Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

MELANCHOLIA de Lars Von Trier *****

Afficher l'image d'origine

MELANCHOLIA de Lars Von Trier , charlotte gainsbourg, kirsten dunst, kieffer sutherland, dinémaMELANCHOLIA de Lars Von Trier , charlotte gainsbourg, kirsten dunst, kieffer sutherland, dinémaMELANCHOLIA de Lars Von Trier , charlotte gainsbourg, kirsten dunst, kieffer sutherland, dinéma

A cinq jours de la fin du monde, Justine et Michael se marient. Claire, la soeur de Justine, a organisé pour cette occasion une luxueuse et très solennelle réception dans la somptueuse demeure/chateau qu'elle partage avec son mari astronome et son fils Léo. Malgré le faste et l'ostentation, ce ne sont pas les bonnes manières et l'éducation qui étouffent les invités. Des comptes seront réglés et du linge sale lavé en famille. Entre autre, mais pas que... comme on dit. Claire en apparence solide, équilibrée, couve, materne et protège sa petite soeur la blonde, diaphane, douce et fragile Justine. Parfois néanmoins elle la secoue un peu, mais pas trop. Cependant, en ce jour programmé pour le bonheur, Justine fait des efforts démesurés pour sourire, s'amuser et afficher l'image idéale qu'on attend d'une mariée. Mais Justine est atteinte d'un mal sournois et invisible à l'oeil nu. Elle souffre d'une profonde dépression. On peut dire qu'elle est une maniaco-dépressive, une bipolaire... mais avant Freud, l'état de Justine portait un tout autre nom : la mélancolie. Et c'est justement la planète Melancholia qui s'approche à toute vitesse de la Terre et risque de la heurter. Alors que Claire si forte jusque là panique à l'idée de tout perdre et notamment la vie, Justine s'apaise progressivement...

Que dire et comment le dire ? Je crois qu'il faudra plusieurs visions de ce film qui est une splendeur visuelle, un émerveillement perpétuel, un gouffre d'angoisse, un paroxysme d'émotion, tant il est riche, complexe, évident. Les premières images le résument en quelque sorte. Un plan fixe sur un visage vide, ravagé de chagrin ou de néant, un cheval qui s'affaisse, une mariée freinée dans sa course par des liens qui l'entravent, une maman à bout de souffle qui porte son enfant... le tout au ralenti au son du Prélude de Tristan et Ysolde de Richard Wagner d'un romantisme fébrile, et les deux planètes qui se tournent autour. Je ne sais s'il a encore jamais été donné de voir au cinéma des images aussi belles, aussi pures, aussi parfaites. C'est renversant, c'est sublime. On est subjugué par tant de beauté, de couleurs, d'inventivité. L'ouverture du film se vit en apnée, tout comme la fin, apothéose d'émotion. Je pourrais m'arrêter là, je sais que déjà vous avez envie de vous précipiter pour voir cette féerie démentielle...

Comme parfois chez Lars Von Trier, le film est chapitré. Le premier est consacré au mariage de Justine qui après avoir fait face au monde, à l'agitation, après avoir un peu dansé, sombre à nouveau au plus profond de son spleen. Le réalisateur observe Justine et les invités, il passe de l'un à l'autre, saisit des répliques, balance les discours du père vieux séducteur irrécupérable, de la mère cynique et monstrueuse. Les deux parents accableront leur fille ; le premier en l'appelant Betty et pas Justine, la seconde en la laissant seule avec ses peurs. A ce titre John Hurt et Charlotte Rampling, pathétiques, se livrent à un grand numéro. Alors que sa fille la supplie de la réconforter, la mère dit : "tout le monde a peur, dégage", parle t'elle de la vie en général ou de la future collision ? On ne le sait pas. Est-ce l'imminence de la fin du monde qui fait que des choses sont dites ou faites ? La façon dont Justine va littéralement congédier son patron est également une scène admirable. C'est un peu le privilège des dépressifs qui ont perdu tout goût de vivre et n'ont plus rien à perdre de dire clairement ce qu'ils ressentent. Mais Justine est malade, profondément. Lorsque sa soeur la recueille alors qu'elle a atteint le point où même ouvrir une porte est devenu un obstacle infranchissable où les aliments ont tous un goût de terre, où se laver ne fait plus partie du quotidien, une scène déchirante serre le coeur dans un étau : Claire essaie d'aider Justine à entrer dans une baignoire. Elle la soutient, la porte presque. Mais l'épuisement de Justine est tel qu'elle ne peut même soulever une jambe. Alors Claire, persuadée d'avoir progressé en arrivant au moins à la salle de bains dit doucement : "ce n'est pas grave, on s'est entraînées pour demain". ça n'a l'air de rien écrit comme cela, à l'écran cela donne une scène affolante d'émotion. Jamais la dépression n'a sans doute été aussi bien représentée au cinéma je crois. Il y a cette attitude incompréhensible pour tous de la personne qui a "tout pour être heureuse" et qui s'enlise chaque jour un peu plus. Et autour d'elle, ceux qui renoncent et ceux qui comme Claire supportent au sens le plus noble. Et pourtant Claire parfois soupire en sourdine : "parfois je te déteste tellement !" Le réalisateur parvient à saisir toute la force, l'ambiguïté, l'alternance de concessions, de connivence mais aussi de rejet de cette relation étrange qui peut exister entre soeurs, comme si l'on ne pouvait être une qu'en étant deux.

Le second chapitre s'attarde sur Claire qui s'affole, s'angoisse et s'agite à l'idée de voir cette énorme planète lui prendre tout ce qu'elle a. Son fils surtout qui a inventé un astucieux instrument qui permet de voir à l'oeil nu, sans télescope si la planète progresse. Scènes admirables entre toutes également où Claire tente de se rassurer en utilisant cet appareil fait d'une tige de bois et d'un morceau de métal. Et puis, elle a son mari (Kieffer Sutherland très très très bien !), physicien ou astronome, scientifique en tout cas, qui la rassure "Melancholia va s'approcher c'est certain, mais va contourner la terre". Il protège, rassure, garde son calme pour finalement avoir le comportement le plus inattendu qui soit. Mais le moment tellement fort et apaisant où Claire regarde cette énorme planète s'approcher puis reculer et dit "elle a l'air... inoffensive" est une fois encore une trouvaille qui fait palpiter le coeur. A mesure que Claire s'inquiète, cherchant sur Internet des réponses à ses interrogations, des raisons de se rassurer, Justine devient de plus en plus sereine. Alors que Claire se lève la nuit assiégée par l'angoisse, Justine entre véritablement en communion avec la planète qui porte un si joli nom... Alors que l'une n'imagine pas de perdre la vie et que l'avenir de son petit garçon soit stoppé net, l'autre assure que le monde et l'homme sont mauvais, qu'ils peuvent disparaître.

Charlotte Gainsbourg et Kirsten Dunst sont tellement formidables et admirables qu'elles sont indissociables !

La fin du monde chez Lars von Trier est grandiose, extraordinaire et merveilleuse. Elle est comme on ne l'a jamais vue dans aucun film. Nul homme ne viendra avec sa cape, ses super pouvoirs ou simplement sa bravoure sauver le monde. On peut dire que le réalisateur y met un point final, mais en beauté entre angoisse, frayeur et apaisement...

Un film comme un rêve ou un cauchemar, une attente ou une crainte. Qu'importe. Ce n'est pas seulement le meilleur et le plus beau de Lars Von Trier, c'est aussi un film inoubliable qui aurait cent mille fois mérité la Palme d'Or.

Commentaires

  • Oh ! Un presque 5 étoiles et un bel enthousiasme c'est vendu je t'ai lu sauf le résumé très détaillé des chapitres pour rentrer dans le film sans trop en savoir ...

    Hier je suis allée voir La planète des singes : les origines et j'ai pas mal aimé mais si je devais attribuer des étoiles il en aurait 3 !

    Merci à toi pour ces beaux billets !
    Bisous

  • Oh ! Un presque 5 étoiles et un bel enthousiasme c'est vendu je t'ai lu sauf le résumé très détaillé des chapitres pour rentrer dans le film sans trop en savoir ...

    Hier je suis allée voir La planète des singes : les origines et j'ai pas mal aimé mais si je devais attribuer des étoiles il en aurait 3 !

    Merci à toi pour ces beaux billets !
    Bisous

  • Tu as bien fait de t'arrêter avant les chapitres... C'est déjà courageux d'avoir lu jusque là, je pense que peu liront cet article trop long mais tant pis, j'aurais voulu écrire encore...
    J'ai vu les singes et je leur donnerai trois étoiles aussi :-)

  • Superbe article que j'ai lu dans son intégralité avec le regret qu'il ne soit pas un peu plus long. Il m'a vraiment, vraiment donné envie d'aller voir ce film, ce que je vais faire pas tout de suite, car plein d'activités déjà prévues, et surtout faut voir si l'amoureux veut m'accompagner.
    Merci de ce joli commentaire, pour ce film qui a dû te réconcilier avec le ciné après les 2 derniers !

  • oh oui quelle honte les deux derniers quand on voit celui-ci... Vont-ils encore se prétendre cinéaste s'ils voient ce Melancholia !

  • Dilemne .. j'étais bien déterminée à ne pas y aller parce que le ciné de Lars Von Trier, je ne suis pas cliente. Et puis j'ai tout lu, bien attentivement, oui Madame, et maintenant j'ai quand même envie de le voir ... que fais-je ? y cours-je ?

  • Ah la la, quel film...quel film! Et quand je pense que je vais devoir attendre plus d'un mois pour le revoir... Brrr. Ravie que tu aies aimé et que tu le fasses si bien partager. J'avais l'impression de revoir (revivre) le film en te lisant. D'accord sur "Super 8". D'accord sur "Melancholia". Mais que se passe-t-il donc?:-)

  • Aifelle : oui cours y vite ! Chez Lars tu as aimé quoi ???
    Moi je n'ai pas vu AntiChrist, Les Idiots...
    J'ai adoré Breaking The Waves, Dancer in the Dark...
    Et celui-ci leur est encore supérieur. Voilà pour te donner une idée !

    Sandra M. : j'espère que je ne dis pas tout quand même. De toute façon, c'est impossible de ne rien ressentir même en sâchant certaines choses !
    Un chef d'oeuvre et une arnaque... on ne peut qu'être d'accord. C'est sur les films intermédiaires qu'on se crêpe la natte !

  • Moi, tu m'as convaincue, je viens d'aller regarder s'il passait dans mon petit ciné d'art et d'essai, et c'est le cas, je vais y traîner S avec moi !!!

  • Génial je suis ravie ! J'espère que ça vous plaira !

  • Non, ne t'inquiète pas, tu ne dis pas tout, mais ça donne envie de le (re)voir (encore plus)! Pour le chef d'oeuvre, il y a quasiment unanimité (sauf Télérama, je crois, c'est à mourir de rire leur critique), mais pour l'arnaque...nous sommes beaucoup moins nombreux...

  • J'ai lu Télérama, me souviens plus avoir rigouler !

  • Très, très beau texte inspiré Pascale !
    Bravo.
    Les frasques de Lars l'ont pénalisé à Cannes.
    Mais j'adore aussi Tree of life. Quelle sélection !
    T'embrasse fort,
    Benoit

  • C'est cent mille fois plus beau et troublant que l'arbre de vie. Et pourtant j'adore Malick qui ne risque pas de dire de conneries vu qu'il cause jamais.
    J'embrasse pas tu sais bien !

  • J'ai pu ce matin lire ta critique jusqu'au bout - très belle, très juste soit dit en passant. Je n'arrive toujours à me sortir ce film, vu hier soir, de la tête. Je cherche un moment pour aller le revoir. Je pense que si LARS VON TRIER avait gardé un ton politiquement correct, lors du festival, il aurait très certainement obtenu la palme : la vie est dure pour la liberté d'expression aujourd'hui, pas d'humour ni d'ironie dès qu'on touche au nazisme, à la Shoah et autres sujets dans lesquels il faut bien penser (mouvement encouragé par le législateur qui continuent de nous assommer de lois mémorielles...). Bref ! Merci pour le cinéma M. VON TRIER ! On y retournera...

  • Je l'ai revu hier. C'est encore meilleur la deuxième fois. C'est incontestablement LA palme d'or. Je me demande si le côté mystique-blanc-paradis de l'arbre de vie l'aurait emporté face à cette merveille nihiliste qui me convient nettement mieux : personne ne nous regrettera et après il n'y a R.I.E.N.
    Quant à rire de tout avec n'importe qui... y'a belle lurette qu'on ne peut ! Ce qui m'agace c'est que la provoc' (con comme toute provoc') passe pour certains et pas pour d'autres. Enfin, bref, il est passé par loin d'être palmé le Lars !

  • Je te lis après l'avoir vu, comme (presque) toujours. Et je partage ton avis. Les scènes du début, ne peut-on les lire comme des rêves de Justine, puisqu'elle évoque l'un d'eux dans une discussion avec Claire ?

    Et l'odieuse maman, ne souffre-t-elle pas du même mal ?

  • Bien sûr, elle "sait" les choses.... 678...
    Les odieuses mamans je les next :-) mais celle-ci me semble plus rongée de regrets que malade :

  • J'avais peur que Melancholia soir ailleurs que dans les ***** !!!!!!!
    Nous sommes fin août, n'avons-nous pas déjà vu le meilleur film de l'année 2011 ??
    Pour la palme d'or, je suis d'accord : j'ai eu la même pensée... Même si Tree of Life est excellent à mon avis, et que Malick est l'un des plus grand, Mélancholia aurait pu (du ?) décrocher la palme ...

    Aaaatg : Mais quand Gilles Jacob nous nommera-t-il présidents du jury, non ???

  • Ah tu ne sais pas ? C'est moi qui suis présidente l'année prochaine, mais chut, je le dirai en temps utiles !

  • Tu nous oublies pas en membre du jury, Pick et moi !! ;-)
    PS : Si tu pouvais demander à Gong de se libérer pendant cette période, ce serait cool !

  • No problem. Considère que c'est fait.

  • Salut,
    Ma contrib :
    1 - Ce film est prodigieux. Ta critique est top. C'est trop beau. Oeuvre magistrale. Et cette musique de Wagner, quelle beauté...
    2 - Lars est un abruti. Humainement c'est un sale gosse. Ce qu'il a dit n'était pas de la provoc, c'était juste zéro.
    3 - Pas besoin d'aimer un auteur pour apprécier son oeuvre (Céline, Wagner,...)
    A++
    Jérémie

  • Papapa.... J'en suis restée soufflée, oui, tu as raison, en apnée, pendant au moins 30 secondes après l'ultime image... J'en suis encore toute boulversifiée, à la limite de l'angoisse anxieuse... Heureusement, en ressortant du ciné, le ciel était d'un bleu limpide....

  • Melancholia, mon film favori de tous les temps. (et pourtant je l'ai détesté lors du premier visionnage. Oui oui !)

    J'espère que Lars restera en dépression toute sa vie, pour nous sortir des films pareils.

    Je vais me faire un café et lire ta critique, now.

  • Tu aimes détester donc.
    Mais tu es revenu à de meilleurs sentiments.
    LE plus beau film sur la fin du monde jusqu'à présent

Les commentaires sont fermés.