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L'AVENIR de Mia Hansen-Løve ****

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avec : MADAME ISABELLE HUPPERTAfficher l'image d'origine ,

André Marcon, Roman Kolinka, Edith Scob

 

Rien n'arrête Nathalie, professeur de philo agrégée dans un lycée parisien, et surtout pas la grève des élèves qui parlent de leur "retraite". Elle n'est pas là pour faire de la politique et surtout, elle aime tellement son métier, qu'elle est d'accord pour enseigner jusqu'à 67 ans. 

Sa mission : essayer d'aider des jeunes gens à penser par eux-mêmes. Chez elle, deux grands enfants à la tête bien faite et un mari, prof de philo comme elle. Mais beaucoup plus intransigeant, il terrorise ses élèves : "je les ai avertis, le premier qui me parle de "retraite", je le vire de mon cours". Alors, lorsque ce dernier lui annonce qu'il a rencontré une autre femme et qu'il va vivre avec elle après 25 ans de vie commune, Nathalie n'a que cette réaction : "je pensais que tu m'aimerais toujours". Comme nous sommes entre gens intelligents, entre philosophes même, la séparation se passe sans cri, sans hystérie. Et Nathalie va devoir faire face, la soixantaine proche, à un divorce, au départ de ses enfants, à la mort de sa mère, à sa toute nouvelle fonction de grand-mère. Et en bon petit soldat, avancer malgré tout.

 

Ce film m'a tellement fait de bien que je vous en parle avant de vous parler des films de Beaune, afin que surtout, vous ne le laissiez pas vous échapper. J'en suis sortie comme les épaules débarrassées de plusieurs tonnes de stress, d'incertitude et de tristesse. Envoûtée jusqu'à la dernière minute par la musique du générique. Car dans ce film, même la B.O. est soignée. Brahms, Schumann, une version revisitée d'Unchained Melody et Isabelle Huppert, de nouveau la plus grande, qui calme un bébé en lui chantant A la claire fontaine...

 

Mia Hansen-Løve déjà grande dès Tout est pardonné alors qu'elle n'avait que 25 ans, puis avec Le père de mes enfants, m'avait déçue avec Un amour de jeunesse. Cette fois, accompagnée d'une Isabelle Huppert au sommet, elle abandonne, mais pas complètement, la jeunesse pour s'intéresser à une femme d'âge très très mûr qui voit son univers s'abîmer alors qu'elle ne s'y attendait pas. Même la maison d'Edition dans laquelle elle faisait paraître des publications exigeantes la "remercient" en s'emberlifocant dans un charabia commercialo-intello pitoyable.

 

Que reste-t-il à Nathalie ? Son métier, son inépuisable curiosité intellectuelle, elle a toujours un livre à la main et lit en toutes circonstances, et un chat encombrant, noir, obèse et complètement con (selon elle). Quand elle place sa mère exigeante, dévorante et suicidaire dans une maison de retraite, elle dit à son fils "si tu savais ce que ça me coûte", on ne sait s'il s'agit d'argent ou de sentiments. Et quand Nathalie pleure, c'est toujours à l'abri des regards, mais pas du spectateur. Qui du coup souffre avec elle. Discrètement donc, pour ne pas déranger. A ce niveau, on ne peut plus parler de délicatesse mais d'un parti pris admirable de rendre son héroïne anéantie, plus forte que la pluie de calamités qui s'abat sur elle. A aucun moment elle n'embarrassera quiconque de son chagrin, de sa solitude, de sa détresse. Mais on l'accompagne, elle qui ne cesse de bouger, de marcher, d'avancer, toujours un livre à la main.

 

La réalisatrice nous prend à contre pied car rapidement on imagine que c'est Nathalie qui va succomber au charme d'un ancien élève devenu adulte irrésistible (Roman Kolinka, grand garçon irrésistible donc), et non, c'est Heinz (André Marcon comme toujours impeccable) qui rompt le contrat et la belle harmonie apparente de ce couple en totale osmose intellectuelle. Et puis il y a la mère, Edith Scob, ex beauté rongée d'angoisses qui se laisse mourir dès que sa fille s'éloigne. Quels poids pour Nathalie !

 

Mia Hansen-Løve a trouvé en Isabelle Huppert l'interprète de rêve. Eternellement juvénile certes, mais terriblement drôle comme il lui arrive de l'être, émouvante comme jamais, cruelle aussi (la scène où elle prépare le repas de Noël...), elle porte, illumine, transcende ce beau film à la fois triste et plein d'espoir. Pfiou !

Commentaires

  • Tout ce que j'entends de ce film depuis quelques jours me fait baver d'envie. J'irai donc. Ce week-end.

  • Je pense que tu vas aimer et même ne pas pouvoir t'empêcher de faire une note de trois kilomètres.

  • T'aimerais ça, hein ?
    On va voir.

  • J'ai vu qu'il y avait du nouveau...
    Deux films que j'ai pas vus bien sûr !!!
    J'irai prendre le temps de lire !

  • Ta deuxième phrase, c'est un message subliminal pour moi ? Je l aime bien aussi mon boulot, mais 67 ans, quand même. .. faut penser à nos élèves !
    Un prof de philo ça a 3 ou 4 classes par an. 2 X moins que moi. Ça explique pourquoi elle sature pas.
    Pour Huppert of course, j'irai.

  • Non pas de message subliminal.
    Nous en avons parlé déjà il me semble t'avoir déjà dit que je trouvais aberrant qu'il y ait une voire deux générations d'écart entre les profs et leurs élèves. Et que je trouverais normal de ne pas être prof jusqu'en fin de carrière.

    Je pensais que les profs de philo avaient aussi 18 heures de cours par semaine ! Et j'imagine que les paquets de copies ne doivent pas être des parties de plaisir non plus et qu'en philo, les profs doivent lire de belle inepties. D'ailleurs dans le film on voit bien qu'elle prend sur son temps de loisirs pour corriger.

    Je sais que tu aimes ton métier ou que tu l'as aimé, mais je suis convaincue aussi que tu en es lassée.
    Et si Huppert dit ça dans le film c'est aussi pour se moquer des jeunes de 16/17 ans qui font "grève" pour leur retraite...et empêchent les autres d'entrer, les traitant de "collabos". Je suis assez d'accord pour me moquer un peu même si j'ai conscience que le monde qu'on laisse est une belle merde et qu'à notre époque on n'imaginait même pas que la retraite existait. Elle était d'un autre âge, d'une autre époque. On était foutument pas concernés !

  • Les profs de philo ont bien 18 h aussi, mais les TL ont 6 heures par semaine. Donc avec 3 ou 4 groupes, ils ont leur nombre d'heures, ce qui fait un total de 3x35 ou 4 x 35 élèves à connaitre, ce qui est la moitié et même moins que mon total !
    De plus quand tu enseignes une matière qu'ils ne connaitront qu'une année dans leur vie, il est évidemment plus facile de ne pas trouver d'élèves qui en ont déjà marre avant que tu ne commences !

  • Par ailleurs, beaucoup de mes élèves ont des parents qui soit sont au chômage, soit sont épuisés et ne voient pas arriver cette fameuse retraite, dont on se moque, mais qui est pour bcp de monde le seul moment de la vie où l'on est libre. Alors c'est vrai qu'imaginer que ce qu'ils vont vivre sera encore pire que ce qu'ils voient leurs parents subir, ça doit pas être remontant, et peut-être même que ça doit pousser à la révolte.

  • Un billet magnifique, j'espère que le film le sera tout autant (j'y vais ce week-end) :)

  • M'étonnerait que tu n'aimes pas !
    C'est tout en subtilité et Huppert est au TOP !

  • J'ai aimé tout autant que toi et pourtant, je ne suis pas une fan d'Isabelle Huppert, mais là, je l'ai trouvée excellente. Les autres aussi et prof de philo ou pas, quand tout ce que tu avais cru solide vacille, tu te débrouilles comme tu peux ; avec classe et dignité chez Nathalie. (tu as oublié Schubert dans la B.O.)

  • Je l'ai beaucoup aimé. Et puis c'était l'actrice préférée de Mouche... mais je trouvais que ces dernières années, elle avait beaucoup de tics... Mais là avec ce film et Valley of love, elle remonte très haut. Elle est incroyable.

  • J'avais déjà envie de voir ce film, ton billet m'y encourage d'autant plus, bref je sais ce qu'il me reste à faire ;-)

  • Direction ton cinéma :-)

  • Ah oui comme d'hab', pas facile d'avoir un avis si on ne fait pas partie du sérail. D'ailleurs je mets au défi quiconque de savoir ce que TL veut dire si on n'est pas de la grande famille de l'EN. Je pense à Terminales Littéraires ???
    Et donc il y a des profs qui ont la vie dure et d'autres qui pas (comme dit Salomon).

    Dans le film on ne connaît pas tout le "background" des familles des élèves qui font grève et semblent réciter leur petit 68tar illustré pour les nuls... Donc un peu risible DANS LE FILM. Et MOI PERSONNELLEMENT en tant que JE me suis trouvée plus en empathie avec les jeunes "collabos" qui voulaient suivre les cours qu'avec les grévistes.
    Mais en vrai je suis contre le chômage, la misère et l'injustice mais je n'ai pas assez battu le pavé pour le dire.

  • "En vrai je suis contre le chômage, la misère et l'injustice." Mouhahahaha. Miss France, sors de ce corps !
    Moi je suis pour, je trouve que ça fait vachement de bien au monde. PTDR.
    Il y a d'autres moyens que de battre le pavé pour lutter contre et surtout pour avoir le droit de dire qu'on est contre.

  • Ouf mon humour reine de beauté passe bien à l'écran alors :-)

  • Comme d'hab, je te rejoins sur ton analyse. Moi aussi j'ai de nouveau plaisir à voir jouer sans surjouer Isabelle Huppert dont la carrière liée à ses choix de films est exceptionnelle à l'instar de Deneuve.

  • Elle est magnifique ici comme dans Valley of Love, elle rit, elle pleure, c'est beau.

  • Un très beau film, je partage tout ce que tu as écrit. J'ai aussi beaucoup apprécié les ellipses dans la narration : face aux moments douloureux, on ne s'attarde pas, on comprend la peine, le chagrin sans qu'il ait besoin d'être appuyé. Huppert est formidable, et comme toi, je me suis senti bien à le sortie du film !

  • Oui c'est triste, fort et doux. Bravo la Mia et je suis tellement contente de retrouver Isabelle.

  • Rebonjour Pascale, c'est pour moi aussi un coup de coeur. C'est le meilleur film français de l'année (pou l'instant). Bon dimanche.

  • Incontestablement le meilleur en effet. Bon 1er mai.

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