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BORGO

de Stéphane Demoustier ****

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Avec Afsia Herzi, Moussa Mansali, Louis Memmi, Michel Fau, Pablo Pauly, Cédric Appietto, Florence Loiret-Caille

Mélissa s'installe avec son mari Djibril et ses deux enfants (issus d'une précédente union) près de Borgo sur l'île Corse.

Pour cette surveillante de prison chevronnée la prime insulaire est une motivation matérielle et l'espoir d'un nouveau départ. Pour l'instant Djibril est sans emploi et l'installation de la famille dans le QP (quartier prioritaire (nécessitant une intervention des Pouvoirs Publics)) pose immédiatement des problèmes au voisinage pas ravi, et qui le fait rapidement savoir, de se voir envahir par un couple mixte, des enfants sans gêne et un chien aboyeur... Au Centre pénitentiaire de Borgo où Mélissa est transférée, elle est présentée aux détenus par ses collègues et visite particulièrement cette unité 2 dans laquelle les détenus vivent en milieu ouvert. Les cellules sont ouvertes permettant à tous de circuler à sa guise, de préparer et partager leurs repas et différentes activités. Que ce soit dans son quartier où elle remet à sa place un malabar mal embouché mais aussi dans son milieu professionnel, Mélissa impose immédiatement son autorité et son assurance. Pas question de la menacer, de la tutoyer, de lui parler en corse ou de l'appeler par son prénom. Sur place, elle retrouve Saveriu un jeune détenu qu'elle avait rencontré à Fleury-Mérogis et avec qui elle avait très vaguement sympathisé. Il la place à son insu sous sa protection jusqu'à lui faciliter l'existence dans son quartier car l'influence du jeune homme s'exerce encore depuis sa cellule. A sa sortie, il va considérer que Mélissa lui est redevable et c'est là que tout se... corse (allez zou, j'ose) et que les rouages de l'engrenage infernal se mettent en marche.

Le réalisateur s'inspire d'un fait divers réel pour finir par s'en écarter et nous livrer un polar rondement ficelé car il est aussi une enquête menée en parallèle du quotidien de la prison. Et s'il s'agit d'un film carcéral et qu'un rapprochement est souvent fait avec Un prophète de Jacques Audiard, la prison est observée cette fois du point de vue d'une matonne.  Mais le film s'ouvre sur un assassinat en pleine rue devant l'aéroport d'Ajaccio et la façon dont le lien sera fait entre le quotidien de Mélissa et le double meurtre initial est particulièrement bien mené. Il faudra cependant attendre le dernier quart d'heure du film qui se voit en une seule respiration pour comprendre.

Contrairement à l'exécrable Sons dont la matonne faisait à peu près tout et n'importe quoi sous les vivats de sa hiérarchie, Melissa est prise dans une spirale dont elle sait qu'elle ne pourra éventuellement s'extraire qu'en faisant ce qu'on lui demande. Le danger est permanent et le réalisateur captive sans faillir pendant que Mélissa la matonne au baiser assassin maîtrise l'art de mentir à la perfection. Son aplomb pour cacher à son mari ces agissements et autres déplacements est impressionnant. Et le film est parcouru de scènes à fort pouvoir tour à tour intrigant ou angoissant (une soirée dans une paillote, un moment dans une chapelle, un tour de Carrousel, un interrogatoire (mon préféré...) etc.). Quant aux truands de la mafia corse, ils sont la plupart du temps effrayants même quand ils tentent de se montrer rassurants. Ces gens-là "ne vous oublient pas et vous ne les oubliez pas".

Dans ce film social et polar, Stéphane Demoustier offre sans doute à ce jour son meilleur rôle à Hafsia Herzi dont le visage fermé, la solidité de surface, la tchatche, le culot faussement désinvolte alors qu'elle doit crever de trouille et que le piège se referme sur elle sont absolument remarquables. Le visage, le regard de cette fille sont une énigme magnifique qui colle à ce personnage hermétique et piégé. Seul l'hommage rendu par les détenus auxquels elle tente d'adoucir l'incarcération lui fera esquisser un sourire. La chanson de Julien Clerc Mélissa interprétée en corse par les prisonniers est un moment que j'ai trouvé réjouissant. Comme elle, avec elle, on sourit, on respire un peu.

Autour d'elle, notons la présence très remarquée du nouveau venu Louis Memmi dont le physique juvénile permet de créer un personnage ambigu et surprenant. Mais aussi Michel Fau en commissaire désabusé secondé par Pablo Pauly brigadier expert en exploitation de videos, Moussa Mansali déjà très convaincant dans Le marchand de sable, Florence Loire-Caille en directrice de prison à poigne. Les personnages secondaires bien écrits parviennent tous à exister.

Foncez, l'été et les journées en terrasse ou dans vos hamacs ne sont pas encore pour demain...

Commentaires

  • Franchement c'est vraiment très bien.

  • "tout se... Corse" il fallait la faire. Et ça passe car de ce film tu parles vraiment très bien. J'ai pu revenir quelques instants entre les murs de cette taule à l'accent vénéneux, les parloirs agités, les montées de tension à la promenade,... Mais le plus éprouvant est sans doute à le monde extérieur. On n'y est nulle part tranquille, même dans une petite chapelle de montagne.
    Comme je disais lors de nos échanges au festival, il m'a semblé que le scénario était si bien écrit qu'il permettait de comprendre par petites touches presque subliminale comment le personnage de Melissa en était arrivé là, de lui dessiner une vie antérieure, jusqu'à sa rencontré avec Djibril, sans doute en prison, peut-être déjà dans un cadre de réinsertion (ce qui explique qu'il ait du mal à trouver un stage pour finir son CAP, qu'il passe tardivement), son envie de s'échapper d'un milieu toxique de banlieue parisienne. Tout ça pour retomber dans un autre piège. C'est Charybde et Scylla ce film.
    J'ai aimé aussi ce jeu habile sur les temporalités asynchrones du récit. As tu remarqué que Melissa croisé le commissaire au bureau de tabac, furtivement ? On dirait du Hitchcock. D'ailleurs, la magnifique musique de Philippe Sarde (tout de même !) n'y est pas pour rien.
    Un film qui ne payait pas de mine et qui pourtant frappé très fort !
    Et dire que Jeremy avait trouvé ça moyen... ;-)

  • Le ça se corse m'est venu comme ça en écrivant... le talent :-))))
    Djibril est un personnage vraiment intéressant. Ce colosse ne sait pas à quel point son insaisissable moitié le protège. Mais leur exceptionnelle osmose saute aux yeux lors des interrogatoires alors que ni l'un ni l'autre ne sait ce que l'autre va dire. Une de mes scènes (forte en tension comme tant d'autres) préférées.
    Évidemment j'ai vu la non rencontre de Melissa et du commissaire au tabac. J'ai adoré. Là, tu te demandes : ils se connaissent ou pas ? Tu revois le film en acceléré... et non, il ne se connaissent pas... encore.
    Je reverrais ce film avec grand plaisir.
    Quant à Jérémy, je dirais que pour ce film il a été atteint du syndrome de l'irréprochable A man, que je ne dirai pas qui, a trouvé inabouti... Je n'ai d'ailleurs pas lu cette note pour ne pas criser.
    Parfois on rate une marche, c'est inexplicable.
    Jérémy trouve le précédent film de Demoustier meilleur, pas moi. Celui-ci lui est bien supérieur. J'espère qu'il ne s'est pas pris un contrat sur la tête.

  • Coucou Pascale !
    Whooo tu confirmes mon envie de le voir ! Il est au sommet de ma liste, je n'en entends que du bien. J'avais beaucoup aimé Hafsia Herzi dans le ravissement, et j'ai l'impression quel confirme son statut de grande actrice.

  • Bonjour Aurore.
    Je te le recommande vivement. Hafsia est extraordinaire comme le film.

  • Bonsoir Pascale, je compte aller voir ce film ce soir. J'ai un collègue qui a trouvé le film très bien. Bonne soirée.

  • Bonjour dasola. Ton collègue est de bon conseil.

  • Très bon moments c'est vrai même si l'atmosphère est souvent tendue et difficile à supporter. Tous sont bons dans leurs rôles. Hafsia Herzi, M Fau ou bien M Mansali. Je trouvais L Memmi trop "gamin" au départ mais finalement ce rôle de caïd lui va bien.

  • J'étais surprise aussi par l'acteur qui joue Saveriu mais finalement c'était plutôt malin que ce caïd ait une tête de gamin.

    P.S. : si tu peux, va voir Le déserteur. Il est relégué dans le Studio Langlois mais a encore deux séances par jour. Une réussite totale.

  • Merci pour le conseil pour Le Deserteur. Je vais essayer.. J'ai vu Laroy (Texas) aujourd'hui. Faut se méfier des anciennes miss et des marteaux !

  • Laroy a le marteau convaincant (j'ai dû me cacher les yeux).

  • Et des types qui vous prennent en stop. La réciproque est d'ailleurs valable puisque je viens de refaire le voyage avec le "Hitcher" et j'ai encore le goût du sang dans la bouche.

  • Ah cette scène initiale où les rôles s'inversent...
    Hitcher c'est l'empereur des auto stoppeurs. Je ne suis pas encore remise du sort de JJL...

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