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AS BESTAS

de Rodrigo Sorogoyen *****

Avec Denis Ménochet, Marina Foïs, Luis Zahera, Marie Colomb

Un couple de français Antoine et Olga a tout quitté pour s'installer dans un village quasi abandonné de Galice où ils cultivent et récoltent leurs produits bio et les vendent sur les marchés.

Ils restaurent également gratuitement des maisons abandonnées pour envisager de repeupler la région. Mais ils se sont opposés à l'installation d'un parc éolien. Les quelques habitants locaux y voyaient l'occasion de quitter l'endroit déserté, d'échapper à la misère grâce au dédommagement proposé par la société d'éoliennes. Ils ne comprennent pas que la voix d'Antoine et Olga ait pu faire capoter le projet. Leurs voisins Xan et Lorenzo, deux frères natifs du coin vont leur mener la vie dure, très dure...

Une nouvelle fois, après les excellents Que dios nos perdone, El reino et Madre, Sorogoyen a décidé de nous secouer très fort. Et malgré la qualité exceptionnelle de ses précédentes réalisations, le réalisateur proche du sans faute nous livre ici son meilleur film, son plus fort.

La scène d'ouverture très mouvementée évoque la tradition des aloidatores chargés d'apporter des soins aux chevaux semi sauvages. Trois hommes sont nécessaire pour maîtriser l'animal dans une lutte d'une violence effrayante. Une scène quasi similaire impressionnera beaucoup plus tard dans le film. Dès la deuxième scène, la tension monte. Des hommes installés dans un café jouent au domino mais leurs propos sont agressifs et ils finissent pas s'en prendre sans raison à Antoine qu'ils continuent d'appeler "le français" bien qu'il soit leur voisin depuis des années. Antoine ne perd jamais son calme mais pressent que l'agressivité des frères notamment, va aller crescendo. C'est effectivement le cas et le cauchemar que vont vivre Antoine et sa femme ne sera pas atténué par leurs tentatives d'alerter la police ou de filmer en cachette les menaces proférées par les frères pour rassembler des preuves. L'intimidation ne sera pas seulement verbale. L'eau du puits des français va être polluée par du plomb réduisant une récolte à néant par exemple. L'anxiété et l'oppression ressenties par les personnages traversent l'écran et atteignent le spectateur.

L'action est lente et l'ambiance souvent pesante et l'on cherche à voir, comprendre ou anticiper d'où la menace va surgir et s'abattre. Le travail quotidien du couple de néo cultivateurs, les longues promenades solitaires d'Antoine en forêt accompagné de son chien, ses baignades dans l'eau glacée, les séances au marché etc  occupent une place intéressante et justifiée qui rendent l'histoire parfaitement crédible et réaliste malgré le climat très anxiogène. Peu à peu c'est le conflit de voisinage qui vampirise le film et il faut dire que Sorogoyen a fait de Xian interprété par un acteur immense (Luis Zahera) un méchant d'anthologie qui fait frémir à chacune de ses apparitions. Le récit, puissant, ne perd jamais rien de son intensité. Le réalisateur nous contraint à nous concentrer pendant près de 2 h 15 sans jamais nous perdre en chemin. Et puis, il déchire brusquement son film par une ellipse brutale et grandiose et nous propulse dans un monde où les femmes trouvent davantage leurs places dans ce monde de brutes d'hommes. Le procédé est saisissant, sublime, génial.

Au milieu de cette atmosphère lente, pesante, répétitive surgissent quelques scènes brillantes et encore une fois d'une intensité exceptionnelle dans lesquelles les dialogues brillent eux aussi. Les plus optimistes des spectateurs peuvent même s'imaginer à un moment que les choses vont s'arranger (j'y ai cru). A noter donc particulièrement la scène de la partie de dominos (deux parties de dominos en fait...), la conversation entre Antoine et les deux frères au café (l'une des scènes les plus fortes), la dispute entre une mère et sa fille, Olga et Antoine piégés dans leur voiture... j'arrête là car je m'aperçois que je pourrais citer tout le film. Des scènes conflictuelles marquées par l'éloquence et des dialogues remarquables.

Le réalisateur a choisi Denis Ménochet car à l'instar de François Ozon, il a compris que derrière son apparence massive se cache un homme et un acteur tendre et sensible. Il lui offre ce beau rôle qu'il porte avec intensité et où son doux regard ne trompe pas. Face à lui, la brindille Marina Foïs est au zénith, sans artifice. Ils forment un magnifique couple de cinéma, crédible, complice, fusionnel. On y croit.

As bestas est une sorte de western rural qui parle aussi de la  peur de l'autre, des étrangers, de la désertification des campagnes, de la misère des habitants qui se crèvent pour suvivre. En plus du film de l'été, cet As bestas "risque" fort d'être le film de l'année.

Comme l'annonce l'affiche qui pour une fois a raison : une leçon de cinéma.

Commentaires

  • Je ne serais pas aussi dithyrambique, j'ai surtout été agacé par la dernière partie beaucoup étirée en longueur alors qu'on sait très bien ce qu'on attend. Mais ça reste un très bon film bien au-dessus de la moyenne générale. A voir

  • On sait ce qu'on attend mais le suspense reste total jusqu'au bout. La rencontre entre Olga et la mère des garcons est formidable.

  • Je ne lis que de bonnes critiques sur ce film (mais j'attends toujours mes salles .. ce serait début septembre, ouverture partielle).

  • Oh lala c'est encore reculé cette ouverture...

  • Un western rural, c'est bien dit.
    Un film très fort. Je n'avais pas vu les précédents Sorogoyen, mais celui là... quelle atmosphère lourde, pesante, étouffante.
    Denis Melochet est magnifique, superbe, humain...
    La seconde partie du film avec Marina est aussi pesante, étrange, elle est terriblement humaine...
    Du grand art, ce film.

  • Voilà. Un grand moment avec de grands acteurs.
    Je t'encourage vivement à voir : Que dios nos perdone, El reino et Madre, tous différents, tous incroyables. De bons moments en perspective.

  • Atmosphere oppressante. On aimerait tellement que chacun puisse vivre tranquillement dans sa ferme. Mais non les enjeux économiques et ensuite la rancœur empêcheront chacun des personnages de pouvoir vivre tranquillement en attendant le drame.. Me suis demandé au début le but de la 1ere scène... L'explication arrivera bien assez vite. Très beau film.

  • Moi aussi je me suis dit : pourquoi cette scène. Hélas on la revoit...
    GRAND film à propos de la bêtise humaine non ? Mais c'est vrai qu'à un moment, autour d'un verre, jai cru qu'ils se parlaient et s'écoutaient.
    J'ai trouvé les dialogues exceptionnels.

  • Bonjour Pascale, on sort secoué de ce film. J'ai préféré les trois derniers quarts d'heure à tout ce qui se passe avant peut-être parce que Marina Fois crève l'écran. Bonne journée.

  • Bonjour dasola, moi ce sont les garçons qui m'ont fort impressionnée mais Marina est parfaite.
    Bonne journée.

  • Comme le cheval mis à terre par les aloitores, je m'incline. Ce film m'a mis KO, ce film n'est pas fort, il est très fort. Il faut que je vois les autres absolument !

  • Ravie je suis.
    Vite, programme-toi Que dios nos perdone, El reino et Madre qui n'ont strictement rien à voir avec celui-ci mais qui vont te mettre KO aussi.

  • Ils sont déjà sur ma prochaine liste de course.

  • Tu es parfait.

  • Je ne peux qu'être entièrement d'accord avec ton avis. Tout est mené d'une main de maître dans ce film. Les acteurs sont fantastiques et incroyablement dirigé, la réal, la musique, la photographie. Dès le début on est angoissé pour eux. J'en suis sortie bouleversée, je trouve que le scénario n'est pas spécialement prévisible en plus.

  • Je suis d'accord, je trouve qu'il est difficile de prévoir jusqu'où la connerie humaine peut aller.
    Mais je crois qu'avec la bêtise, on n'est jamais déçus.

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