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PERFECT DAYS

de Wim Wenders ☆☆☆☆☆

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Avec Koji Yakusho, Tokio Emoto, Arisa Nakano

Pour certains, peut-être beaucoup d'entre nous, "Chaque matin qui se lève est une leçon de courage", pour Hirayama chaque matin est une découverte, une révélation, bercé par un rituel quasi immuable.

Après avoir soigneusement plié son couchage, s'être brossé les dents, avoir coupé son impeccable moustache, vaporisé les nombreuses plantes et boutures qui occupent une petite pièce de son minuscule appartement, Hirayama enfile une combinaison, prend une boisson au distributeur et se rend à son travail. Avant de quitter son domicile, il lève les yeux, sourit imperceptiblement comme pour saluer et remercier ce jour nouveau. Dans sa petite camionnette emplie de produits et matériels divers, il choisit et insère une cassette audio choisie avec soin sans doute en fonction de son humeur qui semble pourtant parfaitement invariable. Une cassette audio, c'est cette chose magnifique :

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Nous aurons donc le plaisir immense d'entendre au cours de ces jours parfaits, la bande originale de la vie de Hirayama qui la partage sans aucun doute avec Wim Wenders : "The House of the Rising Sun" - The Animals, "Redondo Beach" - Patti Smith, "Walkin' Thru The Sleepy City" - The Rolling Stones, "Perfect Day" - Lou Reed, "Pale Blue Eyes" - Lou Reed / The Velvet Underground, "The Dock of the Bay" - Otis Redding, "Aoi Sakana, Blue Fish" - Sachiko Kanenobu, "Sunny Afternoon" - Ray Davies / The Kinks, "Brown Eyed Girl" - Van Morrison, "Feeling Good" - Nina Simone.

Le travail de Hirayama consiste à nettoyer les toilettes publiques de Tokyo, tache qu'il remplit avec un soin et une application admirables alors qu'il est celui qu'on ne voit pas, qu'on bouscule à l'occasion voire dont on se méfie. Le midi, dans un parc, il mange des sandwichs, sort son vieil Olympus et photographie l'arbre son ami. A la fin de la journée il se rend aux bains publics où il se lave avec le même soin qu'il accomplit tout le reste, puis mange au même endroit chaque soir pour enfin rejoindre son domicile où il s'endort après avoir lu quelques pages d'un livre. Une deuxième puis une troisième fois nous revivrons avec Hirayama le même rituel à quelques minuscules nuances sans la moindre lassitude. Jusqu'à ce qu'arrive le week-end où un autre protocole se met en place. Notre héros, devenu familier, se rend en vélo à la laverie pour nettoyer sa tenue de travail, chez un photographe qui a développé les photos de la semaine précédente et à la librairie choisir sa nouvelle lecture. L'endroit est tenu par une impayable libraire qui connaît tous les livres qu'elle vend et en donne un résumé concis mais instructif tel que : "Patricia Highschmith fait parfaitement la différence entre l'anxiété et l'angoisse". Et le soir, c'est dans un restaurant tenu par une accorte et ravissante dame à la voix enchanteresse qu'il se rend. On imagine la possibilité d'une idylle.

Nous n'en sommes qu'à la moitié du film et l'impression se mélange qu'on ne connaît rien de Hirayama mais qu'il nous est devenu familier. On pourrait le penser misanthrope mais il prouvera à plusieurs reprises : avec un petit garçon dans un parc, avec son collègue insupportable mais drôle qui note tout sur 10, avec la petite amie de ce dernier, avec un inconnu rencontré au restaurant, un petit jeu de morpion glissé derrière une glace... qu'il est la gentillesse incarnée, qu'il est incapable de dire non. Et l'on s'attachera définitivement à lui. Lorsque sa nièce Niko ravissante et fugueuse fera irruption dans sa vie, il l'accueillera, lui laissera son lit pour dormir dans un placard et tentera de lui enseigner l'art de profiter de l'instant présent sans constamment se projeter dans l'avenir. On comprendra alors que Hirayama a eu une vie, qu'il a peut-être fui et le réalisateur nous offrira dans une infinie douceur et pourtant totalement inattendue une de ces étreintes généreuse et réconfortante dont le cinéma à le secret.

Pendant ces deux heures, nous visiterons Tokyo et plus particulièrement ces endroits improbables mais manifestement différents au Japon que sont les toilettes. Nous arpenterons des rues étroites, des parcs, des jardins qui côtoient des tours à la taille et à l'architecture parfois délirantes, les maisons en bois de bric et de broc à côté des buildings et la fameuse tour Skytree (haute de 632 m, notre Tour Eiffel peut aller se rhabiller) qui domine certains quartiers et observerons ce labyrinthe, cet enchevêtrement d'autoroutes avec pour guide le plus charmant, le plus doux, le plus gracieux des hommes solitaire et rêveur.

Il faut tout le talent d'un réalisateur tel que Wim Wenders pour réussir sans manipulation, sans chantage à l'émotion, l'exploit de convoquer chez son spectateur toute l'empathie du monde et lui procurer un bien-être tel qu'il se ressent encore vingt-heures après avoir vu le film. Le talent considérable aussi d'un acteur magnifique qui a obtenu le Prix d'interprétation masculine à Cannes (enfin une récompense que je valide pour cette édition) : Koji Yakusho.

Avec un ensemble de petits riens qu'on a tendance à escamoter ou à ne pas remarquer le réalisateur et l'acteur nous invitent avec élégance et humilité à un voyage immobile bouleversant où se révèlent toute la fragilité de l'être humain et son endurance inaltérable aussi. Même s'il s'amuse lorsque face à une jeune geek ou simplement une jeune fille de son époque, et fait dire à son héros : "est-ce qu'on peut trouver un magasin Spotify à Tokyo" le réalisateur ne nous fait pas le coup du "c'était mieux avant" avec ses cassettes audio et sa bande son so seventies (mais tellement géniale), il nous invite simplement à nous dire que l'instant présent est le seul à notre disposition pour profiter de la vie et qu'on peut trouver dans la beauté de la nature, des livres, de la musique de quoi remplir son quotidien.

Il nous engage aussi à déceler et à profiter du komorebi, mot japonais unique qui désigne la lumière du soleil qui filtre à travers les feuilles des arbres et qui peut être cette lumière intérieure qui traverse les fêlures. Le long dernier plan, absolument bouleversant est sans doute la plus belle expression vue depuis longtemps au cinéma de toutes les émotions qui peuvent traverser ou foudroyer un être humain. 

Wim Wenders a dédié le film à Yasujirō Ozu. Il explique en quoi le célèbre réalisateur japonais l'a influencé dans sa carrière : "Principalement le sentiment qui imprègne ses films que chaque chose et chaque personne est unique, que chaque moment ne se produit qu'une seule fois, que les histoires quotidiennes sont les seules histoires éternelles."

Qu'ils soient tous deux remerciés de permettre aux spectateurs de vivre de tels moments !

Commentaires

  • J'étais déjà tentée, mais avec ton billet je crois que ce sera mon prochain film ! j'ai entendu Wim Wenders en parler ces jours-ci, c'était intéressant, j'ai pensé que ça pouvait me plaire.

  • J'ai été transportée par la beauté et la douceur de ce film et de ce personnage.
    Je suis encore sous le charme.
    GROS coup de coeur que j'ai envie de revoir.

  • Finalement, j'aime aussi quand tu aimes, tu sais parler avec une grande délicatesse de ce film apparemment si doux. Je le verrai sans aucun doute, ne serait-ce que pour écouter les cassettes qui ont enchanté ma jeunesse; qui connait encore Otis, les Kinks, les Turtles etc ...

  • Ouf et merci ;-)
    Je crois que je suis définitivement amoureuse de Hirayama.

  • Quelle classe, la cassette d'Astral Weeks !
    Waouh... une merveille, du 10/10 et en plus elle doit valoir au moins 150 dollars...
    Impressionné, je suis... (je n'ai gardé aucune cassette)

    Je rêve de visiter ces toilettes, quelle merveille aussi... Visite guidée de Tokyo à travers ses toilettes, y'a une idée à prendre pour un tour operator...

    Je ne reviens pas sur le Velvet, Patti Smith ou Lou Reed... Tu en parles bien... Mais ça fait un bien fout de voir un film comme ça où pendant deux heures, on ne voit que sourire, bonne humeur et bienveillance. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un Wim Wenders, là il est simple, beau et poétique, limite ça donne pas envie de retourner dans notre monde...

    PS : pour info, il doit y avoir en ce moment un Yasujirō Ozu dans le replay d'Arte..

  • Il y a longtemps qu'on avait perdu Wim Wenders je trouve. En ce qui me concerne depuis Million dollar hôtel.
    Pour moi celui-ci est son meilleur (oui je sais il y a Paris Texas, Les ailes du désir, L'ami américain...).
    Au rayon des pas bienveillants, il y a le regard torve de la fille qui mange ses sandwiches triangulaires sur un banc et la maman qui nettoie les mains de son fils qui a touché Hirayama. Et les deux petits vieux au bains publics qui semblaient ne pas le remarquer et qui sont choqués de le voir venir avec une jeune fille. C'est drôle.
    La scène avec l'ex de la dame qui chante, je la trouve magnifique aussi.
    Enfin, tout est parfait dans ce film, même le jour.

    Je me suis encore réveillée avec Perfect day en tête et Hirayama. Je suis amoureuse, c'est sûr. ça fait du bien. Et je vais tenter une vie simple et parfaite. ça réduira mon empreinte carbone, pas bien élevée je crois. D'ailleurs samedi je suis allée à la poste à vélo, et purée, ça CAILLE !

    Oui il y a un Ozu, Le goût du sake je crois. Je vais le regarder, ce soir tiens. ça me lavera les yeux de La tresse et La Vénus d'argent...

    J'ai toutes mes cassettes et tous mes vinyles mais plus rien pour les écouter :-)

  • Coucou,
    je ne peux qu'être charmée par ce film que je vais vraiment essayer de voir.
    Quand tu dis : "d'ailleurs samedi je suis allée à la poste à vélo, et purée, ça CAILLE !" dans ton commentaire à M Le Bison, ben ça m'a fait un bien fou, comme un retour en arrière où je me déplaçais en vélo, ou je postais de belles lettres à la poste et où l'hiver était au bon moment avec une météo qui ne s'emballait pas dans tous les sens !
    Merci Pascale ♥

  • Hello.
    Je ne peux que t'encourager à voir ce film envoûtant.
    J'aime Sortir mon vélo dès que je peux :-)

  • Bonjour Pascale, même si la deuxième partie du film m'a paru un peu longue, je conseille ce long-métrage que j'ai vu dans une salle très pleine. Cela fait plaisir. L'acteur est formidable. Bonne journée.

  • Bonjour dasola.
    Pas UNE minute de trop en ce qui me concerne.
    J'aurais suivi Hirayama encore une heure.

  • Je vais le voir cette semaine, j'ai hâte ! Ton avis confirme ce que la BA m'avait laissé pressentir !

  • Une merveille.
    Je vais essayer de retourner le voir.

  • Une deuxième vision de ce film ne sera pas de trop, il y a tellement de moments que l'on voudrait retenir. Il n'a vraiment pas volé son prix d'interprétation l'acteur, j'ai trouvé comme toi que le dernier plan était extraordinaire. Je ne me suis pas sentie dépaysée, c'est tout-à-fait dans le ton de certains romans japonais. Wim Wenders doit l'être à moitié devenu.

  • Ah je suis contente que tu aies aimé.
    Je n 'ai pas eu le courage d'affronter le froid aujourd'hui et d'aller "en ville"... J'espère qu'il restera suffisamment à l'affiche pour que je le revois.
    Tu as raison, on dirait un film japonais.
    Hélas, les romans japonais me tombent des mains. Si tu peux m'en recommander un qui pourrait me plaire...
    L'acteur est fabuleux. Tellement beau, tellement expressif.
    Le dernier plan est énigmatique mais que c'est beau ce visage qui se transforme et fait passer tant d'émotions.

    Je viens de regarder Le goût du sake en replay sur Arte. Le personnage principal s'appelle Hirayama. Wim Wenders a rendu hommage à Ozu en l'appelant ainsi.

  • J'ai fait mon devoir. Tu en parles tellement bien que mon éloge semblera bien terne.
    Un seul regret néanmoins en sortant du film : pourquoi ai-je donné toutes mes cassettes audio ? J'aurais pu me faire un pognon de dingue en les revendant à Tokyo.
    Sinon, on se fait une partie ?
    https://papergames.io/fr/morpion

  • Je suis allée voir. Pour l'instant il n'y a qu'un killer.

    Je l'ai revu hier mon Hirayama.
    Je cherche le komorebi partout.
    J'espère que tu es resté jusqu'à la fin du générique.

    J'ai fini en larmes... C'est encore mieux la deuxième fois. J'ai pu m'attarder sur tous les détails. Et avec Koji, on ne passe pas son temps à lire les sous-titres. Il suffit de contempler son merveilleux visage.

    Ah un morbac en ligne, trop drôle.

  • Je ne suis pas resté au bout du générique. Il va donc falloir que j'y retourne...

  • Je préfère oublier ce que je viens de lire.
    Mais tu seras pardonné si tu revois le film.
    Je me souviens d'un réalisateur (j'ai oublié lequel) qui disait : le générique fait partie du film. Je l'agrée mon canard.

  • Hey mais oh là !
    Où on va là !
    Faut prévenir avant qu'il faut rester jusqu'à la toute fin du générique !!!!!!!!!!!!!!!!!

  • Je croyais qu'il n'y avait plus que chez Marvel que ça se faisait.

  • M'enfin les garçons, faut pas bouger avant la fin de la fin.
    Comment vous avez fait pour partir pendant cette version pianistique de Perfect days ?
    Dorénavant je préviendrai mais franchement c'est abusé de partir avant la fin de la musique.

  • Quel beau film ! Et l'acteur est juste sublime !
    J'ai réalisé en écoutant Wenders qu'il jouait dans "The third murder" de Kore-eda.

  • Ah je suis contente.
    Ce film, déjà revu, est merveilleux.
    C'est rare un acteur aussi expressif.
    J'ai commandé Third murder.

  • Des petits riens
    Des moments simples.
    Quelques retrouvailles.
    Le plaisir d'une nouvelle journée qui commence.
    Des toilettes à la limite d'œuvre d'art architecturales.
    Bref une jolie rencontre que tu as bien fait de nous conseiller.

  • Je ne te sens pas au bord de la syncope comme moi :-)
    Mais je sens que tu as apprécié.

  • Pas au bord de la syncope mais presque. Très très apprécié ce personnage simple qui prend soin de tous mais qui passe presque inaperçu aux yeux des autres dans la folie de tokyo. Vraiment beaucoup de douceur et de chaleur. A la sortie de la séance aujourd'hui rue de la commanderie : J'ai levé les yeux au ciel ( reçu quelques gouttes) et souri à ce petit ciel gris qui m attendait

  • Ah je préfère :-)
    Pendant ce temps, j'étais aussi au Japon devant un Ozu, celui que j'ai préféré, Une femme dans le vent. Et il pleuvait beaucoup quand je suis sortie, alors comme une idiote j'ai baissé la tête.

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