est pas "facile" mais je suis ravie de l'avoir vu.

  • C'est sombre et pas gai. Il y a de la musique mais souvent originale et des oeuvres de Tchaïkovski bien sûr. C'est un film très intéressant.

  • Bonjour Pascale, j'ai vu le film hier après-midi dans une salle pas jeune. J'ai trouvé le film remarquable de bout en bout avec l'actrice de 27 ans qui j'espère fera une longue carrière. Elle joue un rôle "casse-gueule" et elle s'en tire magnifiquement. Bon dimanche.

  • Bonsoir Aifelle. Je suis d'accord avec toi, un film hors du commun et une extraordinaire actrice.

  • Coucou Pascale !
    Incroyable que ce film n'ai rien obtenu à Cannes en effet. Si La fièvre de Petrov m'avait perdue, si Leto était 1er de mon top l'année de sa sortie, ce dernier né est un grand coup de coeur pour moi !

  • Ce film est un coup de coeur pour moi, je le trouve d'une grande maitrise et beaucoup de scènes me restent. Et ces acteurs incroyables ! Bref, ce réalisateur qui m'avait perdue avec La fièvre de Petrov me reconquière !

  • Je n'ai pas vu la Fièvre parce que les critiques et les échos m'ont un peu effrayée... mais que ce film n'ait pas conquis Cannes (c'est mignon à dire conquis Cannes), c'est incompréhensible.

  • La passion de cette femme rappelle l’am de Camille Claudel pour Rodin.
    Elles terminent toutes les deux internées

  • C'est vrai. Toutes deux malmenées par un homme. L'amour rend folle !

  • C'est vrai que cette passion n'est pas facile à comprendre. Se donner entièrement à cet amour sans aucun retour.
    Actrice surprenante
    Et de très belles peintures de friant.

  • Oui elle est folle la demoiselle.
    L'actrice est époustouflante.
    J'ADORE Friant.

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