d'Andrea Di Stefano ***(*)

Avec Pierfrancesco Favino, Lina Caridi, Antonio Gerardi

Après trente cinq ans passés au service de la police, Franco Amore prend sa retraite.

Sa femme lui prépare une petite fête qu'il doit feindre d'ignorer pendant qu'il tente depuis une semaine d'écrire un discours. La particularité de Franco est de n'avoir jamais durant sa carrière fait usage de son arme, ce dont ses collègues se moquent gentiment. Au cours de la petite fête Franco reçoit un coup de fil qui risque de bouleverser le bel ordonnancement des choses. Mais elles ne se sont peut-être pas passées tel qu'on le voit dans un premier temps. Et c'est l'une des réussites du film de nous faire revivre la toute première scène beaucoup plus tard, mais d'un tout autre point de vue. Ce qui a pour effet de nous faire ressentir très différemment et surtout de comprendre les émotions que Franco éprouvait.

Formellement le film est une réussite totale. Le prologue consiste en un somptueux plan séquence nocturne lors duquel la caméra survole la ville tentaculaire de Milan (personnage à part entière du film) en passant par la somptueuse place du Duomo pour pénétrer dans l'appartement de Franco, non sans s'être longuement attardée aux alentours de la gare et des rails enchevêtrés. Ce prologue est absolument magnifique. Ajoutez à cela une musique étrange, comme un souffle haletant qui accentue déjà la tension. La partition pourra se faire beaucoup plus emphatique par la suite ajoutant encore de la tension à la tension qui d'ailleurs faiblira peu tout au long du film qui revient sur la fâcheuse décision prise par Franco quelques jours plus tôt.

Après avoir porté secours à un ponte de la mafia chinoise en fâcheuse posture, ce dernier fait à Franco une offre qu'il ne  peut refuser. Il embarque dans ce qui ne devait être qu'un petit contrat d'une heure d'une facilité enfantine (emmener quelqu'un d'un endroit à un autre) son meilleur ami Dino, flic comme lui. Il faut dire qu'avec un salaire de 1 800 €uros, l'offre est alléchante pour un travail aussi simple. Evidemment rien ne va se passer comme prévu. Le long moment où l'affaire tourne mal donne lieu à une scène virtuose qui s'éternise et multiplie les rebondissements dans un tunnel. Ce tunnel sera également l'objet d'une scène encore plus longue et toujours sous tension mais cette fois il sera envahi de flics qui cherchent à comprendre ce qui s'est passé alors que Franco doit tout faire pour que son implication ne soit pas découverte.

La nuit promet d'être longue car voici qu'au fond du ciel...

C'est tortueux et éprouvant à souhait pour le personnage qui en une nuit risque de tout perdre et notamment sa belle probité morale mais aussi pour le spectateur, littéralement en apnée et qui se demande comment Franco va pouvoir s'en sortir. Autour de Franco, il y a sa femme Viviana. Elle est la seconde épouse et Franco a eu, d'un précédent mariage, une grande fille d'une vingtaine d'années qui se trouve à l'étranger. Viviana est beaucoup plus jeune que Franco et est malencontreusement liée au milieu milanais par ses cousins. Contrairement à ce que j'ai lu à plusieurs reprises, j'ai trouvé ce personnage absolument passionnant et magnifiquement interprété par Lina Caridi. Elle semble d'abord n'être qu'une ravissante idiote, principalement préoccupée par son apparence et ses qualités culinaires. Je trouve qu'elle démontre la force de son caractère et une fidélité sans faille à son mari qui est d'ailleurs fou d'elle. Capable de séduire un mafieux chinois, de tenir tête à ses cousins au profil pas reluisant, de porter secours à un enfant (tout en le mettant en danger) et surtout de tout abandonner dans la seconde pour ne pas abandonner son mari, je l'ai trouvée vraiment formidable. Même si ses intentions finissent pas ne plus être désintéressées, elle est fidèle et efficace.

Evidemment cela ne vous a pas échappé que pour interpréter ce flic intègre qui perd les pédales, le réalisateur a choisi celui qui est sans doute l'un des meilleurs acteurs italiens actuels, l'immense, l'époustouflant, le magnétique, le très charismatique Pierfrancesco Favino qui portait déjà sur ses solides épaules tatouées deux films récents : Le traître et Nostalgia.