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ANATOMIE D'UNE CHUTE

de Justine Triet **(*)

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Avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado Graner, Antoine Reinartz, Samuel Theis, Jehnny Beth, Camille Rutherford, Arthur Harari 

Sandra essaie de donner une interview à une étudiante à propos de son dernier livre dans la maison-chalet isolée qu'elle partage avec son mari Samuel et leur fils de onze ans Daniel.

Samuel a entrepris des travaux à l'étage et pousse la musique à fond, volontairement ou pas that is (one of) the question(s). Cela rend de toute façon toute conversation impossible dans la maison. Quant à Daniel, malvoyant mais pas sourd, il préfère partir faire une promenade dans la montagne enneigée avec son chien guide. On comprend immédiatement que l'ambiance n'est pas à la fête chez les Voyter. Et quelques heures plus tard, Samuel est retrouvé mort, la tête fracassée, au pied de la maison. Est-ce un accident ? Un suicide ? Quelqu'un l'a-t-il poussé après l'avoir assommé ? L'enquête et le procès qui suivront vont tenter d'apporter des réponses à ces interrogations, condamner ou innocenter Sandra qui se retrouve inculpée et faire la radiographie d'un couple voire d'une famille.

Avant toute chose je dirais d'une part que je n'ai pas trouvé "ma" palme d'or en voyant ce film dont j'attendais sans doute plus eu égard au tapage qui l'entoure. Mais je crois qu'en général, je suis assez hermétique à ce qui se passe autour d'un film et réussis à m'en faire une opinion toute seule comme une grande. N'ayant encore vu que peu de films de la sélection cannoise 2023, je ne peux donc comparer. Mais j'attends plus je crois d'une palme d'or, un sujet qui sort de l'ordinaire, une réalisation remarquable, de l'émotion. Ce film ne coche aucune de ces cases mais bénéficie néanmoins d'une interprétation brillante. D'autre part, les films de Justine Triet ne m'avaient jusque là pas fait grande impression. Je n'ai que moyennement apprécié La bataille de Solférino, n'ai jamais réussi à aller au bout de Victoria (malgré la présence de la merveille) et détesté Sibyl. Je dirais donc que de mon petit point de vue, ce film est son meilleur, en tout cas mon préféré. Il est un bon film mais pas un GRAND film.

L'anatomie est donc celle de la chute de Samuel (s'est-il cogné la tête sur l'appentis en tombant ou a-t-il été frappé ?) mais celle aussi, programmée, d'un couple qui après avoir vécu un drame (la perte accidentelle de la vue de leur fils, je vous en laisse découvrir les circonstances) a du mal à surmonter ce qui les oppose. Dès lors que Sandra devient suspecte, elle s'offre les services d'un ami avocat (Swann Arlaud TRES bien) qui fut très amoureux d'elle (aucun intérêt), l'est peut-être encore et n'a aucun doute quant à son innocence. C'est à lui qu'elle va donner les détails de sa vie de couple, qui seront repris et décortiqués lors du procès en flash-backs visuels ou audios (monsieur ayant pris l'habitude d'enregistrer leurs conversations ou disputes, ce qui est très commode en cas de procès). Beaucoup d'indices mènent à l'évidence d'une mésentente dans le couple : la femme "réussit" sa vie professionnelle et l'homme pas (quel homme peut supporter cela ?), le couple fait chambre à part, s'exprime en anglais qui n'est la langue ni de monsieur (français), ni de madame (allemande), chacun a d'abord fait la concession de vivre dans le pays de l'un, puis de l'autre, ce qui ne convient à aucun des deux, madame a trompé monsieur et j'en oublie sans doute. Par ailleurs, Justine Triet aime tellement son actrice qu'elle appelle son personnage Sandra et la rend séductrice de tous ceux qu'elle rencontre homme ou femme.  Ce personnage n'est pas à proprement parler antipathique mais froid, opaque, pas vraiment mystérieux mais insondable. Et à une exception près (que je me garde bien de vous révéler) elle reste toujours glaciale, hautaine, peu démonstrative, toujours dans le contrôle. Elle doit également parfois surmonter le handicap de ne pouvoir s'exprimer dans sa langue maternelle lors de son procès.

Je ne peux nier que je suis restée suspendue dans l'attente du verdict jusqu'à la fin. Même si le film est trop long (calamité récurrente ces derniers temps), compte tenu de certains plans fixes "arty" (sur un robinet, une fenêtre...) inutiles, il est prenant et le long procès est sans doute l'un des plus réalistes et passionnants que j'ai suivi au cours d'un film. Les acteurs juristes, témoins ou experts semblent tous issus de la vraie vie. Et finalement, ce que ce film examine et désosse le mieux ce n'est pas tant le couple ou la mort du mari mais bien tous le dispositif et les rouages d'un procès donnant parfois un aspect documentaire impressionnant et passionnant à la fiction.

Vous le voyez, je ne m'inscris pas vraiment dans la dithyrambe quasi unanime autour de ce film, et finalement ce qui m'a le plus impressionnée et dont on parle relativement peu est le rôle et l'interprétation d'un petit garçon de onze ans qui peu à peu devient le rouage central de l'intrigue. Après s'être effondré suite à la découverte de son père mort, il martèle comme un dingue l'Asturias d'Albéniz sur son piano pour évacuer son chagrin et sa colère. Il s'exprime comme un adulte ce qui aurait pu être agaçant, ça ne l'est jamais. Il parvient, alors qu'on veut l'écarter du procès eu égard à son jeune âge, à tenir tête à la Présidente du Tribunal et à lui clouer le bec par l'intelligence, la pertinence de ses propos et de sa réflexion. Milo Machado Graner (il était le fils de Virginie Efira et Romain Duris dans En attendant Bojangles) avec son regard extra lucide est extraordinaire avec humilité et chipe la vedette à tous les adultes autour de lui et est le seul à apporter la touche émotion qui m'a manqué. La grande (seule ?) véritable originalité tient en ce moment très beau et étonnant où le père parle avec les mots et la voix de l'enfant.  Tout est là. 

Photo de Milo Machado Graner - Anatomie d'une chute : Photo Milo Machado  Graner - Photo 1 sur 3 - AlloCiné

Commentaires

  • Bonjour Pascale, je te rejoins dans ta critique, un bon film mais pas forcément une Palme d'or. Je ne l'ai pas trouvé trop long. J'avais peur de cela. Sandra Hüller convient bien pour ce rôle opaque. Car personnellement, je pense qu'elle est coupable mais avec des circonstances atténuantes. J'ai trouvé que l'acteur qui joue l'avocat général a une tête à claques et la juge est très antipathique. Bonne après-midI.

  • Bonjour dasola, Nous sommes d'accord. J'ai même pensé qu'on était à la limite du téléfilm. Mais pas d'ennui c'est déjà pas mal...
    En l'absence de preuves elle est difficile à "juger" mais je la crois coupable sans circonstances. Quand on est mariée à un faible qu'on ne supporte plus, on peut le quitter sans le passer par la fenêtre. C'est tellement simple dans ma tête :-)))

  • Ton avis ne m'étonne pas plus que cela. C'est un peu suspect ce côté unanimement dithyrambique. Je suis copieusement ennuyée à "Victoria" et 2 h 30 c'est trop. J'attendrai donc le DVD ou la télé, pour me faire une idée.

  • Cela arrive parfois cette unanimité, cela ne me gêne pas mais j'ai du mal à comprendre. Comme je l'ai dit à dasola, je me suis parfois sentie dans un téléfilm car forcément j'ai cherché la palme... Victoria est terriblement ennuyeux et Sibyl est complètement débile. Ici on ne s'ennuie pas et il y a du sens, c'est déjà ça.

  • C'est vrai que le gamin à un air de ceux qui peuvent voir "des gens morts".
    Bon, visiblement cette Palme au titre Premingerien pas très subtilement trouvé ne vaut pas toutes les louanges clamées ici ou là (notamment aux Inrocks, ce qui m'incite a me méfier).
    De toute façon, je n'aurai sans doute pas le temps de le voir prochainement. Et quitte à choisir, je me ferais plutôt une dernière seance avec "Reality".
    Et pourtant j'avais dit du bien des deux précédents Triet.

  • Ce petit garçon mérite la palme. Avoir le discours qu'il tient sans être une tête à claques de petit intello surdoué, c'est un exploit. Il est F.O.R.M.I.D.A.B.L.E. C'est lui la révélation du film. J'ose à peine le dire mais je trouve Sandra Hüller (un peu comme Olivia Colman) très surestimée. Son visage fermé, inexpressif est un passeport pour jouer la fille froide (mais au moins, on ne voit pas ses gencives :-)))))
    Alors toi, si tu compares Triet à Otto... c'est que tu fais l'autopsie d'un meurtre et condamne direct cette pauvre Sandra. Et c'est vrai que le titre n'est pas bien subtil puisque l'homme tombe...
    Des Inrocks, je ne lis que les quelques lignes qui paraissent dans Allociné. Ici ça cause quand même de perfection pour ce film. Je ne sais vraiment pas à quoi ils carburent dans ce canard :-))
    Si tu as aimé les précédents Triet, tu n'aimerais peut-être pas celui-ci puisqu'il est très différent même si une femme est encore au coeur de l'intrigue. C'est pour moi le plus intéressant. Difficile de ne pas être scotché à ce thriller procédural. Mais encore une fois où est la Palme ? Je ne sais s'il y a des critères mais parfois les jurys cannois sont surprenants.
    Par contre Reality est un film unique en son genre, qu'on a jamais vu avant, j'en suis persuadée.
    Mieux vaut donner sa chance aux petits quand il faut choisir.

  • Hello ! Alors pour ma part, si le film n'avait pas eu la palme je pense que je en serais pas allée le voir car le sujet ne me tentait pas. Résultat, vu qu'il ne me tentait pas, j'étais pas trop exigeante, surtout qu'une palme ne veut rien dire compte tenu de celle de l'année dernière que je n'ai vraiment pas aimé. Donc pour ce film, j'ai eu un très bonne surprise. J'ai été tenu en haleine et je trouve que c'est un très bon film. Grand en effet, je ne sais pas. Mais plus grand que certaines palmes précédentes, moins que d'autres :) PS : je n'ai vu aucun des films précédents de la réalisatrice.

  • Bonjour Aurore,
    Ah oui, beaucoup d'arguments et de critères pour ce film qui ne t'a pas endormie :-)
    J'ai vu tous ses films et c'est mon préféré mais je ne le trouve pas hors du commun, ce que je demande un peu à une palme.

  • Bonjour Pascale,
    Je partage ton avis :bon film mais pas grand film. J'ai suivi la "hype" de très loin, donc je n'avais pas d'attentes, et n'ayant pas aimé Sybil, j'ai été agréablement surprise (malgré quelques longueurs que tu mentionnes). Le procès est haletant et le garçon et son chien sont absolument merveilleux !

  • Bonjour Aude. Voilà, nous sommes d'accord sur à peu près tout. Mais oui 2 h 30 pour un film qui se répète parfois et s'attarde sur des détails sans intérêt ça fait une demi heure de trop. Mais finalement je ne me suis pas ennuyée (même si j'ai regardé ma montre :-) )

  • Je serais encore moins dithyrambique que toi... Un procureur très et trop à charge qu'il en est antipathique pour ne pas dire hors sol, aucune preuve tangible au point que la fin est logique, un enfant finalement pas si central que ça... Bref une grande déception

  • Oui c'est décevant par rapport à ce qu'on attend d'une palme. Et la "promo" insistait sur le désossage jusqu'à l'os de la déliquescence d'un couple... bof. Dysfonctionnels dès le début avec ces langues et ces pays différents, on se demande s'ils se sont un jour aimés.
    Le summum c'est quand même les seules "preuves" enregistrées sur clé USB. C'est un peu fort de café non ?

  • Désolé, je ne vais pas faire dans l'originalité et dire comme les autres. Je partage ton point de vue. Je trouve les interprétations vraiment très bien, je suis resté suspendu au verdict pour savoir dans quel cas ça peut pencher, mais j'en attends aussi un peu plus pour une palme d'or. Plus dans la réalisation, trop statique, surtout toutes les scènes au tribunal. Plus dans l'émotion, difficile d'en ressentir, seul à la fin Messi le chien m'a procuré cette sensation.
    Un (très) bon film... mais pas du niveau que j'attends pour une palme d'or...

  • Désolée de mettre tout le monde d'accord. Mais comme je pense l'avoir déjà dit j'ai parfois eu la sensation d'être devant un téléfilm. Ce n'est pas forcément péjoratif mais une palme d'or qui ressemble à Meurtre à... c'est vraiment insuffisant.
    Je me répète aussi mais le jeu sans nuance de Sandra Hüller ne m'impressionne pas.
    Le chien joue bien oui. Comme l'enfant. J'aime beaucoup Swann Arlaud avec sa tête grise d'enfant.
    Et évidemment le manque d'émotion ça ne pardonne pas pour nos petits coeurs qui en réclament.

  • Un film qui m'intrigue grandement, d'autant que j'avais plutôt bien aimé les premiers films de la réalisatrice. J'ai survolé ton commentaire pour éviter les spoilers, mais je vois que tu as bien aimé - sans y voir un grand film.

  • C'est cela, un bon film mais pas grand et pas une palme selon moi.
    Je n'avais pas aimé les précédents films de la réalisatrice. Je dirai que celui-ci est mon préféré mais qu'il ne me laissera pas un souvenir impérissable. J'ai trouvé la réalisation plate.

  • Film très juste. Magnifiquement interprété. Pas un instant d'ennui. J'en suis sorti ébahi et ai ressenti une vague d'émotions m'envahir comme très rarement. Palme d'or amplement méritée à mes yeux... Je ne partage pas du tout l'opinion de cet article. On sait que les grands films ne font pas l'unanimité et c'est bien ainsi. Vive le cinéma en salle !

  • Film très juste. Magnifiquement interprété. Pas un instant d'ennui. J'en suis sorti ébahi et ai ressenti une vague d'émotions m'envahir comme très rarement. Palme d'or amplement méritée à mes yeux... Je ne partage pas du tout l'opinion de cet article. On sait que les grands films ne font pas l'unanimité et c'est bien ainsi. Vive le cinéma en salle !

  • En effet, rares sont les films qui font l'unanimité.
    Contente pour vous que vous ayez aimé.
    J'aurais aimé ressentir les émotions dont vous parlez. J'ai trouvé ce film froid et ne bénéficiant vraiment pas d'une réalisation remarquable au point d'obtenir une palme d'or.

  • Je ne pense pas ce film comme un film sur la justice, mais plutôt sur la difficile façon de comprendre des personnes qui ne sont pas d'un bloc : ni la mère, ni le père.
    Et j'ai aimé la finesse de la réalisatrice concernant la psychologie de ses personnages.

  • Plus le temps passe plus ce film me semble anecdotique.
    J'ai trouvé les personnages plutôt limités dans leur psychologie. La mère forte et dominatrice, le père fragile et dominé.

  • J'ai un avis très tiède sur ce film que je n'ai pu m'empêcher de mettre en balance avec "le procès Goldman", selon moi bien plus réussi.
    Reste tout de même une Palme Dog méritée.

  • Ah ah ah, serions-nous d'accord sur la qualité très moyenne de ce film ? Et déjà je m'agace s'il rafle tout vendredi soir. Il est vraiment très très TRÈS surestimé ce film et n'a aucune originalité sur le plan de la réalisation. Et Sandra... tu sais dans quelle catégorie je la place.
    La palme dog, trop drôle même si j'ai tendance à oublier les prestations canines et félines dans les films. Bon celui-ci subit un traitement assez terrible et il vomit bien.
    D'ailleurs la prestation du gamin est la seule qui mérite une récompense. Selon moi, puisque tout le monde crie au génie.

  • Ce gamin m'a agacé avec ses réflexions d'adulte. Les avocats sont très bien.

  • Et qui est capable de supporter cette musique à fond dans son grenier ?

  • Le gamin ne m'a pas agacée.

    Réponse à ta question : un con.
    On a envie de le balancer par la fenêtre non ?

  • Je n'irai peut-être pas jusque là (les écrits restent), mais il est vrai qu'il n'est pas des plus sympathiques. Sandra ne l'est pas davantage me semble-t-il.

  • Sandra j'ai juste envie de l'écraser avec mon talon.

  • Un peu après tout le monde, mon "verdict" sur ce film :
    sur le fond : variation sur un thème connu : le doute profite à l'accusé,
    sur la forme : variation sur un thème largement documenté : les principes directeurs du procès en cour d'assises.

  • Sur le fond et la forme c'est tout à fait ça.
    Mais votre avis ? Votre ressenti ?

  • Comme quoi "la loi des grands nombres" ne s'applique pas au cinéma. Alors que les récompenses glanées ça et là et les commentaires argumentés laissaient supposer un film digne d'intérêt, (hélas pour moi), ni le fond ni la forme militent pour que j'en fasse l'éloge. Déçu, évidemment déçu.

  • Je comprends mieux.
    Bienvenue dans la team déçue et de l'incompréhension.

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