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TIMBUKTU d'Abderrahmane Sissako ****

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Synopsis : Non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane  mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya et de Issan, son petit berger âgé de 12 ans.

En ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes qui ont pris en otage leur foi. Fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football… Les femmes sont devenues des ombres qui tentent de résister avec dignité. Des tribunaux improvisés rendent chaque jour leurs sentences absurdes et tragiques. Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou. Mais leur destin bascule le jour où...

J'ai vu ce film le jour même de sa sortie, le 10 décembre. Mais j'ai beaucoup de mal à écrire à propos de certains films tant j'ai peur de ne pas leur rendre justice et de les abimer. Et puis voilà, le temps passe et dix jours plus tard j'en suis toujours au même point. Comment parler de ce doux, magnifique et douloureux poème ?

Sous la tente touareg de Kidane tout n'est effectivement que calme et volupté. L'exquise harmonie qui règne au sein de cette famille est impressionnante. Les regards échangés, les discussions profondes, les soirées à chanter pendant que le père joue de la guitare, l'adoration réciproque du père et de la petite fille, tout inspire l'intelligence, la joie et l'amour. Et pourtant à quelques kilomètres de là une gazelle affolée court pendant que ses poursuivants en 4X4 s'interpellent : "ne la tuez pas, fatiguez-là".

Et le réalisateur choisit la douceur pour nous parler d'un pays abandonné aux mains de quelques intégristes. Il laissera la violence et les horreurs hors champs. A une exception près, une femme fouettée en place publique. Une femme qui hurle et brusquement transforme ses cris en un chant déchirant que les coups de ses bourreaux n'arrêteront pas. Et le film abonde de fulgurances de cette force.

Comment Jane Campion et son jury ont-ils pu à ce point ignorer cette merveille ? Même si Winter Sleep de  Nuri Bilge Ceylan m'a paru grandiose, il n'atteint pas l'universalité de cet éloge à la beauté et à la paix, de cette condamnation de l'obscurantisme et de la bêtise !

Avec humour voire bienveillance, Sissako pointe les aberrations et les contradictions des islamistes qui condamnent le foot mais ont des discussions très animées à propos des grandes équipes internationales. A cette interdiction, les enfants répondent par une pirouette imparable. Ils miment en une chorégraphie impeccable un match de foot, ses buts, ses élans de joie, ses courses, ses dribbles... sans ballon.

Que dire encore de cette interdiction de la musique balayée par cette nouvelle astuce du réalisateur ? Des membres de la Police Islamique (c'est écrit sur leur gilet...) se rendent dans une maison d'où s'échappent des notes de musique. Et là... les policiers interdits ne savent que faire. Une femme chante effectivement, mais ce sont des louanges au seigneur.

Comment ne pas être impressionné, bouleversé par cette femme qui, à l'instar du jeune chinois seul face aux chars de la Place Tienanmen fait un barrage de son corps devant les véhicules des islamistes ? Le film regorge de moments de cette force, de cette intensité. Et l'ultime inspiration de Sissako est de ne pas avoir fait de ces hommes aveuglés et détestables des combattants effrayants et monstrueux qui vocifèrent mais des êtres semblables à ceux qu'ils persécutent, calmes parfois, doux aussi et souvent enclins à discuter avec leurs victimes. 

Et ce film d'une beauté formelle foudroyante se clôt sur la course éperdue d'une autre gazelle qui hurle de chagrin et de douleur.

Commentaires

  • J'aurais aimé l'aimer autant que toi, mais j'ai été gênée par le côté trop esthétique à mon goût ; du coup, l'émotion est tenue trop à distance pour moi. Mais ça reste un excellent film et je regrette comme toi qu'il n'ait pas été distingué à Cannes, il avait pourtant toutes les qualités pour l'être.

  • Oui je suis d'accord, c'est TROP beau.
    Il n'avait d'ailleurs "que" *** au départ, et puis le souvenir que j'en ai le place au-dessus !

  • Même impression, même impact : ce film sera pour moi un des plus beaux vus en cette fin d'année. A la fois un brûlot politique et un poème élégiaque, sur la forme comme sur le fond, c'est un pied de nez à l'obscurantisme, un défi lancé à tous les totalitarismes. Mais c'est surtout un film superbe.

  • Oui c'est beau, c'est doux.
    Il faut avoir confiance en l'espèce humaine pour traîter cela ainsi...

  • Il est encore à l'affiche dans le cinéma proche de chez moi, je crois que je vais devoir aller le voir...

  • Oui il le faut :-)

  • Vu dimanche dernier grâce à toi (et ce billet), et beaucoup beaucoup aimé. A noter, le petit cinéma indépendant de ma toute petite ville qui l'avait mis à l'affiche ce week-end là (alors qu'il ne l'était pas au moment de sa sortie), et la salle était pleine, ce qui fait plaisir :)

  • Je te donne envie de voir des films,
    tu me donnes envie de lire des livres.
    Elle est pas belle la vie ?

  • :))))))

Les commentaires sont fermés.