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DEAUVILLE SANS TRINTIGNANT

Jean-Louis TRINTIGNANT

11 décembre 1930 - 17 juin 2022

Jean-Louis-Trintignant_1.jpg

Il est mort "paisiblement, de vieillesse" assure sa femme. Tant mieux, mais voilà des années qu'il assurait aller de plus en plus mal depuis ce cancer pour lequel il a refusé tout traitement.

Il a toujours affirmé aussi ne jamais s'être remis du meurtre de sa fille Marie par un fou furieux. Pour moi, depuis 2003, il était toujours difficile de ne pas voir Jean-Louis sans penser à Marie. "Je suis mort avec elle" disait-il. Il l'a rejointe aujourd'hui, enfin, souhaitons-le. Je les avais vus ensemble sur scène en 2002 (parfois rarement les artistes de premier plan se déplacent en contrées lointaines) pour Comédie sur un quai de gare. Une petite déception. Marie pas en forme du tout, comme absente à une histoire pas passionnante à mon avis. Mais il y avait Jean-Louis. Sa présence, son allure, et sa voix, cette intonation qui semblait souvent laisser les phrases en suspens.

jean louis trintignant

Manifestement, c'est ce qui m'impressionnait et m'attirait le plus chez lui. Cette voix suave, langoureuse, caressante, rassurante et parfois inquiétante. Unique, inimitable et reconnaissable entre toutes. Mais il y avait aussi ce visage multiple, ce sourire timide ou quasiment carnassier, inquiétant encore. Et ce regard fuyant puis implacable, inquiétant toujours. Alors qu'en fait de lui émanaient douceur et modestie.

Ce que je retiens aussi c'est cette grande élégance, authentique et affirmée plus que jamais lors d'un discours (à Cannes je crois pour la remise du Prix pour Amour). Il a dit sans trembler et sans être péremptoire, comme pour nous dire à nous tous et aux grincheux, aux malheureux, aux pessimistes qu'on peut y arriver :

"Il faudrait essayer d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple".

Classe.

C'est de Prévert et on peut se servir de cette phrase comme d'un mantra. Parfois je vous assure, ça marche...

J'aurais aimé le voir sur scène et l'entendre, l'écouter me lire des poèmes.

Regardez-le tout mignon avec son chapeau et cet incroyable sourire d'enfant lorsqu'il dit : "Il fut tout heureux de rencontrer un limaçon."

A défaut de théâtre, il nous reste les films. Sans doute plus d'une centaine. J'en ai vu la plupart, c'est incroyable. Hier, hasard de la programmation (puisque le film était prévu depuis plus d'une semaine), j'ai revu Sans mobile apparent. Film très inégal avec quelques bien beaux moments et un casting de rêve (Dominique Sanda, Carla Gravina, Jean-Pierre Marielle, Laura Antonelli, Stéphane Audran, Paul Crauchet et même Sacha Distel (très beau et très bien)). Trintignant en tête, tout menu dans son joli costume, courant à perdre haleine à la poursuite d'un vilain et clôturant son enquête par une démission, dégoûté par tous ces morts qu'il n'a pu éviter et refusant de dire pourquoi il se lave les mains toutes les cinq minutes. Et à qui le lui demande, il répond narquois : "oui, vous pouvez me demander pourquoi.

jean louis trintignant

Difficile devant cette somme de films de dire dans lequel il était le meilleur ou dans lequel il m'a le plus plu. Sur ce blog, peu de films évoquent Jean-Louis Trintignant, mais chaque fois ce sont des mots d'admiration quasi extatique qui m'emportent. Il y a le film de Michael Haneke et son étrange conception de l'Amour (le personnage mourant d'Emmanuelle Riva n'est qu'un reproche vivant quand elle est encore lucide et c'est le personnage de Trintignant qui résume parfaitement le film : "Rien de tout cela ne mérite d'être montré"). J'ai trouvé le film détestable.

Mais il y a Trintignant.

A cause de cet Amour, je n'ai pas vu Happy End du même Haneke. Mais comme il restera désormais le dernier film de fiction de Trintignant, je me ferai peut-être violence.

Les plus belles années d'une vie est une pseudo suite d'Un homme et une femme mais c'est plutôt un prétexte, une façon pour son ami Claude Lelouch de lui rendre un bel hommage en le filmant comme le vieil homme qu'il était devenu. L'espace d'un film, le réalisateur lui rend sa jeunesse et sa beauté à jamais perdues sauf dans son sourire et sa voix inchangés. Lelouch l'évoque encore dans D'un film à l'autre.  

Et comme parfois je dis n'importe quoi, si j'avais été Présidente du Jury en 1998, j'aurais attribué la Palme à Ceux qui m'aiment prendront le train, parce qu'il y a Trintignant, la voix de Trintignant et curieusement aujourd'hui face à l'ampleur de sa filmographie c'est ce film que j'ai envie de revoir en priorité.

Je sais que Vincent Delerm est loin de faire l'unanimité, mais plus que jamais cette chanson est d'actualité. 

Ecoutez, car à la fin (à partir de 3 mn 02), on entend... la voix de Trintignant.
"Une femme qui vous écrit sur un télégramme je vous aime, je vais chez elle, oui, pourquoi..."

...Elle repense à ce film
Qui se passe à Deauville
C'est un peu décevant
Deauville sans Trintignant...

Commentaires

  • Bonsoir Pascale, très joli hommage à un grand monsieur du cinéma et du théâtre. Merci. Bonne soirée.

  • Bonjour dasola, Merci. C'est triste mais c'était un très vieux monsieur.

  • Bel hommage pour ce si grand personnage. Souvenir entre autre d'un film qui m'a marqué quand je l'ai vu gamin : le train avec Romy.

  • Merci. Il est passé à la télé récemment et je l'ai raté. J'aimerais le revoir.

  • Très beau. Il aurait aimé ton hommage.
    Dans le genre bouleversant, il y a aussi ces quelques mots déchirants au Père Lachaise sur la tombe de sa fille. Tous les papas comme moi comprendront.
    Trintignant c'était effectivement une voix, tu as raison. Ironie du sort, j'ai choisi un film dans lequel le réalisateur avait décidé de le faire taire. Prémonitoire.
    Un western italien, qui me fait penser qu'il était de la même année que Clint... Parle pas de malheur !

  • Merci.
    Les mamans peuvent comprendre aussi. Il disait quelque chose comme : être reconnaissant de l'avoir connue...
    Je vois de quel film muet tu parles. Grand film, méconnu, boudé. Trintignant dans un western il fallait y penser.
    Oui, parle pas de malheur, mais j'imagine Clint plutôt centenaire, il l'a dit

  • "Ne pleure pas celle qui a disparu, réjouis toi de l'avoir connue".

  • Oui voilà, c'est ça.
    Quand les morts aimés sont morts c'est tout ce qu'il nous reste : se réjouir de les avoir connus.

  • Un très joli (magnifique) hommage.
    Je suis extrêmement mauvais en filmographie Trintignant, mais quand je pense à lui, c'est surtout Ceux qui m'aiment prendront le train...

    D'ailleurs et si je regardais le Train avec Romy ?

  • Merci.
    Il devait aimer les trains puisque la seule fois où je l'ai vu au théâtre c'était dans Comédie sur un quai de gare.
    Retrouvons-le dans la salle des pas perdus.

  • Le train est à prendre avec Romy et Jean Louis demain soir mercredi sur arte...

  • Ouiiiii. Excellente nouvelle :-)
    Il devrait être à l'heure;
    Suivi de Trintignant par Trintignant.

  • bel hommage, en effet, j'ai eu aussi du mal à citer tous les films où je l'ai adoré. ha, cette course autour du port de Nice :)

  • J'ai vu que toi aussi tu étais fort impressionné par cette course.
    En la revoyant je me demandais s'il était vraiment hors d'haleine ou s'il "jouait". Je me suis demandée aussi comment je ferais pour courir en cas de besoin...

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