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2 **** INDISPENSABLE - Page 59

  • Lettres d’Iwo Jima de Clint Eastwood****

    En réponse miroir au récent « Flag of our fathers » voici la version nippone (en V.O.) de la même sanglante bataille d’Iwo Jima qui laissa sur le carreau 7 000 soldats américains et plus de 20 000 (soit plus de 95 % de l’effectif…) japonais. Les lettres des soldats japonais, jamais envoyées, ont été retrouvées en 2005 permettant d’éclairer ce que furent ces 40 jours de combats héroïques sous le commandement d’un général déterminé mais humain dont le but était de maintenir en vie le maximum de ses hommes alors que l’Etat-Major leur avait intimé l’ordre de ne pas se rendre à l’ennemi.

    Lettre From Le Bois de L’Est :

    Très Cher Clint,

    On te demandait récemment : « qu’est-ce que ça vous fait d’être vu comme l’un des plus grands réalisateurs actuel ? » Tu répondais, poli et amusé que tu n’y pensais pas trop. Et bien oui, que répondre à une telle question ? Peut-on réellement avoir conscience être en train peu à peu et de plus en plus précisément d’entrer dans la légende car que ce soit comme acteur, réalisateur, compositeur, scénariste ou producteur, tu es bel et bien en train de bâtir une œuvre d’une solidité incontournable ? Ce qui la rend encore plus remarquable est que tu te places au-dessus des modes et que tu ne ressembles à personne. Tu as tout exploré, du documentaire où l’on te trouve énamouré auprès de tes idoles du jazz jusqu’Au Film d’amour, le plus anti-hollywoodien qui soit, en passant par les westerns spaghettis, les policiers bas de plafond, les mélos flamboyants, les drames intimistes.

    Ici tu nous parles d’un épisode particulièrement sanglant pour évoquer tous les conflits qui dépassent les hommes de bonne volonté. Tu dis : « J’ai voulu montrer la futilité de la guerre. Il n’y a ni vainqueur ni vaincu. Mais toujours la même chose : le sacrifice de la jeunesse ». La première partie, d’une lenteur extrême nous fait vivre l’attente de ces hommes (souvent jeunes et « appelés ») qui creusent des tunnels et des tranchées pour résister à l’ennemi, dès qu’il aura débarqué : « Hanako, suis-je en train de creuser ma propre tombe ? » écrit l’un d’eux à sa jeune épouse. Mais quand débarquera t’il ? Les hommes attendent, effrayés (ils savent qu’ils n’auront aucun renfort et certains sont même là par mesure disciplinaire..) et perplexes : « Ne peut-on la laisser aux yankees cette colline ? ». Ils sont par ailleurs confrontés au manque d’eau potable, à l’absence de nourriture et de sommeil.

    Et puis, finalement elle arrive l’armada. Proportionnellement, étant donné la taille de l’île, cela semble aussi gigantesque que le débarquement en Normandie. Et les combats commencent, immédiatement meurtriers, forcément, désespérés. Quelques jours suffisent pour que le drapeau américain soit planté au sommet du mont mais les combats se poursuivent pendant 40 jours. Les japonais résistent héroïquement. La pire honte étant de se rendre, cela donne lieu à une scène de suicide collectif hallucinante qui répond à un passage du « premier épisode » resté sans explication, où des soldats américains entraient dans une grotte et en ressortaient malades d’horreur en pleurant : « que s’est-il passé ici ? ». Dans un dernier geste de désespoir et d’honneur, les soldats dégoupillent une grenade, la frappe contre leur casque et la porte sur leur cœur. Tu filmes cela sans emphase ni à grand renfort de musique (juste les quelques notes du doux piano que tu as confié à ton fils Kyle), c’est effroyable !

    Peu à peu, la couleur semble disparaître de l’écran. Ce clair-obscur que tu aimes tant, si lumineux dans certains films semble être ici ta vision de la vie qui s’échappe peu à peu des visages puis des corps. C’est magnifique.

    Un soldat américain est fait prisonnier. Un officier japonais intime l’ordre de le soigner à la grande surprise des soldats qui voulaient l’abattre. L’américain d’abord terrifié, méfiant répond aux questions de l’officier qui connait les Etats-Unis. Ce dialogue, ce partage, cette connivence se concluent par une poignée de mains franche et bouleversante. Tu filmes ces instants là comme personne. Cela fait écho en moi à LA scène, sublime, irréelle où tu tournes le dos à une fermière de l’Iowa qui est au téléphone et qui, dans un geste superbe, anodin et spontané replace le col de ta chemise ! Qu’est-ce que j’aurais aimé être cette femme pour ce tout petit moment magique !

    Quant aux acteurs, ici, ils sont tous parfaitement au diapason de ton discours sur la tragédie des guerres. En tête évidemment le magnifique et impressionnant Ken Watanabe.

    Ton film, austère et poignant, est magistral. Je te citerai une fois encore : "Dans la plupart des films de guerre que j’ai vus au cours de ma jeunesse, il y avait les bons d’un côté, les méchants de l’autre. La vie n’est pas aussi simple, et la guerre non plus. Les deux films ne parlent ni de victoire, ni de défaite. Ils montrent les répercussions de la guerre sur des êtres humains dont beaucoup moururent bien trop jeunes ». C’est aussi simple que cela un discours pacifiste et humaniste ! C’est toujours bon de le rappeler à l’heure où résonnent tant de bruits de combats et où s’enlisent encore des soldats dans des bourbiers ! Comme toujours c’est avec une finesse exemplaire que tu poses ton regard désolé sur la bêtise et la folie des hommes. Tu ne cesseras jamais de dire avec force et sobriété que la guerre c’est con. Sois-en remercié. Puisses-tu être écouté !

    Le plus cruel quand je viens de voir un de tes films (et ici, deux en quatre mois quand même, je sais…) est de me dire qu’il va falloir attendre pour découvrir le suivant. Ne tarde pas. Pour celui-ci, message reçu : Peace

    And Love.

     

  • ANNONAY : Chapitre II, LE FILM !

    « LA VRAIE VIE EST AILLEURS » * * * *

    de Frédéric Choffat, scénariste Julie Gilbert

    Frédéric Choffat, le réalisateur.

    Gare de Genève. Une femme va à Marseille donner une conférence capitale pour sa carrière. Un homme part rejoindre sa femme qui vient d’accoucher à Berlin. Une jeune fille décide d’aller vivre à Naples. Trois journées à la fois banales et extra-ordinaires pour trois personnages qui vont chacun faire une rencontre exceptionnelle les amenant à se poser cette question : « la vraie vie est-elle ailleurs ? ».

    Le film s’ouvre sur un plan séquence énergique où les trois personnages principaux, qui ne se rencontreront jamais, prennent un couloir différent qui doit les mener à leur destination. Chacun va faire une rencontre. Dès lors l’espace se réduit et chaque histoire devient un huis clos à deux personnages : une chambre d’hôtel, un quai de gare vide, un compartiment de train.

    La première audace de Frédéric Choffat est de ne pas avoir transformé son film en trois sketches traités séparément et de façon linéaire. On passe régulièrement d’une histoire à l’autre de façon fluide et subtile ce qui crée une tension et un suspens captivant. Chaque « couple » se cherche, se forme dans la méfiance, l’attirance ou l’agacement. Les six personnages ont un point commun : la surprise et l’éblouissement de ce qu’ils vont vivre et qui n’aboutira pas forcément au sexe.

    Il s’agit d’une parenthèse enchantée dans leur parcours, d’un éternel amour de quelques heures où les corps et la parole se cherchent et s’explorent sans cesse pour aboutir à une sorte de fusion hors du temps. Ce qui est surprenant et émouvant c’est que le geste le plus bouleversant est un geste finalement inabouti : l’homme dans le compartiment du train est réveillé par la jeune fille avec qui il a discuté une bonne partie de la nuit. Tout embrumé par cette nuit sans sommeil, il s’éveille en sursautant et dirige instinctivement ses mains vers le visage de la jeune fille penché sur lui. Tous les deux souriront, conscients que cette nuit de communion va bien au-delà du contact physique.

    Que dire encore du travail d’improvisation des comédiens magnifiques, du cœur qui palpite en les regardant vivre leur aventure si douce et si banale, de la musique un peu jazzy qui berce l’ensemble ? C’est tout simplement magique.

    Un beau film sur les hasards, les coïncidences, les rencontres… tout est inattendu.

     

  • Tout le monde dit I love you de Woody Allen****

     

    Une fois n’est pas coutume, laissez-moi vous vanter les mérites de la télévision. Ce soir sur Arte, moi j’y serai pour justifier ma redevance, et surtout entrer dans la danse et le monde en-chanté que Woody nous propose dans son meilleur film, le plus délirant, le plus magique, le plus doux, le plus tendre, le plus fou !

    De New-York à Paris en passant par Venise, trois villes de rêve, je vais revivre ce film lumineux, ensorcelant où TOUS les acteurs chantent, même faux !

    Quand « Un américain à Paris » est revisité par Woody c’est plein de nostalgie mais plein de vie et c’est euphorique.

    Une fois de plus, je vais m’envoler au-dessus des ponts de Paris avec Goldie Hawn dans les bras de Woody…

    « Amusez-vous,

    Faites la bringue,

    Les années passent à une allure dingue ».

     

    Jetez un oeil au casting :

    Woody Allen, Julia Roberts, Goldie Hawn, Edward Norton, Drew Barrymore, Tim Roth, Natalie Portman...

    Ecoutez Edward Norton !

  • TROIS ENTERREMENTS de Tommy Lee Jones****

     trois enterrements -

     

    Pour ceux qui ont raté cette merveille à sa sortie, il reste la séance de rattrapage en DVD. N’hésitez pas, car Tommy Lee Jones a réussi là un coup de maître. On connaissait l’acteur marmoréen, on découvre le réalisateur engagé et amoureux fou de son pays.

    Mike Norton (absolument génial Barry Pepper), garde frontière macho et bas de plafond (pléonasme ?) tue accidentellement Melquiades Estrada, méxicain clandestin devenu « cow-boy » et ami de Pete (magnifique Tommy Lee Jones) son contremaître. Devant la mollesse des autorités locales à mener l’enquête, Pete va s’en charger lui-même et offrir à son ami un enterrement digne tel qu'il le lui avait promis. Il va retrouver l’assassin et le mener, à coup de crosse parfois, vers la rédemption.

    Tout ici est absolument et simplement sublime. Au-delà des paysages grandioses qui coupent le souffle, voir un homme, très con, en chemin vers la lumière, se redresser, au prix de souffrances physiques et psychologiques certes, découvrir des valeurs modestes et pourtant fondamentales telles que l’amitié, le partage, l’entraide, le respect de la parole donnée est bouleversant. Ce voyage initiatique qui aboutit à la compréhension, à la tolérance et au pardon est un uppercut qui atteint en plein cœur. On n’oublie plus jamais ce nom : Melquiades Estrada dès qu’on a vu ce western passionnant à la fois classique, singulier et déroutant qui tire les larmes. Bien que cette histoire soit poignante, cruelle et passionnante, Tommy Lee Jones n’oublie pas de distiller l’humour avec finesse et on rit franchement à plusieurs reprises, sans oublier une scène presque onirique où une petite fille joue Chopin au milieu de nulle part sur un piano désacordé : magique. Il brosse également deux beaux portraits de femmes, magnifiques, délaissées qui prennent leur destin en main.

    Quant à l’interprétation, je l’ai dit, elle est d’une subtilité, d’une intensité et d’une justesse exceptionnelles.

     Un chef d’œuvre !

  • La flûte enchantée de Kenneth Branagh****


    Combien de fois êtes-vous sortis d’une salle de cinéma avec un sourire banane d’une oreille à l’autre cette année ? Moi, c’était aujourd’hui. J’étais étourdie et ravie.
    Après avoir revisité (avec bonheur) Shakespeare, Kenneth Branagh avec Shikaneder et Stephen Fry au livret, James Conlon à la baguette, déplace l’intrigue de « La Flûte enchantée » de Mozart pendant une guerre de tranchées. Tamino, soldat blessé à la recherche de la paix et de l’amour est sauvé par trois infirmières. Elles le conduisent à la Reine de La Nuit, belle femme déchirée depuis l’enlèvement de sa fille par le monstre Sarastro. Elle confie à Tamino et à Papageno l’oiseleur, la mission de retrouver Pamina. Or, dans cette histoire les gentils et les méchants ne sont pas ceux qu’on croit.
    Laissez-vous embarquer par la féerie et le tourbillon où l’humour et l’émotion ne sont pas absents. C’est virtuose et cinématographique. Les chanteurs sont vraiment acteurs (mention spéciale à René Pape, charismatique et étonnant Sarastro) et maîtrisent parfaitement le play-back. On rit, on chante, on s’amuse, on tremble, on pleure, on danse avec un bonheur communicatif et les « tubes » s’enchaînent avec un plaisir constamment renouvelé. La rencontre de Tamino et Pamina rappelle celle de Tony et Maria dans « West Side Story ». Tout est excessif et démesuré et c’est enthousiasmant d’entrer dans la folie de Kenneth Branagh qui rend cette épopée pleine de rebondissements, inventive et originale. Quant à la musique !!! Les mots à employer ne seront jamais suffisants mais on la savoure jusqu’à la dernière note de la dernière page du générique.
    Un film qui dit : « L’humanité aspire à la paix : Deux jeunes gens qui s'aiment parviendront-ils à influer sur le sort des nations et la vie de millions d'êtres humains ? »… c’est naïf, c’est utopique mais pendant deux heures c’est bon d’y croire.

  • Les infiltrés de Martin Scorcese****

    Bill et Colin sortent brillamment diplômés de l’école pour intégrer la prestigieuse Police d’Etat. Ils ne se connaissent pas mais tous les deux sont des taupes, des rats, des infiltrés. Bill (Léo) doit infiltrer le gang du parrain Franck Costello que la police souhaite éliminer, tandis que Colin (Mat), protégé dudit parrain, infiltre la police !

    Les deux hommes sont non seulement contraints de mener une double vie, mais aussi chargés de traquer le parrain, puis surtout de découvrir le traître caché dans leur propre camp et enfin de se traquer eux-mêmes !

    C’est simple, époustouflant, démoniaque et brillant !

    Inspiré du récent, magistral, hong-kongais et machiavélique « Infernal Affairs » de Andrew Lau (à voir ou à revoir), Martin Scorcese n’en tire pas un banal remake mais bien plus, il le restitue quasiment plan par plan ce qui me paraît être le plus bel hommage qui soit. Il est immense dans cet exercice. Pour réaliser ce divertissement violent, cruel et fascinant, Scorcese quitte New-York et Little Italy pour sonder les abysses de la pègre irlandaise de Boston.

    Si Matt Damon, trop lisse à mon avis, manque d’ambiguïté, Martin Sheen, Mark Whalberg et Alec Baldwyn composent des policiers à la fois antinomiques et complémentaires. Ils sont parfaits. A la tête du réseau de mafieux/malades, le plus « coucou » d’entre tous : le Grand Jack, le Big Nicholson qui "Jacknicholsonise" ce rôle en or brut taillé pour sa carrure et son visage de possédé. Il cabotine avec tant de maestria qu’on en redemande, on sait que c’est totalement maîtrisé.

    La surprise vient évidemment de Leonardo di Caprio, tout simplement magnifique dans ce rôle torturé qu’il porte avec une intensité bouleversante. La phrase marquante lui est adressée : « votre vulnérabilité me fait vraiment flipper ». Et c’est vrai qu’il incarne cette vulnérabilité avec beaucoup de puissance. Il est touchant et émouvant comme il ne l’a jamais été, perdu, inquiet puis terrifié.

    Au-delà du banal polar, ce film allie action et réflexion et on y trouve également la quête improbable du père qui manque tant et la recherche de sa propre identité.

    Scorcese, incapable de laisser impunis les responsables des souffrances physiques et morales infligées à Léo nous propose une fin différente (et bienvenue) de l’original pour venger son nouveau protégé (depuis trois films déjà). 

  • BABEL de Alejandro Gonzales Inarritu ****

     

     

    Un peu d’histoire pour commencer et comprendre : « La tour de Babel était selon la Genèse une tour que souhaitaient construire les hommes pour atteindre le ciel. Ces hommes étaient alors les descendants de Noé, ils représentaient donc l'humanité entière et parlaient tous la même et unique langue sur Terre. Pour contrecarrer leur projet, Dieu multiplia les langues afin que les hommes ne se comprennent plus… » No comment, c’est signé Dieu : pas de surprise !

    Venons en au film.

    Un couple de touristes américains plein de chagrin au Maroc, un coup de feu en plein désert, une nourrice en situation irrégulière, deux enfants blonds perdus dans le désert mexicain, une adolescente japonaise sourde et rebelle… Qu’est-ce qui relie ces trois continents, ces quelques destins ? Qu’est-ce qui les sépare ?

     

    La douleur, l’isolement, l’incompréhension !

     

    A l’heure d’Internet et des moyens de communication en tout genre qui permettent à l’information (souvent déformée…) de circuler quasiment instantanément, Inarritu nous démontre de façon implacable que la barrière de la langue, de la culture peut être insurmontable, que les a priori et lieux communs ont la vie dure. Que ceux qui n’entendent pas ne sont pas forcément sourds, que personne n’écoute personne et se comprend encore moins.

     

    La démonstration est efficace, féroce et accablante. C’est beau et virtuose car c’est aussi un film qui n’abandonne pas son spectateur en chemin bien qu’il franchisse les continents. C’est une œuvre triste et belle et aussi pleine d’espoir car au-delà des chocs, des blessures et des chagrins insurmontables, chacun découvre que l’autre lui est indispensable et combien il l’aime.

     

    Cadeau supplémentaire : un grand et beau Brad Pitt, tout en rides et tempes grisonnantes et admirablement dirigé. C’est beau un acteur qui grandit en vieillissant et réciproquement.

    Une vision ne semble pas suffisante pour intégrer toute la portée de ce film douloureux qui crie ou chuchote son désespoir, chaotique, virtuose et perturbant.

    Pouh !

     

    babel -