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YALDA, LA NUIT DU PARDON

de Massoud Bakhshi **(*)

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Avec Safda Asgari, Behnaz Jafari, Babak Karimi

Iran, de nos jours. Maryam, 22 ans, tue accidentellement son mari Nasser, 65 ans. Elle est condamnée à mort. La seule personne qui puisse la sauver est Mona, la fille de Nasser. Il suffirait que Mona accepte de pardonner Maryam en direct devant des millions de spectateurs, lors d’une émission de téléréalité. En Iran cette émission existe, elle a inspiré cette fiction.

J'aurais aimé aimer davantage ce film d'autant que j'ai particulièrement apprécié les propos du réalisateur lors de l'entretien (dans un français parfait) qu'il a accordé à France Inter. Même si j'ai apprécié énormément de choses, d'autres m'ont gênée voire agacée.

Je ne sais combien de temps dure l'émission dont il est question, baptisée ici avec beaucoup d'ironie par le réalisateur Le plaisir du pardon, mais le timing que le réalisateur a volontairement réduit à une unité de temps (la durée de l'émission) ne tient pas. Alors que l'émission est en cours de diffusion en direct, beaucoup trop de choses et de retournements de situations se passent hors antenne pour que le programme puisse continuer dans des conditions "normales". Une des participantes quitte même le bâtiment du studio, prend sa voiture, se retrouve dans un embouteillage, provoque un accident, est rattrapée (en mobylette...) par une des organisatrices de l'émission et revient sur le plateau... L'autre moment très déplaisant est le plaidoyer de Maryam quand son tour est venu de se défendre. Alors qu'elle était jusque là calme, pondérée quoique très anxieuse (elle se gratte beaucoup), elle se met à hurler dans un flot de paroles et de larmes furieuses vraiment très désagréables à l'oreille. La dernière chose gênante est encore une fois que sans dossier de presse, sans les explications du réalisateur, certains éléments de la culture nous échappent à nous européens pas très au fait des us et coutumes iraniens. Même s'ils ne sont sans doute pas essentiels pour la compréhension de ce qui se passe devant nos yeux effarés, les plus curieux aimeront sans doute en savoir un peu plus.

Cette émission, sous un autre titre, existe vraiment en Iran depuis une dizaine d'années et rencontre un vif succès parait-il. Il suffit de composer un numéro en tapant un ou deux suivant le choix du téléspectateur pour voter et décider qu'une personne, ici condamnée à mort, soit ou non exécutée. Le choix des téléspectateurs a une importance déterminante sur la décision qui doit être in fine prise par (ici) la fille de la victime. Cela fait froid dans le dos et espérons que ce programme n'arrive pas jusqu'en France. Que tous les français deviennent sélectionneurs de l'équipe de France de foot, ou épidémiologistes selon les circonstances, c'est une chose. Décider de la vie et la mort d'un condamné... Inch'Allah.

Yalda : qu'est-ce que c'est ? Comme le titre l'indique c'est la nuit du pardon. Il s'agit d'une fête qui se déroule l'hiver lors de la plus longue nuit de l'année. Les familles, les amis se réunissent et récitent des poèmes de Hafez, pilier de la culture persane. De manière ironique le réalisateur rapproche cette fête traditionnelle et une tragédie au cours d'une émission répugnante, clinquante où se succèdent chanteurs et actrice en vogue.

Quant au mariage temporaire dont la jeune Maryam fait l'objet avec un homme de 65 ans, il peut se transformer en mariage permanent après une période d'essai (mariage temporaire) allant d'une heure à 99 ans... Evidemment l'homme peut contracter autant de mariages temporaires (simultanément) qu'il le souhaite, et pas la femme. Cette pratique hypocrite est une sorte de couverture à la prostitution interdite et punie par la religion loi. Pouah.

Revenons à Maryam, au cœur du procédé infernal de l'émission où elle implore le pardon de Mona, la fille du défunt, grande bourgeoise hautaine qui souhaite la voir morte. La pauvre Maryam a beau soumettre ses arguments, réclamer que ne soit pas diffusé un reportage sur sa vie privée, elle semble être déjà condamnée d'avance. Et puis elle s'agite alors que Mona reste digne, impassible, murée parfois dans son chagrin. Cependant on sent que le réalisateur, en faisant s'acharner certains personnages sur la jeune femme, l'acquitte.

On découvre, et c'est intéressant, les coulisses d'une émission avec d'incessants va et vient entre le plateau et les coulisses. A l'accueil du bâtiment se joue autre chose entre des personnes qui cherchent à parler au réalisateur de l'émission. On mettra longtemps à apprendre de quoi il s'agit. Cette partie, bouleversante et sans doute pas nécessaire, ajoute un aspect dramatique à l'histoire qui l'est déjà bien suffisamment, comme si Maryam n'avait déjà pas assez de soucis. Là, je me suis dit que trop c'était trop.

C'est donc à la fois passionnant, étouffant, un peu dur pour la rétine (un plateau télé brille toujours de mille feux), inquiétant et parfois un peu maladroit (rebondissements en série, condamnée à mort qui se balade sans surveillance...) qui n'empêche pas d'être révolté mais met un frein à l'émotion. Comme souvent, trop vouloir dire et montrer peut nuire à un film.

Commentaires

  • J'ai vu la bande annonce et ça m'a paru bien sombre ; pas trop envie de ça ces temps-ci. On hallucine quand même en apprenant que cette émission existe vraiment en Iran.

  • Oui c'est effarant. Composez le... et tapez 1 ou 2. Ce monde est fou.

  • Nous aimons beaucoup le cinéma iranien. Chiarostami, Makhmalbaf, père et fille, Farhadi, Panahi autant de cinéastes qui nous ont marquées. L’une de nous a eu la chance d’aller en Iran. Il est en effet surprenant dans ce pays, où règne l’hypocrisie et où les femmes doivent obligatoirement se voiler, que la télévision exhibe publiquement la vie intime. Nous avons vu à la télévision une émission où un couple discutait de ses problèmes avec, semble-t-il, un psychologue http://www.matchingpoints.fr/2018/12/11/voyage-retour-diran-3/

    Surprenant aussi que le culte rendu au poète mystique du XIV siècle, Hafez, soit toujours aussi vivace et libre malgré l’emprise des ayatollahs et des gardiens de la révolution sur chaque acte de la vie.
    Nous espérons avoir la possibilité de voir ce film, malgré ses défauts …

  • Je me souviens de votre intéressant reportage iranien.
    Il est étonnant que ce film ait pu être tourné avec autorisation alors que d'autres tournent dans la clandestinité. Le réalisateur en est tout étonné lui-même.

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