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VOUS N'AUREZ PAS MA HAINE

de Kilian Riedhof *(*)

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Avec Pierre Deladonchamps, Zoé Lorio, Camélia Jordana, Christelle Cornil, Farida Rahouadj, Yannick Choirat, Anne Azoulay

Tout va pour le mieux en ce vendredi 15 novembre 2015 au matin. Le réchauffement climatique poursuit son oeuvre, il fait un soleil printanier.

Hélène et Antoine se réveillent, se chamaillent tendrement et préparent Melvil leur petit garçon d'environ deux ans (à vue de nez et interprété par une petite fille, l'extraordinaire Zoé Lorio (j'y reviendrai)) pour l'emmener à la crèche. Hélène rentrera tard, elle sort ce soir. Antoine promet de l'attendre. Mais alors qu'il lit tranquillement vers 23 h 15, il reçoit des messages étranges sur son portable : "vous allez bien ? ", "vous êtes en sécurité ?"  Il entend les sirènes de pompiers, d'ambulances, de police, il allume la télé... Rien ne va plus, vous l'avez compris ou vous le savez, Hélène, la femme d'Antoine Leiris (chroniqueur culturel puis journaliste) est au Bataclan avec Bruno un ami et leurs portables restent sans réaction.     

La première demi-heure est la plus réussie et je me disais que c'était sans doute le film à propos des attentats du 15 novembre 2015 le plus émouvant depuis que le cinéma essaie de s'emparer du sujet et le traiter le plus dignement possible. Mais finalement non, le film le plus bouleversant et le plus juste reste pour l'instant Amanda.

Cette nuit est cauchemardesque pour Antoine. Il parcourt les hôpitaux de Paris et sa banlieue pour retrouver sa femme car Bruno blessé mais qui a fini par décrocher n'a pas réussi encore à lui dire qu'Hélène était morte dans ses bras dans la salle de spectacle. Très entouré par sa soeur, son beau-frère, la mère et la soeur d'Hélène tout en continuant de s'occuper de Melvil qui réclame sa maman, Antoine finit par apprendre la nouvelle dévastatrice. Le protocole dans ce genre de cas exceptionnel, outre les véritables scènes de guerre à l'hôpital, le rassemblement dans une même morgue de toutes les victimes est assez éprouvant. Antoine ne pourra voir le corps de sa femme que plusieurs jours après, derrière une vitre. C'est terrible, c'est affreux, c'est inhumain.

Rapidement, Antoine se met à son clavier et écrit un texte, très beau, très fort, je dirais même très pur, qu'il publie sur Facebook à l'adresse des terroristes, leur affirmant qu'ils n'auront pas sa haine. A ce moment on n'est qu'amour, admiration et compassion pour Antoine. Son texte fait évidemment des milliers et des milliers de "vu" sur Internet et les media du monde entier s'intéressent à Antoine comme un nouveau prophète. Et alors que les obsèques n'ont pas encore eu lieu, Antoine multiplie les interviews. Antoine a-t-il trouvé la bonne attitude, les bons mots, la bonne réflexion pour vivre cette tragédie ? Peut-être ou peut-être pas, en tout cas le film finit par nous rendre Antoine plutôt antipathique. A aucun moment on exigerait d'une personne qui a perdu l'être qu'il aimait par dessus tout (au passage, le couple Deladonchamp/Jordana ne "fonctionne" pas du tout) de se montrer héroïque face au reste du monde. D'autant que les circonstances injustes, brutales violentes de la mort d'Hélène sont particulièrement dévastatrices.

Dès lors, on a l'impression que le réalisateur (je n'ai pas lu le livre) fait de son Antoine un homme moins qu'ordinaire. Et alors qu'il ne cesse de proclamer aux terroristes qu'ils n'auront pas sa haine, il semble en même temps constamment repousser toutes les personnes, dont son admirable soeur (la toujours très juste Christelle Cornil) qui l'entourent au quotidien, essaient de le soutenir et qui, accessoirement, souffrent aussi. Les scènes où les mamans de la crèche tentent de l'aider dans son quotidien en lui préparant des repas mettent particulièrement mal à l'aise. Celles du choix du cercueil, du cimetière aussi. Dans ces rares cas la colère d'Antoine explose. Et le réalisateur multiplie les scènes où Antoine met son fils en danger : il s'enferme dans sa chambre pour boire laissant le bébé seul les fenêtres grandes ouvertes (en novembre... normal), il lui hurle dessus (et le regrette aussitôt), mange des spaghettis comme un porc pour le faire rire etc. Pour avoir testé l'abime dans lequel vous plonge la mort de l'être le plus aimé au monde, je peux affirmer qu'il vaut mieux vivre cette période seul même si on peut avoir parfois envie de se foutre par la fenêtre de tant de solitude brutale. S'occuper d'un enfant, d'un bébé qui ne peut comprendre que l'absence et pas les raisons de cette absence doit être un cauchemar supplémentaire. Mais Antoine est très entouré. Alors pourquoi avoir tant insisté sur ces scènes où Antoine, perdu (on le comprend sans peine) ne cesse de ne manifester ni haine ni colère vis à vis des assassins et beaucoup d'agacement vis-à-vis de ses proches ? Je ne dis pas qu'il y a une bonne ou une mauvaise façon de se comporter, je dis que le film est d'une maladresse sans nom.

Je trouve en outre qu'il passe complètement à côté du sujet. Il ne traite vraiment ni des conséquences du terrorisme sur ceux qui restent ni de deuil. L'ami qui a vu mourir Hélène dans ses bras se permet même cette remarque (la plus conne du monde) alors qu'il fête son anniversaire dans une fête très agitée, très arrosée (il a le droit) : "Hélène l'aurait voulu". Non mais, faut arrêter avec ça, de faire parler les morts. Qui sait ce qu'Hélène aurait voulu ? A part ne pas se faire massacrer par des crevures alors qu'elle assistait à un concert ?

Je tiens à noter la performance dingue du bébé ici, du petit enfant. Je pense qu'il (elle en fait puisque Zoé interprète Melvil) n'a pas plus de deux ans mais de toute ma vie (de longues décennies) de cinéphile je n'ai jamais vu un enfant de cet âge aussi juste et expressif. Le bébé ne se contente pas d'être un "accessoire", il joue vraiment certaines scènes. C'est impressionnant.

PS. : La coiffeuse de Pierre Deladonchamps devrait être attachée par les cheveux pendant 5 heures au soleil. Non mais c'est QUOI ces frisottis oranges ???     

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Commentaires

  • J'ai l'impression hélas que ni l'un ni l'autre ne sont indispensables.

  • Je pense que les 2 sont dispensables.

  • Cette phrase, tout de même ! "Vous n'aurez pas ma haine" : rien que pour cela, j'ai le plus profond respect pour Antoine Leiris. Je ne sais pas si son livre doit être lu, mais je pense que c'est important qu'il existe, ne serait-ce que pour lui.

    Tout cela m'emmène un peu loin du cinéma. Le fait est que j'ai du mal à envisager ce genre de films d'un oeil tout à fait neutre. C'est sans doute pour cela que j'hésite toujours à les voir. Je suis cependant d'accord avec toi pour "Amanda". Et je pense encore à Elvis...

  • Cette phrase et toute la lettre sont incroyables. D'une grande force.
    En règle générale je ne lis pas les textes autobiographiques mais les écrire est évidemment une nécessité.
    Amanda reste exceptionnel et oui, Elvis a quitté le building.

  • Absolument, je confirme.
    Tu l'as vu au moins ?

  • Je crois qu'on avait déjà eu un débat animé à son sujet.
    https://letourdecran.wordpress.com/2019/04/09/amanda/

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