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JEANNE DU BARRY

de Maïwenn ***(*)

Jeanne du BarryJeanne du Barry

Avec Maïwenn, Johnny Depp, Benjamin Lavernhe, Pierre Richard, Melvil Poupaud, India Hair, Suzanne de Baecque, Pascal Greggory, Micha Lescot, Marianne Basler, Robin Renucci, Djibril Djimo

Comment Jeanne Vaubernier fille du peuple née d'une mère domestique et d'un père curé, est devenue Jeanne Du Barry dernière favorite officielle du Roi Louis XV.

Le film dépeint cette improbable et incroyable ascension avec quelques arrangements avec la réalité historique et la réalisatrice a le mérite de réussir une belle fresque qui nous replonge dans les secrets de la vie à la Cour avant l'arrivée de Louis XVI et Marie-Antoinette également présents ici en jeune couple mal dégrossi. Elle nous dépeint avec une certaine dérision la vie tellement réglementée, protocolaire de la Cour et s'attarde par exemple sur le "lever du Roi", moment d'ennui insondable pour ceux qui assistent au spectacle et d'humiliation contenue pour le principal protagoniste. Il faut donc pour prendre du plaisir, aimer les films historiques reconstitués avec soin tout en acceptant quelques coups de canif à la vérité, les films en costumes, n'être allergique ou hostile ni à Maïwenn ni à Johnny Depp. 

Dans son malheur d'être "mal" née, Jeanne a la chance de vivre avec sa mère au domaine de Monsieur Dumousseaux, un gentilhomme cultivé qui prend la fillette sous son aile et l'instruit. Mais Jeanne grandit et Madame Dumousseaux craint que son mari ne succombe aux charmes de la petite devenue grande et bien charmante. Ah ces hommes qui ne savent maîtriser leurs nerfs... l'histoire ne date pas d'aujourd'hui ! Elle doit donc prendre ses clics et ses clacs et entrer au couvent. Là, ce sont ses lectures coquines qui épouvantent les soeurs qui la jettent dehors. La mère et la fille décident de tenter leur chance à Paris où Jeanne pose pour des peintres et peut-être sous le pinceau d'Elisabeth Vigée Lebrun (les personnages ne sont pas toujours clairement identifiés). Pas farouche et ravissante la demoiselle se fait rapidement remarquer et devient une courtisane. Je pense qu'il n'est ni faux ni insultant de dire qu'elle est une pute de luxe. Un Comte libertin, Jean Du Barry la remarque à son tour et l'utilise pour s'enrichir. Ainsi les relations de Jeanne ne cessent de prendre du prestige et c'est par l'entremise du puissant Duc de Richelieu qu'elle est amenée à rencontrer le Roi Louis XV toujours amateur de tendrons bien qu'il avance en âge (il faisait son marché au Parc aux cerfs qui abritait les jeunes concubines du Roi) mais reste très ardent au lit. Jeanne ne pourra rencontrer le Roi que si elle porte un titre. Elle devient Comtesse du Barry par son mariage de convenance avec Jean et après un examen gynécologique approfondi est déclarée apte à partager la couche du Roi. La rencontre dépasse les attentes. Les deux tombent amoureux l'un de l'autre. La fraîcheur, la gaité et la beauté de Jeanne ravissent le Roi qui avait perdu le goût de vivre après quelques deuils (ce qui n'est pas dit dans le film) et Jeanne partage ses sentiments. La Cour et en particulier Mesdemoiselles filles du Roi sont complètement hostiles à cette idylle et n'auront de cesse de ramener leur père à la raison. Louis XV n'a cure de ces avis et nomme Jeanne sa Favorite.

Au sein d'une Cour intolérante, Jeanne imposera pourtant son style décontracté (cheveux lâchés, pantalons pour monter à cheval jambes écartées, tenues rayées...) aux dames d'abord outrées de tant de libertés. Et surtout elle redonnera la joie de vivre au souverain.

Maïwenn nous conte la vie de cette courtisane sur le mode de la comédie sentimentale. Toute scène de sexe est écartée et les baisers langoureux, les caresses sur le visage sont doux et romantiques. Contrairement à ce que je lis partout, je n'ai pas trouvé Maïwenn particulièrement narcissique. J'ai toujours du mal à comprendre comment certaines réalisatrices se filment avec tant de délectation mais ici je comprends que la réalisatrice ait tenu à interpréter ce rôle et rendre Jeanne Du Barry très aimable sans la moindre aspérité à son tempérament. Elle a le droit, elle est actrice et même si la Du Barry avait 25 ans lorsqu'elle a rencontré le Roi, Maïwenn peut encore se permettre de jouer les jeunes femmes. Par contre, j'ai trouvé particulièrement plaisant qu'il n'y ait aucune scène de nu. Tout comme j'ai apprécié que le film ne soit pas abusivement féministe même si le personnage est celui d'une femme qui se fait une place dans un monde hostile. Et si Maïwenn s'identifie personnellement à Jeanne Du Barry (je lis et j'entends tellement cela partout comme s'il s'agissait d'un crime odieux, que j'ai cessé de lire et d'écouter), elle laisse aussi énormément de place à ses partenaires de jeu. De nombreux personnages existent même s'ils sont parfois caricaturaux dans l'ignominie. Notamment ceux des filles du Roi, bêtes, jalouses, outrageusement poudrées et racistes (Jeanne se verra offrir par le Roi, Zamor, petit négrillon "tellement exotique" dont le personnage (réel) mériterait un film à lui seul) à laquelle la géniale India Hair donne une saveur délicieusement acerbe. Certains personnages sont un peu trop en retrait comme celui de Jean Du Barry interprété à la perfection par Melvil Poupaud et Pascal Greggory ou Patrick d'Asumpçao étrangement muets. Soyez attentifs, le Monsieur Dumousseaux du début est interprété par Robin Renucci, je ne l'ai pas reconnu.

Une grande place est accordée à La Borde, Premier valet de chambre du Roi. Chargé de s'assurer que Jeanne comprend le protocole de la Cour, c'est sur lui que Maïwenn s'attarde le plus et offre sans doute à Benjamin Lavernhe son meilleur rôle au cinéma. Leurs scènes communes pleines de complicité, de douceur, de connivence sont parmi les plus belles du film. La Borde est dans le film, c'est évident, secrètement amoureux de Jeanne.

Côté réalisation. Maïwenn a pu placer sa caméra (bien stable pour une fois) à l'intérieur du Château de Versailles et ne se livre pas comme Sofia Coppola pour son Marie-Antoinette (c'est dans ce film que Maïwenn a découvert Jeanne Du Barry) à une version anachronico pop de la Cour. Aucune paire de Converse n'a été oubliée dans un dressing et le groupe Air n'électrise pas la bande son. Et la réalisatrice se permet et ose une scène entièrement éclairée à la bougie à l'instar de Stanley Kubrick. Impossible de ne pas penser à son chef-d'oeuvre, Barry Lyndon quand on voit le soin que la réalisatrice a apporté à la forme de son film qui est peut-être classique mais aussi d'une grande élégance et dont elle adapte le personnage à sa propre personnalité.

J'allais oublier Johnny. Je l'ai trouvé exceptionnel. Débarrassé des oripeaux et camouflages timburtoniens ou jacksparroesques, il semble enfin assumer son âge avec d'ailleurs un rôle de son âge. Ne s'exprimant qu'avec parcimonie sans doute pour dissimuler un délicieux accent américain, ses yeux, son visage et son sourire restent toujours incroyablement expressifs. La scène la plus incroyable est celle où il vient se dresser tel un reproche vivant auprès de ses filles et de Marie-Antoinette encore toute jeunette et manipulée par les harpies. Jamais reproche silencieux n'aura été aussi éloquent. Malgré des bruits de (cour) couloir que les rapports entre l'acteur et la réalisatrice auraient été déplorables, cela ne se ressent jamais à l'écran. Leur couple fonctionne magnifiquement.

Ce film est romantique, romanesque mais aussi d'une évidente et authentique tristesse. Je le recommande.

Commentaires

  • Elle me met mal à l'aise cette fille (Maïwen, pas Jeanne). Je sais, tu vas me dire qu'il ne faut pas s'arrêter là ;-)

  • Si, tu peux t'arrêter là car je comprends. Certaines personnes (publiques ou non) me font cet effet.
    Le film est beau néanmoins :-)

  • Rebonsoir Pascale, je suis comme Aifelle, je ne suis pas fan de Maïwenn mais entre toi et le Canard Enchaîné, je vais peut-être me décider à aller le voir. Bonne soirée.

  • Bonsoir dasola. Ce serait dommage de bouder ce beau film. Maiwenn n'y est pas comme sur un plateau télé.

  • Belle critique, on sent que tu as aimé ;-)
    Je suis d'accord avec toi sur le côté féministe. Sans être dans l'accusation bête et méchante, le film montre bien le regard que l'on peut poser sur une femme qui dénote dans ce monde (ajoutons à cela le Mépris de classe), et les plus perfides viennent d'ailleurs peincipalement des femmes elles-mêmes. Maïwenn montre tout de même à quel point Jeanne du Barry a laissé sa marque à la cour, parvenant à imposer un style. C'est un des aspects réussis du film.

  • Merci votre seigneurie.
    Oui les femmes sont des teignes, les hommes moins, à condition que la belle passe dans leur lit, à l'exception de l'irréprochable et indispensable La Borde qui peut penser à la chose sans prononcer le mot.
    Les jours passant, le film laisse un excellent souvenir.

  • Complètement d'accord avec toi.

  • D'accord avec moi ? Deux jours de suite ???
    Tu es sobre ?

    J'ai revu Drunk hier. Quel film ! Quel Mads !
    Il y a cette réplique savoureuse :
    Churchill a dit, jamais d'alcool...



    avant le ptit déj.

  • C'est un paradoxe. Ce film est plus personnel qu'historique, néanmoins, compte tenu du soin apporté à son écriture et à la mise en scène (certes pas toujours brillante), il a un réel intérêt documentaire (sur les us et coutumes de Versailles, la situation des femmes...). Il est surtout porté par la réalisatrice-interprète. Elle n'est pas La du Barry, mais elle est une courtisane amoureuse, qui tente de concilier son appétit d'indépendance et les contraintes de l'époque.
    Pour moi, c'est plutôt une bonne surprise.

  • Plus personnel qu'historique... j'ai l'impression qu'on s'acharne sur Maïwenn et son narcissisme alors qu'elle n'est sans doute pas la seule réalisatrice à s'identifier à un personnage mais c'est une réalisatrice et pas forcément aimable donc... En fait, je n'en sais rien je n'ai vu ni entendu aucune de ses interventions publiques récentes. Je sais qu'elle déplaît.
    Mais oui son film semble bien documenté et je l'ai trouvé passionnant à plus d'un titre.

  • A part quelques moments que je trouve un peu con-cons ou enfantins. J'ai été content de suivre la destinée de Jeanne du Barry.
    Certaines scènes sont très belles (les illuminations avec les bougies par exemple...)
    Étrange destin que cette femme née (comme moi) dans la Meuse et qui arrive si proche du pouvoir. La relation avec La Borde est vraiment bien rendue.
    Je n'avais pas reconnu Robin Renuci...

  • Oui je vois ce que tu veux dire elle "joue" parfois un peu trop sur la "joyeuseté" enfantine de Jeanne par rapport au sérieux du Roi et de la cour. Notamment quand elle se précipite au cou de Louis en pleine réunion avec ses ministres, ça faisait très Sissi impératrice.
    Ah oui c'est vrai, elle est née à Vaucouleurs. Tu vois, tu peux te rapprocher du sommet.
    Robin Renucci est en effet méconnaissable mais j'ai dû faire la mise au point (visuelle) pour certains autres personnages : Noémie Lvovsky, Marianne Basler, Pascal Greggory, Patrick d'Asumpçao et Pierre Richard a la perruque la moins bien ajustée qui soit.
    La relation avec Laborde fait plaisir à voir.

  • Un bon film, je serais moins dithyrambique (manque de chair et de passion, faussetés historiques) mais dans l'ensemble c'est un bon moment cinéma

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