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WOMEN TALKING

de Sarah Polley **(*)

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Avec Rooney Mara, Claire Foy, Ben Whishaw, Jessie Buckley

L'histoire se passe en 2010 et il faut se pincer pour le croire car on se croirait au XIXème siècle voire au Moyen-Âge.

La réalisatrice s'inspire d'évènements survenus dans une communauté mennonite bolivienne en 2011 et d'un roman de Miriam Toews.

Vite fait, le menonnisme (pour les nuls) : mouvement chrétien anabaptiste évangélique issu de la Réforme radicale. Pour ce que j'en ai compris, les mennonites feraient passer les amish pour des avant-gardistes précurseurs et révolutionnaires. Une minorité refuse le progrès technologique et la modernité (pas d'eau courante, pas d'électricité), une majorité rejette l'homosexualité. Et bien qu'ils refusent l'usage des armes contre les humains et le service militaire, (on ne parle pas de la collaboration avec les nazis pendant la seconde guerre mondiale) les agressions sexuelles sur les femmes et les enfants semblent inscrites dans l'Adn du mouvement.

C'est ce dont il s'agit ici. Régulièrement les femmes et les enfants (de 3 à 65 ans !!!) se réveillent couverts de sang et d'ecchymoses. Les hommes les violent après les avoir endormis avec un profond tranquillisant pour... vaches. Une nuit, un des agresseurs est surpris par une jeune femme. Elle le dénonce. Il dénonce ses joyeux compagnons et tout ce beau monde est arrêté. Procès ? Condamnation ? Fin de l'histoire ? Vous plaisantez ? Les garçons partent en ville pour tenter de rassembler l'argent de leur caution. Pendant ce temps, les femmes ont 48 heures pour décider ce qu'elles vont faire.

La voix off (mal identifiée et c'est un des reproches que je ferais, il m'a fallu près d'une heure pour comprendre qui était qui par rapport à qui) énonce :

"Nous ne savions ni lire ni écrire, mais ce jour là, nous avons appris à voter". Les femmes sont maintenues loin de toute éducation. Elles sont analphabètes mais trois choix s'offrent à elles :

1) Ne rien faire ni dire, faire comme si rien ne s'était passé.

2) Rester, résister et se battre.

3) Partir

Face à une égalité parfaite entre les deux dernières propositions, une dizaine de femmes et de très jeunes filles se réunissent dans une grange pour décider du sort du groupe. Pour quelle décision vont-elles opter ? Le jeune instituteur de la communauté se charge de retranscrire les minutes du débat. C'est la seule présence masculine du film. Interprété par Ben Whishaw, cet homme calme et doux, sans doute le seul digne de confiance, est complètement acquis à la cause des femmes et des enfants. On comprendra ou supposera pourquoi plus tard.

On ne voit des actes des prédateurs, absents du film sauf une silhouette effrayante... que les conséquences sur le corps et le visage des femmes. Une toute petite fille de 4 ans dira simplement : "j'ai mal maman". Mais jamais la réalisatrice ne tombe dans le pathos et n'insiste sur le côté doloriste qui aurait sans doute été un écueil ou une facilité. Hélas, cette distance ou cette pudeur c'est aussi ce qui nous maintient en retrait et empêche de laisser libre court à de véritables émotions.

Le film est également très bavard et il faut passer un temps considérable à lire les sous-titres. Chaque personnage incarne une façon d'envisager les faits et l'avenir. Différentes générations s'opposent. Frances McDormand incarne la vieille garde qui restera. Son visage semble pourtant indiquer qu'elle fut une victime. Elle ne participera d'ailleurs pas aux débats. Ces derniers sont bien sûr intéressants et très littéraires mais tous ces discours semblent le plus souvent hautement philosophiques et dépourvus de "chair". On parle de viols et de violences, de corps battus, meurtris, maltraités, de grossesse et il n'est qu'à de très rares exceptions près question que de foi. Un des personnages, le plus lumineux interprété par Rooney Mara, est enceinte. Elle est prête à aimer l'enfant qu'elle porte quel que soit le père car ce père a lui aussi été un enfant. La révolte et la colère ne semblent incarnées que par un seul personnage (Claire Foye) dont la fille de 4 ans a été violée. On a donc parfois du mal à comprendre que le mot "pardon" soit si régulièrement employé et que le Seigneur revienne continuellement au centre des discussions. Evidemment ces femmes très croyantes doivent réussir à surmonter ce qu'elles ont vécu pour conserver leur foi. C'est difficile à intégrer pour les mécréants.

Pour échapper au huis-clos trop étouffant, régulièrement la caméra de Sarah Polley (l'actrice inoubliable de De beaux lendemains, réalisatrice des très touchants Loin d'elle, Stories we tell) s'éclipse à l'extérieur de la grange pour nous montrer des enfants joyeux, s'égayant dans une nature sublimée comme une sorte d'Eden. C'est très beau mais un peu trop idéal. J'ai hélas découvert que la sublime grange où avaient lieu les débats avait été reconstituée en studio et le tournage effectué sur fond vert. Déception.

On comprend le propos hautement féministe, l'intérêt de s'intéresser à une communauté figée dans le temps où ce sont une fois de plus les femmes qui deviennent victimes du patriarcat, l'idée de proposer un manifeste pour la liberté et l'égalité entre les hommes et les femmes, de se révolter contre la condition féminine bafouée... tout cela est dans ce film visuellement très beau, incarné par un casting éblouissant mais trop bavard et répétitif, il y manque l'ingrédient essentiel : l'émotion (sauf dans les toutes dernières images). Il manque aussi une accusation, un jugement (personnel) plus puissants de ces sous hommes là !

Women Talking

Women Talking: Jessie
Buckley, Judith
Ivey, Rooney
Mara, Claire
Foy, Sheila
McCarthy, Michelle
McLeod, Liv
McNeil, Kate
Hallett

Commentaires

  • Je suis évidemment tentée par le thème et la dénonciation de ces crimes (et Frances McDormand), mais ton avis en rejoint d'autres et je crains que ce film m'énerve plus qu'autre chose. La foi ne peut pas tout excuser. Ce ne sont pas de beaux discours qui feront bouger les lignes.

  • Et ce ne sont même pas de beaux discours, parfois ce sont des litanies, "notre Seigneur a dit...", donc oui, même si leurs moyens d'action sont limités, je pense que leur Dieu regarde ailleurs et qu'elles restent en danger. Ça peut donc être agaçant.
    Frances n'est à l'écran que quelques instants. Elle est très impliquée dans le projet, elle a donc dû imposer/négocier sa présence. Pour moi, elle est un peu comme Olivia Colman dans l'excès inverse : je me tais, je fais la gueule. Oui je sais, ne pas apprécier Olivia et Frances en 2023... je suis une hérétique.

  • Une lampe à pétrole dans une grange avec du foin, ce n'est pas très prudent. Maintenant, si tu me dis que tout cela est sur fond vert, je suis rassuré.
    Sujet fort, mais le traitement manque d'engagement si je comprends bien. Je dois dire que ça m'intrigue malgré tout, mais je ne suis pas sûr d'avoir le temps de le choper en salle.
    Ton article m'aura au moins donné l'envie.

  • Et oui, les femmes sont des sottes tu sais bien. Mais c'était la lampe ou le noir complet car la fée électricité c'est le diable.
    Et tu as bien compris le manque d'une dénonciation virulente de ces hommes très pieux (doit y avoir un sous texte dans la bible qui dit : tu battras, violeras les femmes et les petites filles...) m'a gênée.
    Je fais tous les efforts possibles, je le jure devant Dieu, pour essayer de comprendre comment on peut croire en des concepts créés par l'homme, mais je ne peux m'empêcher d'imaginer qu'à un moment on peut perdre la foi et que ça ne rendra pas la vie plus insupportable. Mais je suis une sotte qui mettrais bien une lampe à pétrole dans du foin.

  • Alors qu'est-ce qu'on attend pour foutre le feu, mais qu'est-ce qu'on attend pour ne plus suivre les règles du jeu...

  • On attend le dégel sans doute.
    Faudrait un bon 49.3.

  • Je ne vais pas défendre les ménnonites mais je crois que ton article comporte des inexactitudes. Les amish sont des ménnonites un peu plus conservateurs (ils sont dit "du vieil ordre") si c'est possible. On ne peut pas, à priori, dire qu'ils ont des mœurs aussi dissolus tel que le film semble le montrer. Au contraire, ils sont au départ très respectueux de l'évangile et plutôt pacifiques. Bien sûr comme dans toute communauté et en particulier dans un groupe fermé, les risques de dérapage sont énormes. Il y a aussi le fait qu'il refusent l'homosexualité, l'avortement et ne sont pas trop favorable au contrôle des naissances. Comme les intégristes juifs ou musulmans (et même cathos), ils veulent le plus de momes possible. Bref très réacs mais pas forcément violents.

  • Merci de ces précisions.
    J'ai pris quelques infos de ci de là et n'ai retenu que très subjectivement et pour accabler ces communautés que ce qui m'intéressait pour les charger encore plus. Ce n'est pas très "correct" mais les abus et le pardon au nom de dieu, ça a un peu tendance à m'énerver.
    J'ai lu que "le taux d’abus sexuels chez les mennonites serait au moins égal aux statistiques de la population générale"... donc, ils ne sont ni pires, ni meilleurs !

  • Nécessaire et passionnant sur le fond avec des actrices merveilleuses, mais trop bavard, trop pompeux, trop théâtral, trop démonstratif et donc assez ennuyeux. Dommage

  • Un peu tout ça en effet. Nous sommes d'accord. Très dommage.

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