A NORMAL FAMILY
de Jin-Ho Hur ***(*)
Avec Sul Kyung-gu, Jang Dong-gun, Hee-ae Kim
Dans cette famille "normale" (ou anormale, cela dépend si l'on rapproche ou pas le a et le n du titre...) le fils aîné Jae-wan est un avocat aisé, bourgeois, matérialiste, père d'une ado Ye-ji et remarié après le décès de son épouse à une femme beaucoup plus jeune que lui et avec qui il vient d'avoir un bébé.
Le cadet Jae-gyoo est un chirurgien pour enfants, idéaliste (que j'ai trouvé un peu donneur de leçons) qui a mené des missions humanitaires et vit simplement avec sa femme et Si-ho leur fils ado introverti et victime de harcèlement au lycée. Le premier vit dans une maison très chic (donc blanche et beige) qui fiche le cafard, le second dans un appartement très simple un peu plus bordélique qui fout le bourdon.
Bien que les deux frères se supportent difficilement et que la femme du cadet supporte encore plus mal la nouvelle épouse de l'aîné (alors que c'est une jeune femme charmante, très belle et intelligente), ils se retrouvent néanmoins régulièrement dans un restaurant classieux de Séoul avec voituriers où une pièce leur est spécialement réservée. Lors de ces soirées autour de mets savamment organisés dans les assiettes, la bienséance policée laisse rapidement place aux petites rancoeurs, coups bas verbaux et autres rosseries pimentées.
Un "fait divers", le passage à tabac d'un SDF par deux ados, vient bouleverser le bel ordonnancement des choses et les certitudes des uns et des autres lorsque sur une vidéo de surveillance sont clairement identifiés les deux ados des deux couples.
Le film est la quatrième adaptation d'un roman du néerlandais Herman Koch Le dîner (rien mais RIEN à voir avec notre Dîner de cons) et décortique la façon dont les quatre parents voient leurs certitudes vaciller ainsi que la loyauté envers leurs enfants. Jusqu'où peut-on aller pour protéger ses enfants ? Jusqu'à quelle extrémité (morale) est-il admissible de le faire ? Autant reconnaître que le spectateur face à l'écran s'adonne à la même introspection sans forcément apporter de réponse.
Je découvre que le livre que j'ai très envie de lire évidemment, comporte 46 petits chapitres, divisés en cinq sections narratives nommées d'après les plats d'un dîner, Apéritif, Entrée, Plat, Dessert et Digestif, suivies d'un épilogue intitulé Pourboire. De ce réalisateur peu connu, j'avais déjà vu le très beau mélo April snow. Ici c'est la versatilité des certitudes et des convictions qui est mise à mal. Il est aussi question de cruauté, de lâcheté, de méchanceté, de jalousie sans doute, d'incompréhension sûrement voire d'inhumanité. Et il est assez rare de suivre ainsi l'"évolution" de quatre personnages finalement assez antipathiques (sauf la jeune épouse, la seule à réussir à porter un regard distancié sur l'affaire...) dont l'apogée de l'abjection et de l'inconscience imbécile est atteinte lors de l'écoute d'une conversation au travers d'une vidéo/babyphone (dont je ne vous dirai rien).
Une satire sociale au vitriol avec une fin (qui fait sursauter) un peu too much. J'ai hâte de savoir si la fin du roman est identique.