LES RÈGLES DE L'ART
de Dominique Baumard ***
Avec Melvil Poupaud, Sofian Zermani, Steve Tientcheu, Julia Paton
Jo est "l'artiste", chargé de voler des objets précieux. Sa méthode tout en élégance et vélocité est infaillible.
Eric est le "vendeur", recéleur et escroc qui s'occupe de vendre les objets et d'escroquer Jo au passage en le payant des clopinettes. Le troisième larron est Yonathan, "expert" en montres de luxe, marié, père de famille à la vie très monotone. Sa rencontre avec Eric va sacrément booster et égayer cette terne existence. Jusqu'à ce que le trio, pour répondre à la demande d'un acheteur qui cherche un tableau de Fernand Léger s'attaque à une entreprise bien trop grande pour lui.
Pour traiter cette affaire particulièrement tragique qui a vraiment eu lieu (le vol de cinq tableaux, des chefs-d'oeuvres, de Braque, Matisse, Léger, Picasso et Modigliani au Musée d’art moderne de Paris en 2010) le réalisateur opte pour la comédie et démontre que des amateurs ne sont pas équipés pour réussir un tel "exploit". Cependant...
Et bim bam boum voilà à nouveau une comédie française réussie, qui fait rire, sourire et passe comme un charme. Cela n'empêche pas, tout comme le braqueur qui réalise l'exploit de subtiliser cinq oeuvres dans un Musée, de tomber en extase devant la beauté des tableaux. La scène du cambriolage est d'ailleurs absolument remarquable. Censé ne dérober qu'un tableau de Fernand Léger, l'Arsène Lupin d'opérette tombe littéralement en extase voire amoureux du regard de La femme à l'éventail d'Amedeo Modigliani. La scène est d'autant plus belle et forte que Jo est interprété par Steve Tientcheu un gros balèze que l'on imagine difficilement s'émouvoir devant des oeuvres aussi délicates. Ne pas se fier aux apparences ou peut-être au grand pouvoir de fascination que peut exercer une oeuvre d'art sur nous pauvres mortels. Devant l'absence d'alarme, Jo continue tranquillement son marché et s'éclipse tout aussi sereinement. On peine à croire que cela se soit passé aussi facilement et pourtant...
Je vous laisse découvrir comment tout cela a été possible, par quels concours de circonstances abracadabrantesques puis comment les choses s'embrouillent. Et surtout profiter d'un casting brillantissime dont l'énergie finit par être communicative. Evidemment le réalisateur joue beaucoup sur l'incongruité des situations mais aussi sur le gouffre moral et social qui sépare les protagonistes et leurs personnalités mais c'est un régal de voir évoluer ces trois garçons assez pathétiques : le cambrioleur à la sensibilité artistique évoqué plus haut, l'escroc à la tchatche intarissable (Sofian Zermani aussi drôle que fatigant) et l'innocent qui n'a rien à faire là. Melvil Poupaud, dont on avait déjà pu découvrir la veine comique dans l'excellente série OVNI(s) (que je recommande) est absolument irrésistible et hilarant. Tout dans son personnage est comique, sa maladresse, ses hésitations, ses chemises, ses pyjamas et sa manière délirante de péter les plombs. Un comique est né. J'ai adoré.