LA VENUE DE L'AVENIR
de Cédric Klapisch ****
Avec Suzanne Lindon, Abraham Wapler, Vincent Macaigne, Julia Piaton, Zinedine Soualem, Vassili Schneider, Sara Giraudeau, Paul Kircher, Cécile de France, Claire Pommet, Philippine Leroy Beaulieu, Olivier Gourmet, François Berléand, Raïka Hazanavicius, Angèle Garnier
Adèle a été élevée par sa grand-mère dans la campagne normande.
A la mort de cette dernière, la jeune femme de 21 ans laisse son amoureux, part à Paris à la recherche de sa mère qui l'a abandonnée alors qu'elle n'avait qu'un an. Cela se passe en 1895.
130 ans plus tard, une trentaine de personnes sont réunies grâce à une généalogiste qui a contacté tous les descendants survivants d'Adèle. Sa maison, délaissée depuis des décennies se trouve en plein milieu d'un projet immobilier (centre commercial, parking etc.). Quatre volontaires sont désignés pour se rendre en Normandie afin de faire l'état des lieux. Seb (Abraham Wapler, révélation-lumière-irradiante à suivre de près), Abdel (Zinedine Soualem), Céline (Julia Piaton) et Guy (Vincent Macaigne) ne se connaissent pas, découvrent leur lien de parenté plus ou moins éloigné, leur relation avec Adèle. Mais surtout ils constatent que la maison recèle de véritables trésors, des photos à profusion, un tableau de style impressionniste, un morceau de toile barbouillé d'un griffonnage soigneusement conservé. Ce butin en apparence anodin ouvre la porte à l'imaginaire, aux interprétations diverses. L'enquête mais surtout le voyage entre le présent et le passé peut commencer et nous emmener jusqu'à comprendre la signification de ce beau et énigmatique titre : La venue de l'avenir...
J'imagine que tout le monde ne sera pas transporté par ce film. Moi, il m'a carrément soulevée de terre. Au rythme paresseux d'une carriole qui traverse le bocage puis d'un voyage en bateau sur la Seine du Havre à Paris, nous accompagnons Adèle. Lors de la traversée elle rencontre deux apprentis artistes, Anatole (Paul Kircher, ridiculement affublé d'une grosse moustache et toujours aussi inexpressif) et Lucien (Vassili Schneider) respectivement peintre et photographe. Partie à la recherche de sa maman, Adèle va vivre une expérience émancipatrice qui passera par l'apprentissage de l'indépendance, de la vie en communauté mais aussi de la lecture et de l'écriture.
C'est un film dans lequel on se love progressivement, un film cocooning, doux comme une caresse, rassurant, débordant de générosité et transgénérationnel. Pas l'ombre d'un méchant au cours de ces passages temporels entre XIXème et XXIème siècle au gré de portes que l'on ouvre sans savoir ce qui se trouve de l'autre coté.
Par le biais d'une expérience chamanique, Klapisch rassemblera même pour notre plus grand bonheur dans une scène merveilleuse les protagonistes contemporains et ceux du XIXème siècle. L'occasion de permettre aux contemporains lors de cette téléportation en 1875, de croiser quelques impressionnistes photographiés par Nadar mais aussi ce séducteur de Victor Hugo (véritablement réincarné par François Berléand) ou Sarah Bernhardt.
Les tableaux, Monet en train de peindre les Impressions au soleil levant, la contemplation inlassable des Nymphéas, une balade dans le jardin de Giverny... toutes ces merveilles hantent le film non pour l'alourdir ou le rendre pesamment didactique mais au contraire le faire s'élever vers le rêve et l'imagination, ce dont le scenario ne se prive pas (les éléments de la vie des artistes du passé n'ont rien de biographiques) le rendre aussi beau qu'un tableau que l'on contemple extatique. Tout comme Montmartre quand il était un jardin où l'on cueillait les légumes, trayaient les vaches, mais aussi les calèches, les réverbères, la Tour Eiffel jeune fille toute pimpante, une vie de bohême idéalisée et supportable grâce à l'amitié, l'entraide, le partage, le tout dans une reconstitution délicieuse, soignée elle aussi, sans doute un peu idéalisée mais qui invite à pousser des soupirs de bien-être.
Propice à l'émerveillement, la flânerie de Klapisch (qui s'offre un caméo hitchcockien) est tout en enthousiasme et fluidité. Elle propose de s'arrêter, se retourner un peu pour mieux avancer, comprendre à l'éclairage du passé les raisons qui font qu'on est ce que l'on est. Et puis, prendre le temps de contempler vraiment un tableau ou un détail de tableau, de détailler aussi tous les mystères que détient une photo jaunie, et se tromper. A ce titre, ce film m'a évoqué régulièrement le magnifique docu-fiction de Zabou Breitman et Florian Vassault, Le garçon. Si comme moi, vous possédez des milliers de photos aux bords dentelés dont vous ne pouvez pas toujours identifier les protagonistes (et que votre descendance abandonnera dans un vide-grenier, voire pire...), vous pourrez facilement laisser au vestiaire toute rationalité, et profiter de ces deux heures pour vous arrêter un peu, penser que si nous sommes là, d'autres vies avant la nôtre ont mérité d'être vécues et méritent qu'on les raconte.
La direction d'acteurs est sans faille. Tout le casting est à sa place. Suzanne Lindon possède le visage intemporel qui correspond bien au rôle (mais a encore à travailler ses gammes pour donner de l'épaisseur et de l'expressivité à ses personnages). Le quatuor de cousins de cinéma très disparate au départ, est solide et se découvre peu à peu des liens durables. La jeune génération est largement dominée par Abraham Wapler (révélation à la hauteur de François Civil, Félix Lefebvre, Benjamin Voisin, Anthony Bajon ou Julien de Saint Jean) et chaque "apparition" de personnages très secondaires est un régal. Il y a même une formidable chanteuse (Pomme) pourvue d'un vrai talent de comédienne... Mention spéciale à Cécile de France en Conservatrice de musée un peu snob mais totalement habitée par son métier. Elle est irrésistible.
Vous l'avez compris, je vous encourage à découvrir ce film. Ici la nostalgie est bien ce qu'elle était, douce et bienfaisante. Un abri douillet dans lequel il est réconfortant de s'abandonner.
Commentaires
Celui-là il faut que je le voie bien sûr. L'horaire de cet après-midi me convient parfaitement, allez hop ! Tu te rends compte, je ne suis pas allée au cinéma depuis le 1er janvier !
Oula... 1er janvier ? Non je ne me rends pas compte. Et tu lis mes articles ??? J'ai l'impression que tu es la seule à tous les lire.
J'espère que tu aimeras autant que moi.
Bien sûr que je lis tous tes articles, ça m'intéresse. Je ne veux pas devenir ignare, même si je ne les vois pas dans l'immédiat. Et je te fais plus confiance qu'aux médias.
Merci de ta fidélité. Je comprends. Au bout d'un certain temps, à force de lire les mêmes avis de la même personne, on sait ce qui va nous plaire ou pas. :-)
Va savoir pourquoi, j'étais persuadé que tu n'aimerais pas ce film...
Oooooh ! C'est peut-être la présence de Suzanne et Paul qui te fait dire ça. Effectivement, selon moi, ils doivent encore faire leurs preuves et je serai la première à changer d'avis. Cela m'est déjà arrivé.
Mais pour ce film, j'ai vraiment été embarquée. Je te prie donc de revoir ton étoilage à la hausse (ou un autre à la baisse... :-) )
J'ai vu l'affiche mais aucune BA ! Ton bel article donne très envie de voir le film, mais aussi de se retourner vers le haut de son arbre généalogique !
La famille peut réserver de belles surprises... ce film en donne l'illusion car dans la réalité... (je parle pour moi évidemment).
Ça y est je l'ai vu. Je l'ai trouvé un peu long et j'ai tiqué sur Suzanne Lindon, c'est juste en effet. Pour le reste c'est plaisant et elle est chouette cette bande des 4. Je te rejoins sur la scène chamanique, trop drôle. Et tout ce qui concerne la peinture est un régal.
Bon... je te sens moins enthousiaste mais tu as passé un relativement bon moment.
Je suis un poil en dessous de toi, mais dans l'ensemble j'ai aimé ce que ce film dégage et puis j'étais tellement contente de retrouver le cinéma (j'ai foncé parce que j'ai à nouveau la crève et si ma toux s'aggrave, je serais encore empêchée d'y aller quelque temps ..)
Je sens bien tes réticences et je suis d'accord sur le fait que Suzanne n'est pas à la hauteur de ce beau rôle.
Et m.... pour la crève. J'espère que tu t'en sortiras plus vite que les autres fois. L'air de la montagne fera du bien.
J'ai trouvé cela "sympatoche", comme dirait Pierre Murat. Les scènes d'époque sont jolies à regarder, l'histoire est à la fois belle et foisonnante, même si tous les comédiens ne sont pas excellents (certains même venant là juste pour une ou deux déclamations, pas forcément réussies).
C'est un nouveau film gentil du gentil Cédric Klapisch.
Sympatoche je suis d'accord et un peu/beaucoup plus que cela pour moi.
Je crois voir de qui tu parles pour les apparitions furtives... Par contre Berléand en Hugo, on aurait pas voulu s'en passer.
D'accord pour Berléand, qui campe de manière vraisemblable le grand écrivain toujours très attiré par les femmes, malgré le poids des ans...
Berléand est bluffant, une réincarnation !
Et toujours séducteur... mais il avait des arguments, physiques et intellectuels : combo parfait.
Les moments de peintures sont superbes. Ha ce petit rajout de jaune /orangé est une pure merveille je trouve.
Les moments 19 ème et 21 s'articulent très bien entre eux. Petite réserve pour S London que je trouve un peu froide et P Kircher totalement inexpressif avec ou sans moustache.
Il m'a fallu quelques secondes pour reconnaître Cécile de France un peu déjantée dans ce rôle de conservatrice. Mais superbe!
Après en 2025 il est apparement tellement plus simple de changer les couleurs des Nymphéas que celle d une robe... Pourquoi s'en priver ?
Moi aussi suis Fidel Chere Pascale!!.
Comme toi j'ai été conquise, presque bouleversée par ces moments où Monet peint.
Les passages entre les 2 époques sont vraiment bien amenés.
Je suis d'accord pour Melle Lindon un peu coincée dans son corset.
Paul Kircher, qui m'avait illusionnée dans Le règne animal, est une.imposture totale.
Cécile de France est méconnaissable et magnifique. C'est quand elle a éclaté de rire que je l'ai reconnue. Elle assure dans ce rôle totalement différent de ce qu'elle a fait jusque là. Et son "mais pas que" est hilarant. Tout comme son.attitude, écroulée sur le fauteuil après l'expérience
La scène avec le mannequin qui demande si on ne voit pas trop le tableau est géniale. Et le photographe semble choqué qu'on puisse changer la couleur des Nymphéas. C'est drôle.
Mais oui tu fais partie de la dizaine de piliers fidèles et solides de cet endroit :-)
Tout à fait d'accord avec toi, un petit bijou bien construit et de jolis émotions, je mettrai quelques bémols sur le jeune trio 1893 dont la jeune Mlle Lindon que je trouve sans talent. Mais ça reste un très beau film
Un beau film doux qui (m'a) fait beaucoup de bien.
Je ne m'acharne pas sur Suzanne (très fade) qui subit les foudres haineuses internautiques à propos de son physique.
Et qui jour Dounia la conservatrice du musee du Havre