CE NOUVEL AN QUI N'EST JAMAIS ARRIVÉ
de Bogdan Muresanu ****
avec Adrian Vancica, Nicoleta Hancy, Emilia Dobrin, Iullan Postelnicu, Luca Toma, Mihai Calin
20 décembre 1989. Quelques jours plus tôt le vieux Nico... oups, le dictateur... rrrrro quand ça veut pas... Nicolas Ceausescu, Secrétaire général du parti communiste et Président de la République socialiste de Roumanie a réprimé dans le sang les premières manifestations populaires contre le régime communiste en tirant sur la foule de ses compatriotes à Timisoara.
A l'approche des fêtes de fin d'année, la population est plus que jamais inquiète voire paranoïaque. Pendant ce temps la télé essaie d'enregistrer une émission pour le nouvel an. Les autorités et le Président s'apprêtent quant à eux à fêter le Nouvel an comme si rien ne s'était passé et préparent son discours pour ce qui sera sa dernière apparition (ce dont il est loin de se douter) au balcon du siège du Comité central du parti devant la foule amassée... Nous saurons plus tard comment cette foule se retrouve présente sur la place. C'est amusant pathétique et révoltant. Si ces trois mots ne vont guère ensemble pour évoquer une seule situation, c'est que le réalisateur dont c'est le premier film (chapeau !) sait parfaitement doser ce mélange de drame et de comédie pour décrire les prémisses de la révolution roumaine.
Ce film m'a donné envie de me lever et d'applaudir. Je n'ai pas osé. Si je l'avais vu au Festival international du premier film d'Annonay, je ne m'en serais pas privée et je serais allée féliciter et remercier le réalisateur. De tels films sont tellement vivifiants, même s'ils peuvent paraître déroutants dans un premier temps par la lenteur de la mise en place. Mais elle est parfaitement justifiée par le dispositif du film choral qui nous permet de suivre pendant 24 heures une journée de la vie de six personnages qui ne se connaissent pas et dont certains se croiseront sans même le savoir.
Il faut un certain temps avant d'identifier ces personnages qui vont progressivement nous devenir familiers. J'étais un peu perdue au début mais ce petit écueil est vite compensé par le fait que plus on avance et s'installe dans le film plus il devient intrigant et passionnant. Et puisque le réalisateur sature son film de moments absurdes et comiques, nous ne cessons d'osciller entre rire et inquiétude. Les décisions que les uns et les autres vont prendre au cours de ces vingt quatre heures décisives le seront également pour eux. De la course d'un père pour retrouver la lettre que son fils a envoyée au Père Noël, à la fuite d'un jeune homme pour passer à l'Ouest, du désespoir d'une femme obligée de quitter la maison qu'elle aime parce que son quartier va être détruit, à cette actrice confrontée à un choix moral impossible... toutes les situations asphyxiantes des uns et des autres sont le reflet de ce que vivait la population roumaine de l'époque. Cela amène à ce point d'ébullition qui couvait certes mais que tout le monde pensait irréel : la chute d'une dictature. C'est haletant, brillant !
Si vous n'êtes pas encore convaincus, je vous dirai que rien que pour le dernier quart d'heure le film vaut largement le déplacement. Les allergiques au Boléro de Ravel seront sans doute à la torture, les autres, dont je suis, profiteront de façon décuplée, en partie grâce à ce tube qui prend progressivement de l'ampleur, à la montée en puissance de la révolte. Avec en contrechamp et images d'archives le visage incrédule de Ceausescu qui peu à peu se pétrifie et se décompose.
La dernière image, un gros plan sur un visage, est magnifique, bouleversante.
Commentaires
Bonsoir Pascale, merci pour ce billet pour un film qui le vaut bien. J'essaye de convaincre des collègues d'y aller mais ce n'est pas facile. Et puis même sur Paris, il est projeté dans très peu de salles et c'est bien dommage. Un film que je procurerai quand il sortira en DVD. J'ai adoré le petit Marius qui campe sur sa position. Il est irrésistible et quand l'actrice demande à son voisin de lui "foutre" une baffe sous l'air outré de la femme. Et puis le gaz coupé au plus mauvais moment... Et c'est vrai que le Boléro pendant les 10 minutes de la fin, c'est génial. Bonne soirée.
Bonjour dasola. Je n'essaie même pas de convaincra... un long film roumain cela fait fuir hélas.
J'ai adoré ce petit garçon qui refuse... La grande scène du père est hilarante et effrayante. Si tendre avec son fils il se met à l'insulter, c'est drôle et ça fait peur. Et sa course pour trouver la boite aux lettres... Moi aussi je me suis demandée si c'était la bonne : la 1ère en partant de où ?
La dame et sa maison m'a fait beaucoup de peine.
L'actrice qui ne trouve rien d'autre que se faire battre et cette femme qui accepte d'être une femme battue.
L'interrogatoire du jeune...
Les ouvriers emmenés en bus, je n'en revenais pas. Pas besoin de L'IA pour fabriquer de fausses images.
Le Boléro...
Il est incroyable ce film. Je suis contente de l'avoir vu.
Encore un film que j'aimerais bien voir, d'autant plus que je suis allée en Roumanie du temps de ce fou furieux. Bucarest était en état de démolition avancée, on sentait la peur partout. Je me souviens d'un bijou de petite église qui devait être démolie la semaine suivante. On a réussi à parler avec quelques jeunes Roumains, bien à l'abri et brièvement. Ça ne s'oublie pas.
Tu as fait un incroyable voyage à l'est.
Le climat de peur est parfaitement bien rendu dans le film. Et de paranoïa. Jusqu'à un homme qui se met à interroger sa femme.
Et l'extrême pauvreté aussi. Le cadeau de Noël du petit est... un plumier en bois.
La folie de la démolition (pour tout remplacer par du béton stalinien) est bien montrée aussi.
Et malgré cela, le film est drôle. Notamment lors des séquences où l'équipe de télé essaie de tourner son clip affreux et débile à la gloire du fou.
Il y avait un tel décalage entre l'ambiance générale et ce que les gens pensaient dans la sphère privée.
C'est parfaitement illustré.
Hélas, je crois que l'extrême droite monte aussi dans ce pays.
Je n'y vois qu'un bémol, à mon avis le film aurait gagné à être plus court de 10-15mn, il y a une partie une longuette et redondante en milieu de film. Mais j'ai beaucoup aimé un des meilleurs films de cette année à ce jour
Les bémols je les utilise en musique (désolée mais ce mot employé ainsi m'agace, comme rebondir et tant d'autres...)
mais oui un quart d'heure de moins n'aurait pas nui au contraire. Mais j'imagine que pour son 1er film le réalisateur a eu du mal à donner des coups de ciseaux.
Film indispensable néanmoins.
J'ai été très agréablement surprise par ce film et je me rends compte qu'il a encore grandi après le visionnage. Décidément, le cinéma Roumain offre des propositions vraiment très intéressantes !
Oui le second effet post projection est très fort.
Moi aussi un peu de temps à saisir qui était qui et essayer de comprendre ce qui rattachait tout ce beau monde
Mais oui il veut le détour et ce dernier 1/4 d'heure Ravalesque pour finir en apothéose.
Un film qu'on est heureux d'avoir vu.