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TORI ET LOKITA

de Luc et Jean-Pierre Dardenne ***

TORI ET LOKITA de Pierre et Jean-Luc Dardenne, cinéma, Joeley Mbundu, Pablo schils

avec Joeley Mbundu, Pablo schils

Tori, un petit garçon d'une dizaine d'années et Lokita une jeune fille d'environ 18 ans ont quitté l'Afrique, se sont rencontrés sur le bateau de l'exil et ont forgé une indéfectible amitié.

Aujourd’hui en Belgique, Tori a des papiers, vit dans un foyer et va à l'école. La situation de Lokita est plus délicate. Plus âgée, elle vit toujours au foyer mais a aussi la lourde charge d'envoyer de l'argent au pays pour aider sa mère et ses nombreux frères et soeurs. Les deux enfants sont dealers pour un restaurateur albanais peu scrupuleux (lire : une véritable ordure) qui leur donne quelques dizaines d'euros et des miettes de pizzas en échange de leurs services. A l'occasion, pour quelques euros de plus, il exige que Lokita reste quelques instants en cuisine et il baisse son pantalon...

J'ai longtemps hésité à voir ce film (il est en salle depuis plusieurs semaines) tant le calvaire des enfants au cinéma (et ailleurs) m'est insupportable. Ce film ne trahit pas ce que j'en craignais et il est sans doute le plus désespérant des Frères Dardenne. Je l'ai vu quasiment en apnée avec un sentiment d'angoisse voire de claustrophobie par moments tant ce que vivent ces enfants est accablant.

Les Frères Dardenne ont une nouvelle fois remporté un prix à Cannes, le Prix du 75ème, cette année où il était en compétition. Cette exposition et ces récompenses cannoises à répétition les encouragent sans doute à continuer d'explorer la laideur du monde... On met souvent en parallèle le cinéma des frangins belges avec celui de Ken Loach outre Manche. Ils sont tous trois les grands représentants d'un cinéma social, exigeant et cohérent. Mais au contraire de Ken Loach qui évoque également la misère et les injustices, les Frères Dardenne n'offrent que peu de répit à leurs héros contrairement au britannique qui valorise souvent l'entraide, la fraternité et l'empathie comme une lumière au bout du tunnel. Les personnages des Dardennes n'ont pas cette possibilité.

Ici, les deux enfants du film ne croisent la route que de crevures qui ne font que s'acharner à les enfoncer davantage. Non seulement Lokita doit de l'argent au passeur qui lui a permis de rejoindre la Belgique mais sa mère à l'autre bout du monde et du téléphone lui reproche de ne pas envoyer suffisamment d'argent voire de le garder pour elle. Lorsqu'elle devient "jardinière" pour des trafiquants de cannabis dans des conditions d'exploitation et de danger innommables, l'angoisse et l'étouffement sont à leur comble. On la sépare alors de Tori pour trois mois sans possibilités pour elle de le joindre puisqu'on lui confisque son téléphone. Mais Tori est combatif et lui non plus ne peut s'endormir si son amie ne lui chante la comptine venue de leur pays. Parviendra-t-il à la rejoindre au prix d'un incroyable périple qui maintient en haleine et transforme le film en véritable thriller ?

Je ne parlerais pas de misérabilisme parce qu'à aucun moment Tori et Lokita ne flanchent, se plaignent, ne cessent de se battre face à une horde d'adultes plus méprisables les uns que les autres. Ils sont accrochés à cette fatalité parce qu'ils n'ont jamais rien connu d'autres, si jeunes qu'ils sont. Et lorsque Lokita dit à son petit frère de misère : "Je me sens sale", Tori répond : "Il t'a forcée, c'est lui qui est sale", on est sans voix devant tant de lucidité et de tristesse.

Tout ce calvaire avec une fin qui touche le fond de l'horreur est-il absolument indispensable pour évoquer le sort de ces MNA (mineurs non accompagnés) ? Le cas de Tori et Lokita est-il inspiré de faits réels ? Les adultes peuvent-ils se comporter ainsi sans être inquiétés ? Le film est sans nuances. Mais les deux acteurs non professionnels comme c'est souvent le cas chez les Dardenne et très bien dirigés sont excellents et bouleversants. J'espère qu'ils vont bien.

On sort de ce film accablé, honteux d'avoir enfin la possibilité de respirer de l'air !

Commentaires

  • J'ai envie d'aller le voir... et, en même temps, j'ai un peu peur.
    Peut-être ce week-end en allant voir "L'innocent" après, pour retrouver le moral.

  • L'innocent après est une bonne idée car celui-ci est déprimant au possible.

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