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MA LOUTE de Bruno Dumont ***(*)

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Avec : Fabrice Luchini, Juliette Binoche, Valeria Bruni Tedeschi, Raph, Brandon Lavieville


Comme chaque année, en cet été 1910 les Van Peteghem, famille bourgeoise de Lille, Roubaix, Tourcoing se rend dans sa résidence secondaire. Le père, la mère, les deux filles et leur neveu. Et comme chaque année sans doute Isabelle la mère s'extasie sur la beauté de l'endroit. "Ô des pêcheurs ! Ô un parc à huîtres ! Ô un oiseau !"

Pas très loin, dans le quartier misérable Saint Michel vit la famille Brufort, les parents et 4 garçons qui ramassent des moules. Le père et l'aîné, Ma Loute, font traverser les bourgeois d'une rive à l'autre de la baie pour éviter qu'ils ne salissent ou mouillent leurs beaux souliers. Dans le même temps et au même endroit, l'Inspecteur de police Machin et son collaborateur Malfoy mènent une enquête sur de mystérieuses disparitions sans cadavre.

 

Il y a longtemps que j'ai renoncé à comprendre où Bruno Dumont cherchait à nous emmener mais depuis La vie de Jésus (la sombre histoire d'un chômeur raciste pour faire vite*), je ne rate aucun de ses films (sauf Twentynine Palms* sans doute parce qu'il est le seul à ne pas se passer dans le Nord). Car oui, Bruno Dumont est fou de sa région natale et ici encore il a tourné dans un endroit que je trouve d'une beauté renversante, sur la côte d'Opale où j'ai pas mal crapahuté, et notamment à Wissant, Wimereux, Hardelot... Rien que ces noms évoquent pour moi la mer, le vent, le soleil, les dunes sauvages, les ciels changeants... Je vous invite à vous rendre sur ce très beau site : Les Carnets de Route de Ma Loute qui donne un aperçu du tournage agrémenté de vidéos et de photos magnifiques.

 

Jusqu'en 2014 les films de Bruno Dumont étaient plutôt des drames profonds, déprimants qui bousculaient ou dérangeaient. Et puis en 2014, revirement total, le réalisateur se paie ou plutôt nous offre une mini-série enthousiasmante diffusée sur Arte, P'tit Quinquin. L'histoire d'une enquête branquignole (le corps démembré d'une femme est retrouvé dans le corps d'une vache...) menée par le plus improbable des policiers, le commandant Van der Weyden mais aussi l'histoire d'amour entre deux ados P'tit Quinquin et Eve. C'était inattendu, déroutant et surtout complètement hilarant ce qui avait fait couler beaucoup d'encre car on ne croyait pas du tout en la fibre comique de Dumont. En tout cas, elle n'avait jamais sauté aux yeux.

 

Il remet le couvert avec Ma Loute, comédie déjantée où se côtoient de riches bourgeois dégénérés qui ont un peu trop forcé sur les alliances industrielles comme le dira M. Van Peteghem (Fabrice Luchini), de pauvres pêcheurs colériques et bas de plafond qui aboient plus qu'ils ne parlent, un commissaire obèse qui ne cessera de gonfler tout au long du film, incapable de descendre une pente trop abrupte, il préfère rouler,  et des cannibales... Mais aussi une maison incroyable, le Typhonium (qui existe vraiment) villa de style égyptien qu'un couple de peintres français excentriques et fortunés ont fait construire au XIXème siècle

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Cette bâtisse moche imposante et surprenante a une vue imprenable, époustouflante sur la baie.

 

Mais qu'en est-il de cette histoire, de cette enquête ? C'est totalement barré, du début à la fin, sans une minute de répit. On peut croire volontiers Dumont atteint de misandrie et il semble appuyer encore un peu plus ici sur les clichés qui ont couru sur la région, notamment la consanguinité. Tant pis, on ne peut pas rire de tout avec n'importe qui. Et ici tout le monde en prend pour son grade : les riches, les pauvres, les jeunes, les vieux, les hommes, les femmes, les gros, les moches et j'en oublie... Si l'on rit beaucoup (moi j'ai beaucoup ri), il est clair que le réalisateur n'accorde pas beaucoup de respect à l'espèce humaine en qui il ne doit pas beaucoup croire non plus. Comment pourrait-on lui en vouloir ?

 

C'est bête et méchant mais follement réjouissant. Comme dans P'tit Quinquin, une histoire d'amour émouvante s'amorce entre Ma Loute, l'aîné de la famille Brufort et Billie Van Peteghem, le fils d'Aude Van Peteghem (Juliette Binoche). Lorsque Ma Loute et Billie, face à face se disent "Mon amour" sans se toucher, le regard de l'un plongé dans celui de l'autre, c'est sublime. Mais ils ont leurs familles respectives pour témoins, alors les pauvres écarquillent les yeux et les riches s'évanouissent. Là encore, même en l'amour le réalisateur ne semble plus croire. Qui est Billie ? Et l'étonnant(e) Raph ne cessera d'entretenir le doute tout au long du film. Est-ce un garçon qui se déguise en fille ou une fille qui se déguise en garçon ?

 

Comme toujours Bruno Dumont a fait un casting sauvage pour trouver ses acteurs non professionnels dans la région et je vous laisse le plaisir de découvrir la kyrielle de tronches. Quant à l'accent local, j'ai la chance de le comprendre mais j'imagine que certains vont avoir besoin de sous-titres et d'ailleurs dans la salle j'entendais régulièrement : "qu'est-ce qu'il a dit ?"

 

Pour la première fois (si ce n'est Juliette Binoche qui avait interprété sa Camille Claudel) il a choisi pour interpréter ses bourgeois bâtards, des acteurs confirmés. Fabrice Luchini est méconnaissable, bossu, boudiné dans des costumes trop petits, il a adopté la démarche d'Aldo Maccione sur la plage et a dû se débarrasser de son phrasé tellement personnel et reconnaissable entre tous. Il n'a jamais été aussi drôle, complètement délesté de ses tics et mimiques faciaux habituels. Valeria Bruni-Tedeschi flirte toujours avec la folie et ce ne sera finalement pas elle qui y sombrera... Blanche colombe tremblante qui se transformera en ange, elle a bien la fantaisie du rôle. Quant à Juliette Binoche, il est évident qu'elle va en agacer plus d'un, mais pour moi qui l'ai perdue en route depuis plusieurs années... ce rôle insensé, exubérant, délirant, totalement débridé me réconcilie avec elle. J'ai adoré la voir faire sa foldingue, éclater de rire en essayant d'imiter l'accent du nord, faire sa Castafiore avec ses plumes et son invraisemblable coiffure puis devenir complètement barjot.

 

Et tous ces bourgeois n'ont strictement rien à dire, mais tellement hautains, prétentieux, sûrs de leur supériorité, infatués, ils parlent, ils parlent...

 

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* Horrible, je découvre que  : l'acteur principal de La Vie de Jésus (qui ne tourna qu'un film) David Douche devenu SDF est mort en décembre dernier et l'actrice principale de Twentinine Palms, Katerina Golubeva s'est suicidée en 2011 :-('

Commentaires

  • J'hésite entre ton avis et ceux de mes copains qui sont tous unanimes pour dire que ce film est une sous m... Je crois que le profond mépris pour les pauvres (du ch'Nord en plus :-) va me dissuader de perdre 2 heures.

  • Tes amis et toi avez TORT.
    C'est une nordiste du nord et de la frontière belge réunis qui cause.
    Ces gens existent : je les ai rencontrés
    (par contre, toujours aucune nouvelle de Dieu).

  • Je vois que tu n'as aucune empathie pour les pauvres et les déshérités. Je n´irais pas jusqu' à te conseiller de relire les béatitudes... Quoique !

  • Nan mais oh, parce que ne pas aller voir le film c'est faire preuve d'empathie pour les pauvres édentés qui perlent comme chô ? Babache va !
    Pour relire les béatitudes, il eût phallus que je les ai lues !
    Et devine où je pars en juin ???
    A Wimereux !!! Alors hein !

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