GHOSLIGHT
de Kelly O'Sullivan et Alex Thompson ****
Avec Keith Kupferer, Dolly de Leon, Katherine Mallen Kupferer, Tara Mallen
Dan est employé sur des chantiers de voirie à Chicago.
Son manque d'attention le met parfois en danger sur la chaussée (et l'on peut constater que les réactions agressivo-débiles des automobilistes à l'égard de ceux qui travaillent sur les routes ne sont pas une exclusivité franco-française). Interpelé par une comédienne gênée par le bruit des travaux dans le quartier, il pousse la porte de la salle de répétition. La troupe amateur répète une pièce de Shakespeare, Roméo et Juliette ("Romeo Romeo pourquoi es-tu Romeo ?"). Dan participe à une lecture et intègre finalement la compagnie sans en avertir sa femme et sa fille. A la maison, l'ambiance est souvent tendue notamment en raison du comportement agressif de Daisy l'ado, comportement qui provoque d'ailleurs une convocation des parents dans son établissement scolaire.
Je me rendais dans mon cinéma préféré pour voir Ce nouvel an qui n'est jamais arrivé, film roumain sur la fin de règne de Ceaușescu. Complet ! Apparemment la mort d'un dictateur intéresse davantage qu'une énième version de Shakespeare. Je comprenais jusqu'à ce que je découvre ce film, car pour ne pas m'être déplacée pour rien, je me suis rabattue sur ce Ghostlight qui était pourtant en toute fin sur la liste de mes envies. La bande-annonce me laissait supposer un film anglais un peu gnan gnan et prévisible. Comme quoi les bandes annonces sont souvent mal faites et j'avais tout faux puisque le film est américain et j'ai assisté à un spectacle magnifique, tendre, délicat et finalement bouleversant. J'ai fini comme une flaque à renifler (car les flaques reniflent, oui) et me moucher dans mon écharpe. Donc, soyez plus prévoyants : prenez des mouchoirs !
Si comme moi vous vous interrogez sur la signification du titre que l'on peut traduire littéralement par lumière fantôme... sachez que dans les pays anglo-saxons, le terme "ghosligths" désigne les veilleuses, généralement sur trépied, qui restent allumées au centre des scènes de théâtre la nuit. Tout s'illumine puisqu'il sera beaucoup question de théâtre.
Je vous en dirai un minimum pour vous laisser comme moi toute la surprise des raisons des uns et des autres que l'on pressent et découvre peu à peu. C'est très habilement et subtilement mené. On comprend pourquoi cette jeune fille rageuse ne profère plus que des "gros mots", pourquoi les parents peinent tant à la "recadrer". Un petit quiproquo entre la femme et le mari vient corser provisoirement l'affaire mais on est surtout face à une famille ordinaire qui trouve dans le théâtre bien des compensations face à l'injustice de la vie. La résolution des problèmes peut paraître peut-être un peu simpliste mais j'étais heureuse que les réalisateurs choisissent délibérément la lumière et nous rendent complice de l'évolution de cette famille attachante qui réussit enfin à se parler.
Le théâtre est au coeur du processus de réparation. Le théâtre comme moyen de panser ses plaies, de calmer la douleur. Pourquoi pas ? Le parallèle entre une pièce qui date de 1597 (avec des libertés notamment concernant l'âge des protagonistes absolument savoureuses) et les évènements de 2025 finit par être particulièrement pertinent jusqu'à ce moment théâtral qui met KO. Avant cela, il y aura eu l'étreinte douce, progressive de tout un groupe, silencieuse, plus réconfortante que mille mots.
Pour vous faire frémir d'émotion, il y a des acteurs. Tous inconnus et amateurs (si j'ai bien compris) sauf Dolly de Leon plus aguerrie. Pour jouer la famille, les réalisateurs ont choisi une vraie famille. Ainsi la merveilleuse et jeune Katherine Mallen Kupferer joue avec ses propres parents. Tout le long du film on peut observer cette connivence et cette alchimie assez exceptionnelles. Tout s'explique. On y croit à cette famille qui souffre. Mais c'est le père, ce grand gaillard qui explose ou quitte la pièce si les choses ne lui conviennent pas, avec sa pudeur, sa douleur, son mutisme qui plus encore que sa fille de la vie et du cinéma pourtant formidable, vous fera frissonner et sangloter.
Allez voir ce grand et beau film infiniment humain qui vous cueille jamais là où on l'attend !
Vous savez ce genre de film qu'on a envie de prendre dans ses bras...
Commentaires
Vu aucune bande annonce et l affiche ne me donnait pas envie. Mais ta critique donne envie.
Oui, oui vas-y, tu me remercieras :-)