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2 **** INDISPENSABLE - Page 56

  • The wrestler de Darren Aronofski ****

    The Wrestler - Mickey RourkeThe Wrestler - Evan Rachel Wood et Mickey Rourke

    Il y a une vingtaine d’années Randy Robinson dit “le Bélier” était une star du catch. Aujourd’hui, sans un sou, il vit seul dans un mobil home crasseux, abandonné par sa femme et sa fille qui ne veut plus le voir mais avec qui il tentera de renouer une relation. Pour survivre il se produit dans des salles des fêtes minables, signe des autographes, vend des cassettes vidéo de ses combats et trouve des petits boulots mal payés.

     

    Pour ceux qui comme moi n’y connaissent rien (mais vraiment rien de rien) au monde du catch, ils auront la surprise très inattendue de découvrir, et c’est l’aspect documentaire et manifestement documenté du film, que dans les coulisses ces gros bourrins aux muscles hypertrophiés, dopés aux anabolisants et autres substances chimiques qui se distribuent comme des chewing-gums dans les vestiaires, sont des amis mais aussi de gros nounours adorables qui vivent leur passion au-delà des limites, qui chorégraphient et élaborent leurs matches avant d’entrer en scène. Le but est d’en donner toujours plus à un public survolté qui n’en a jamais assez. Le paroxysme est atteint lorsqu’un adversaire propose un combat où les cordes sont remplacées par des barbelés et où l’on peut faire usage d’une agrafeuse !!!

    Entre les coups feints, ceux qui portent vraiment, les chairs martyrisées, les doses phénoménales quotidiennes de médicaments… le corps et le cœur en prennent un sacré coup. Ici c’est Mickey Rourke I.M.M.E.N.S.E. qui abandonne son corps au cinéma et l’immole au pied de ce film qui lui doit tout ou presque. Evidemment, le talent, le savoir-faire de Darren Aronoski sont à l’œuvre également. Car il n’a pas son pareil pour nous embarquer dans une histoire et ici nous surprendre par son côté hautement réaliste. Il nous plonge littéralement dans ce monde sinistre, sordide malgré les paillettes de certains costumes sans jamais céder au misérabilisme car ces hommes aiment ce qu’ils font et ne savent d’ailleurs rien faire d’autre.

    Le réalisateur n’élude pas l’aspect sentimental de la vie de son héros sans tomber dans un romantisme niais, bien au contraire. Randy essaiera maladroitement, naïvement mais avec une sincérité désarmante de se réconcilier avec sa fille. La scène à Coney Island est à ce titre sublime. Il poursuivra de ses assiduités toutes aussi pures une strip-teaseuse elle aussi fracassée par la vie (Marisa Tomeï dans son énième rôle de brave fille paumée au grand cœur ne m’a pas convaincue mais « énerve » beaucoup les garçons…). Mais c’est le ring, les cordes et les combats qui restent sa raison de vivre.

    Revenons-en à Mickey Rourke ! Je m’étais promis de ne pas faire de parallèle entre le personnage qu’il interprète et ce que tout le monde connaît de sa vraie vie de bad boy, mais il est vrai que la frontière semble tellement mince entre les deux que je suis bien obligée de me résoudre à reconnaître que les deux semblent se confondre parfois. Cela n’empêche nullement Mickey Rourke, ex star sexy glamour des années 80 devenue has-been et indésirable par son acharnement à se détruire, de réussir ici le tour de force de nous émouvoir pendant 1 h 45 sans jamais nous appitoyer. Sa performance d’acteur digne, sensible, chaleureuse, humaine, douce, intelligente, d’une retenue exemplaire où on aurait pu craindre excès et cabotinage est ce qu’il m’a été donné de plus beau et admirable à voir au cinéma depuis longtemps. Sous la longue tignasse filasse jaunâtre dont il soigne particulièrement les racines, le visage presque méconnaissable où l’on retrouve néanmoins encore le doux regard d’ex séducteur sous les traits boursouflés et dans ce corps massif, puissant qui perd peu à peu de sa vigueur, le rare sourire, les larmes de Mickey Rourke sont bouleversants.

    Darren Aronofski conclut son film et nous laisse comme son héros, en apesanteur.

    Mais K.O.

  • FESTIVAL INTERNATIONAL DU PREMIER FILM - ANNONAY 2009 (les films de la compétition, suite)

    THE SHAFT de Zhang Chi ****

    Chine.

    festival international du 1er film d'annonay 2009,cinéma,continental un film sans fusil,stéphane lafleur

     

    Dans un petit village de la Chine Occidentale un mineur vieillissant s’approche de la retraite. Avec la modeste somme qui lui est allouée après 40 ans d’un travail accablant, il part à la recherche de sa femme disparue. Sa fille amoureuse fera un mariage de raison pour sortir de sa condition toute tracée d’ouvrière et son fils fait l’école buissonnière et rêve de devenir chanteur.

     

    Par ce film tout en finesse, en douceur et en subtilité, le réalisateur s’applique à démontrer la diversité de la Chine et surtout l’écart phénoménal entre le développement prodigieux de l’ouest et le sud quasi sous-développé. Pour avoir passé trois mois en compagnie de ces mineurs aux conditions de travail moyen-âgeuses et à la pauvreté écrasante il peut affirmer que tous, sans exception n’ont qu’une idée en tête : PARTIR, s’enfuir. Pour les jeunes, le choix est restreint. S’ils réussissent dans leurs études ils tentent d’intégrer les prestigieuses écoles de Pékin dans lesquelles il semble vraiment difficile d’entrer. Les filles peuvent espérer se marier avec un « beau parti » pour échapper à cette vie de misère. Ce sera le cas ici où la fille du mineur épousera un homme manifestement beaucoup plus âgé. Elle fondera une famille, totalement résignée à son sort.

     

    Toujours reliés au reste du monde par l’écran de télévision, les personnages voient leurs rêves s’écraser un à un face aux réalités, à l’adversité et au manque de moyens. Pour le fils, c’est par une participation à un karaoké dans une scène à la fois burlesque et bouleversante qu’il verra son rêve s’effondrer. Quant au père, on le verra partir et le plan qui l’accompagne est d’une beauté saisissante, symbolique des méandres qu’emprunte parfois la vie d’un homme.

    Aucun misérabilisme ni tentative d’apitoiement sur le sort des personnages et la monotonie de leur quotidien ne sont à déplorer ici. C’est au contraire avec une grande intelligence, beaucoup de délicatesse, d’élégance et des images superbes plus évocatrices que bien des discours que Zhang Shi raconte les désillusions de cette famille.

     

    Le réalisateur a mis 5 ans à financer son film, hypothéquant son appartement pour y parvenir. En Chine, seuls rois réalisateurs sont connus et obtiennent des financements. C’est aussi grâce à sa participation dans un film qui a obtenu un prix qu’il a pu réaliser celui-ci. Heureusement.

     

     

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    CONTINENTAL, UN FILM SANS FUSIL de Stéphane Lafleur***

    Québec

    festival international du 1er film d'annonay 2009,cinéma,continental un film sans fusil,stéphane lafleur

    Il fait nuit, un homme descend d’un bus et s’enfonce dans une forêt. On ne le reverra plus. Sa femme s’inquiètera de sa disparition auprès de la police qui lui rira plus ou moins au nez. Un homme démarre un nouveau travail d’agent d’assurances et peine à trouver des arguments pour placer des contrats. Loin de chez lui, il devra également soutenir par téléphone interposé une grande scène de ménage avec sa femme qui lui reproche son absence. Une jeune femme travaille de nuit à la réception d’un hôtel, elle rêve d’avoir un enfant mais ne trouve pas le père convenable. Un homme d’une soixantaine d’années accro aux jeux a été quitté par sa femme, il tente de la reconquérir mais avant souhaite s’offrir un nouveau sourire grâce à une chirurgie dentaire.

     

    Nous suivons pendant 1 heure 45 le destin sans beaucoup de joie de ces héros ordinaires. Le premier talent du réalisateur est de n’en perdre aucun en route, de les coller au plus près, de faire qu’on s’y attache et de parfois un court instant faire croiser leurs chemins. Le film est moins mystérieux et énigmatique que son beau titre, mais c’est effectivement un film sans fusil où les personnages accablés de solitude sans l’exprimer jamais vraiment, semblent ne même plus avoir la force et l’énergie nécessaires pour hurler l’amour dont ils sont emplis. L’humanité, la compassion et l’empathie s’échappent de chaque scène sans qu’à aucun moment on ne soit tenté de céder à un sentiment plus mesquin telle que la pitié. C’est l’autre grand miracle de ce film de faire de ces êtres touchants et vulnérables des hommes et des femmes qu’on aime sans les plaindre, qu’on aimerait aider ou prendre dans les bras. Un film qui révèle sa propre part d’humanité. Le dernier prodige et pas le plus négligeable de Stéphane Lafleur est évidemment de nous faire rire franchement aux déboires, au parcours de ces anti-héros « ben » ordinaires. On rit effectivement beaucoup sans se moquer car chacun peut se retrouver et reconnaître les petites tentatives ridicules que l’on déploie parfois pour être aimé. Les 4 acteurs/héros principaux n’ont pas leur pareil pour passer du tragique au comique dans la même scène avec ces petits riens burlesques, bizarres ou absurdes qui rendent la vie plus supportable parfois.

     

    Une belle part de vie, d’humour et d’humanité pour un beau film empli de douloureuse solitude.

    L’acteur canadien Gilbert Sicotte (il jouait dans « Mesrine : l’instinct de mort ») était présent et reconnaît que le fait de jouer dans des premiers films fait toujours évoluer un acteur.

     

    Voir des premiers films est aussi une expérience qui fait redécouvrir le cinéma parfois, encore et encore. Merci.

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  • L’étrange histoire de Benjamin Button de David Fincher ****

    L'Etrange histoire de Benjamin Button - Taraji P. HensonL'Etrange histoire de Benjamin Button - Taraji P. Henson et Brad PittL'Etrange histoire de Benjamin Button - Brad PittL'Etrange histoire de Benjamin Button - Brad PittL'Etrange histoire de Benjamin Button - Brad Pitt et Cate Blanchett

    Le jour où se prépare l’ouragan Katrina, Daisy vieille femme mourante à l’hôpital demande à sa fille Caroline de lui lire un journal intime qu’elle a précieusement gardé toute sa vie. Il s’agit de l’incroyable histoire de Benjamin Button.

    En 1918, une femme meurt en donnant naissance à Benjamin. Le père, terrassé par la mort de la femme qu'il aime et terrifié par l’apparence de vieillard du bébé l’abandonne sur les escaliers d’une maison. A une époque, dans un pays et un Etat, La Nouvelle Orléans, où le racisme triomphe, c’est par un incroyable acte de courage et de tolérance que commence la vie de Benjamin, recueilli par une jeune femme noire, aimante et maternelle.

    Fincher place d’emblée son film dans la réalité voire le réalisme mais évidemment sous un angle follement romantique et romanesque. A aucun moment il n’est question de conte, de légende ou de surnaturel. L’état et la l’apparence de Benjamin vont surprendre tous ceux qu’il va rencontrer au cours de sa riche existence, mais la surprise passée, il sera toujours accepté tel qu’il est. Pourtant son corps et son âge ne seront en accord qu’au milieu de sa vie, vers 40 ans.

    Elevé dans la maison de retraite où sa mère travaille, Benjamin va être très tôt confronté au fait de perdre un à un les gens qui l’entourent. C’est une des nombreuses interrogations sans réponse que pose ce film : comment se préparer à la mort des êtres qu’on aime ? Et aussi, comment accepter de les voir vieillir alors que lui ne cesse de rajeunir ? Benjamin vit sa vie à reculons et toutes ses expériences, tous ses apprentissages il les fera toujours en totale contradiction avec l’âge qu’il semble avoir. C’est ainsi qu’il rencontrera Daisy alors qu’elle a 5 ans et lui 8. Elle sera fascinée par ce vieillard aussi petit qu’elle et lorsqu’il s’embarquera sur un remorqueur pour découvrir le monde, elle lui dira « écris-moi, écris moi partout où tu iras ». Toujours en contact mais jamais ensemble, ils passeront ou perdront beaucoup de temps à se croiser, se perdre, se retrouver. Lorsque Daisy aura 25 ans, trop préoccupée par sa carrière de danseuse étoile, elle manquera une nouvelle fois « la » rencontre pour mieux la vivre, enfin, plus intensément, plus passionnément quelques années plus tard. Un peu esclave de son corps parfait et longiligne de sportive, Daisy brutalement marquée dans sa chair, finira par atteindre une forme de sagesse en acceptant que l’autre aussi peut la voir au-delà des apparences, s’attacher à ses rides comme il le fit pour sa jeunesse. Mais ce sera toujours un choc pour elle de découvrir Benjamin de plus en plus parfait alors qu’elle sait que le destin lui infligera de ne plus être qu’une vieille femme qui berce un bébé mourant. Inutile de vous dire à quel point le cœur palpite à suivre cette histoire hors du commun contée sans emphase mais avec une beauté et une émotion qui frôlent l’ivresse par instants.

    Mais avant que Benjamin et Daisy ne s’aiment, il s’embarquera vieil homme de 17 ans à bord d’un remorqueur (dont le capitaine considère son propre corps comme une oeuvre d'art) qui lui fera traverser le monde et la guerre (une scène époustouflante contre un sous-marin !). Il connaîtra son premier amour avec Elizabeth, femme riche et oisive qui rêve de traverser la Manche à la nage. Cet amour là offre sans doute les passages parmi les plus séduisants et ensorcelants du film, grâce notamment à Tilda Swinton qui embellit de plan en plan.

    David Fincher réussit un film foisonnant, passionnant, palpitant d’une ampleur et d’une beauté saisissantes à chaque plan. Il emporte le cœur et la raison, il parle d’amour, de mort, de chagrins insurmontables, de tolérance et de sentiments qui vont bien au-delà des apparences, mais surtout de la vie merveilleuse et douloureuse. Un film qui fait vibrer le cœur et battre les émotions, ou l’inverse et qui fait rire aussi à de nombreuses reprises et notamment avec un comique sept fois répétitif qui fait pourtant mouche à chaque fois…

    Cate Blanchett est Daisy de l’adolescence à 80 ans, elle est lumineuse et habitée par le personnage. Mais que dire de l’Acteur qui offre à Benjamin Button son cœur, son corps et son âme à ce rôle écrasant, gigantesque ? Brad Pitt qui apparaît peu à peu à force que le film avance jusqu’à redevenir le tout jeune homme blond de « Thelma et Louise », occupe et absorbe le film tout entier. Sous le maquillage et les effets spéciaux comme on n’en a sans doute jamais vu de si parfaits, il est de tous les plans, absolument fabuleux.

    Un film, un choc, un acteur, le bonheur.

  • Les noces rebelles de Sam Mendes ****

    Les Noces rebelles - Kate Winslet

    Les Noces rebelles - Leonardo DiCaprio et Kate Winslet

    Les Noces rebelles - Leonardo DiCaprio

    Les Noces rebelles - Leonardo DiCaprio et Kate Winslet

    Au milieu des années 50, Frank et April ont un coup de foudre. Ils sont convaincus qu’ils sont différents des autres et que leur couple résistera au quotidien, qu’ils réaliseront leurs rêves les plus fous sans jamais perdre leurs idéaux. Hélas, comme parfois, comme souvent, après qu’April ait dû renoncer à sa carrière d’actrice, qu’ils se soient mariés, qu’ils aient acheté une maison de banlieue proprette et fait deux enfants, la routine s’installe inéluctablement. April se sent étouffer dans sa cage dorée et Frank végète dans un emploi qu’il déteste mais qui assure la subsistance de la famille.
    Après une dispute un peu plus vive que les autres April propose à Frank de repartir à zéro en quittant les Etats-Unis pour s’installer à Paris où tout leur semble possible. Parviendront-ils à réaliser ce rêve de la dernière chance ?
    La rencontre douce, tendre et évidente n’occupe que quelques instants du film qui devient rapidement une longue et terrible scène de ménage. Et ces instants où le couple se balance des vérités pas bonnes à dire, pas bonnes à entendre, où emporté par sa rage et ses frustrations chacun va atteindre et dépasser les limites de ce qu’il est « raisonnable » de dire et supportable pour l’autre d’entendre, ces moments où l’on va trop loin sans possibilité de faire marche arrière, où les mots les plus cinglants voire sanglants sont prononcés, sont d’une puissance et d’une profondeur rarement atteintes au cinéma. Mendes décortique le couple au scalpel. Chacun renvoie à l’autre la « faute » de s’être installé dans ce bonheur ronronnant où l’espoir et l’évasion n’ont plus leur place, où il n’est plus question que de devoir et de responsabilité.
    La seule petite erreur de ce film intelligent me semble être d’avoir donné à un personnage « aliéné » la charge de révéler leurs faiblesses à Frank et April alors qu’ils paraissent suffisamment sensés pour le découvrir eux-mêmes. Ni l’un ni l’autre n’a vraiment tout à fait tort ni tout à fait raison. Les deux font ce qu’ils peuvent, comme ils le peuvent pour essayer de sauver ce qu’il y a de plus concret entre eux : l’amour. Mais alors que Frank parle beaucoup, April tente d’agir, chacun sachant qu’ils foncent droit dans le mur mais plus dans la même direction. Au fond, peut-être ont-ils compris qu’ils ont comme leurs amis, renoncé à leurs beaux idéaux de jeunesse. Quand ils se moquent de ces voisins insignifiants, peut-être comprennent-ils à quel point ils leur ressemblent, ne serait-ce que par le fait de vivre dans cette banlieue (très « Truman show ») véritable royaume du conformisme triomphant. C’est un film qui laisse des traces me semble t’il où chacun pourra trouver des résonances dans sa propre vie. La musique hypnotique et l’interprétation sans faille ne sont pas pour rien dans cette réussite totale.
    Leonardo Di Caprio, toujours meilleur de film en film affiche ici une belle maturité et des moments d’enthousiasme et d’émotion insoupçonnés. Kate Winslet, sublime, blessée, à la fois dure, douce et intransigeante est magnifique. Notons également la prestation très surprenante et diaboliquement sulfureuse de Kathie Bates. La dernière scène laisse le spectateur saisi d’effroi dans son fauteuil…

  • Slumdog millionnaire de Danny Boyle ****

    Slumdog Millionaire - Dev PatelSlumdog MillionaireSlumdog MillionaireSlumdog Millionaire - Dev Patel et Freida Pinto

    Le jeune Jamal, orphelin des bidonvilles de Mumbaï (Inde) est candidat du jeu télévisé « Qui veut gagner des millions » (20 millions de roupies là-bas...). Alors qu’il ne lui reste plus qu’à répondre à une seule question, il est soupçonné de tricherie. La police lui fait subir un interrogatoire plutôt musclé où il doit justifier chacune de ses réponses.

    Gloire à Danny Boyle qui continue film après film de garder intacts son enthousiasme et sa passion pour le cinéma, de nous les communiquer et de surprendre encore et encore. Il raconte cette histoire dramatique et optimiste avec une énergie folle, un sens du suspens et du réalisme très cohérent. Le montage, même s’il devient systématique (chaque question du jeu donne lieu à un épisode de la vie de Jamal) ne gâche en rien le plaisir et l’inquiétude que l’on prend à suivre dès l’enfance, l’itinéraire difficile et l’ascension du jeune homme. Tout est douloureux dans la vie de Jamal, depuis sa toute petite enfance où il est le souffre douleur de son frère aîné et où il assiste au meurtre de sa mère lors d’une manifestation « religieuse », jusqu’au passage dans la fameuse émission où le présentateur ne possède pas l’affabilité de notre Jean-Pierre national et se montre ironique et méprisant face à ce candidat qui lui ressemble sans doute trop. Danny Boyle n’élude en rien l’aspect social de la vie en Inde où les bidonvilles sont peu à peu remplacés par des quartiers d’affaires mais où les enfants livrés à eux-mêmes font l’objet d’odieux trafics et d’exploitation.

    Une histoire d’amour évidente viendra éclairer ce drame sombre aux couleurs chamarrées. Et, curry sur le riz, tous les acteurs y compris les enfants sont fabuleux, en particulier le jeune couple vedette, sans cesse séparé par le destin, qui fait preuve d’une belle complicité jusqu’au générique (il faudra qu’on m’explique pourquoi les gens quittent la salle alors que les acteurs font un beau numéro bollywoodien ? Et puis non, qu’on ne me l’explique pas).

    Vous l’avez compris, c’est passionnant, énergique, coloré, douloureux, sincère et heureux malgré les drames qui se jouent.

  • Che : l’Argentin de Steven Soderbergh ***(*)

    Che - 1ère partie : L'Argentin - Affiche espagnole

    Cette première partie retrace, en quelque sorte, « l’ascension » du Che quand il n’était encore qu’Ernesto Guevarra jusqu’à ce qu’il devienne le « Commandante » et fasse une entrée triomphale à Santa Clara. Pour faire court, je dirais que le film débute lorsque Raul Castro présente Guevarra à son frère Fidel et qu’ils décident d’organiser la guérilla puis la révolution en vue de renverser le dictateur Cubain Batista dans les années 50.

    Il fallait bien qu’un jour la vie hautement romanesque et cinématographique du Che soit mise en images. Etrangement, c’est un américain qui s’y colle et c’est une réussite totale loin de tout exotisme ou romantisme. Si on ne trouve dans cette première partie aucune aspérité concernant la personnalité complexe du personnage, Soderbergh n’en fait pour autant pas un Dieu indétrônable. Mais de toute façon on se fiche un peu de savoir si le Che avait ou non toutes les qualités parce que le film est remarquable. Le réalisateur s’applique davantage à nous montrer l’homme et surtout le combattant sous l’icône photographique et symbole de toutes les révolutions. On ne le quitte pas d’une semelle et ce sera long d’attendre la seconde partie pour le rejoindre. Cela dit, la description de la préparation de cette révolution aurait plutôt tendance à couper toutes velléités aux rebelles en herbe tant on est loin du romantisme habituel. La révolution c’est chiant, ça fait transpirer, ça se prépare les pieds dans la boue et les mains dans le sang parfois. Gueverra est médecin et doit souvent faire office de soignant auprès de ses compagnons ou des villageois. On ne mange pas toujours à sa faim, on saute des repas, on attend beaucoup, on s’ennuie, on est déçu. Et le Che doit être le seul révolutionnaire à prendre une ville avec un bras dans le plâtre, sans parler de ses crises d’asthme très très handicapantes en pleine jungle tropicale irrespirable, j’en sais quelque chose (mais non, je n’ai pas fait la révolution à Cuba… mais des crises d’asthme, oui).

    Soderbergh réussit un montage des plus captivant, sautant d’une période à l’autre, d’une interview à New-York en 64, à l’intervention du Che à l’Onu et à son brillant discours pour nous replonger ensuite au fin fond de la jungle, sans nous perdre jamais. Il parvient même à conclure ce premier chapitre sur une note humoristique qui confirme encore les qualités hautement morales et l’idéologie exemplaire de son héros.

    Evidemment, si le film est indiscutablement beau et palpitant, que serait-il sans son incomparable interprète ? Benicio Del Toro EST devenu (physiquement) le Che, on ne peut que l’admettre. Calme, serein, sobre mais déterminé, il bouffe (comme toujours de toute façon) littéralement l’écran. Il joue, même de dos. Il est phénoménal et largement aussi charismatique, fascinant et autoritaire que son modèle.

    Steven Soderbergh, Benicio del Toro et Le Che n’oublient pas non plus d’être de parfaits séducteurs quand lors d’une interview UNE journaliste demande au Commandante ce qui mène la révolution, il lui répond :

    « - l’amour !

    - L’amour ? s’étonne la journaliste.

    - Oui, l’amour de l’humanité, l’amour de la vie, l’amour de la justice ».

    El amor de la humanidad, el amor de la vida, el amor de la justicia...

    Si ce n’est pas un rêve ça ???

    Vivement le 28.

    Che - 1ère partie : L'Argentin - Benicio Del Toro

  • Les plages d’Agnès d’Agnès Varda ****

    Les Plages d'Agnès - Agnès VardaLes Plages d'Agnès - Agnès Varda

    Ces plages sont celles qui sont à l’intérieur d’Agnès Varda. Et ça commence sur une plage du Nord, de celles balayées par les vents qui changent de couleurs toutes les demi-heures. Sublimes forcément. De sa voix au délicieux accent belge, Agnès Varda nous annonce que « si on ouvrait des gens, on trouverait des paysages ; si on m’ouvrait moi, on trouverait des plages ». Et c’est en parcourant les plages qu’elle a foulées, pieds nus souvent, qu’elle nous raconte sa vie. Ce film est l’histoire d’une petite vieille rondelette et bavarde comme elle le dit d’elle-même. Agnès Varda a 80 ans et elle ressemble à un petit lutin facétieux, doux, cordial et chaleureux. Ce voyage qu’elle commente de bout en bout, cette espèce d’auto-portrait, ni film ni documentaire mais les deux à la fois, n’est jamais nombriliste car ce qui intéresse Agnès Varda, ce sont les autres et elle le prouve.

    Comment vous dire pour que vous y couriez en masse ? Qu’il n’est pas nécessaire d’avoir vu tous ses films, ni même d’en avoir vu un seul car Agnès explique, commente et l’on plonge avec elle dans ses souvenirs (« je me souviens tant que je suis en vie »), au plus profond de l’intimité sans jamais se sentir de trop. C’est un partage, un cadeau drôle, bouillonnant, généreux, émouvant et surtout intensément passionnant. Ces deux heures passent à une vitesse phénoménale et l’on parcourt évidemment plus de 50 ans de cinéma en compagnie de cette marginale inclassable qui réalise ici un film hors du commun comme jamais je n’en ai vu.

    Dès la scène d’ouverture où elle installe sur la plage des miroirs dans lequel se reflètent d’autres miroirs à l’infini, il faut le voir pour le croire, c’est unique et dans ces premiers plans mystérieux et enchanteurs semblent résider toute la magie du cinéma. Jusqu’à la fin, elle surprendra par des plans, des idées qui révèlent une imagination débridée, libre, d’une intelligence et d’une maîtrise folles. Maîtrise de son art qu’elle adapte aux aléas d’une caméra qui continue de tourner ou de la météo. Tout ici est d’une profondeur et d’une humilité remarquables comme cette petite bonne femme engagée qui fit partie des « 340 salopes », féministe, humaniste, passionnée qui porte toujours un regard aiguisé sur le monde qui l’entoure.

    Elle nous présente sa famille, ses enfants, ses petits-enfants qu’elle craint de ne pas connaître mais vers qui elle va, toujours. Et surtout, elle parle de son amour de et pour toujours « le plus chéri des morts », Jacques Demy qu’elle a accompagné jusqu’au bout mais qui l’a laissée seule, désemparée, inconsolable. Quand elle parle de « lui », elle est bouleversante.

    En sortant de la salle j’ai vraiment eu l’impression d’avoir vu un grand film et surtout d’avoir rencontré une personne extraordinaire. C’est rare.

  • Two lovers de James Gray ****

    Two Lovers - Joaquin PhoenixTwo Lovers - Joaquin PhoenixTwo Lovers - Joaquin Phoenix et Vinessa ShawTwo Lovers - Gwyneth Paltrow et Joaquin Phoenix

    Leonard se jette dans le canal glacé un triste jour de novembre. Il se laisse couler puis, lorsqu’il touche le fond donne un vigoureux coup de pied et remonte affolé et frigorifié. De sa démarche lourde, affublé de son inommable parka qui ne le quittera pas... il rentre chez lui penaud comme un enfant qui aurait fait une connerie. Une de plus, car Leonard est un récidiviste de la tentative de suicide. Plus tard on apercevra ses avant-bras couturés et on saura qu’il a fait un séjour en hôpital psychiatrique.

    Ainsi va la vie de Leonard, un jour il coule, un jour il flotte ; un jour il veut mourir, un jour il veut vivre ! Mais pourquoi ce grand garçon plus que trentenaire vit-il encore chez ses parents affectueux et protecteurs ? Parce qu’il sort d’une déception amoureuse qui l’a brisé. Sa fiancée a rompu ou a été forcée de rompre pour cause de groupe sanguin incompatible, elle aussi sans doute influencée par des parents envahissants.

    Et oui, si le film s’appelle bien « Two lovers », on est à des années lumière de la classique comédie romantique américaine et il aurait tout aussi bien pu porter un autre titre : « L’homme qui pleure » ou « L’homme sans âge ». Cet homme c’est Joaquin Phoenix acteur majuscule, désormais alter ego (et c'est tant mieux) du grand James Gray.

    Par où commencer quand chaque scène d’un film est un coup au cœur ou un petit miracle esthétique ? Leonard est photographe à ses heures ce qui justifie sans doute que tout le film très hivernal soit plongé dans une lumière mélancolique et littéralement illuminé de plans d’une beauté renversante. Quand la beauté d’un film se voit trop c’est que peut-être elle est trop ostentatoire. Ce n’est pas le cas ici où tout s’harmonise parfois douloureusement autour de ce cœur parfois en hiver.

    Mais revenons-en à l’histoire de Leonard. Pour l’aider à reprendre goût à la vie, ses parents lui présentent la jolie, douce, rassurante et parfaite Sandra qui rêve d’un monde idéal (son film culte est « La mélodie du bonheur »). Elle va l’aimer dès la première rencontre. Pratiquement le même jour Leonard croise sa voisine, Michelle qui vient de s’installer dans l’immeuble. Patatra ! Il n’en faut pas plus pour tout remettre en question et que le cœur de Leonard devenu solitaire se remette à battre à tort et à travers, hésitant entre deux filles toutes deux attirantes mais opposées.

    Michelle est magnifique, gaie, drôle, dynamique et Leonard en tombe instantanément amoureux. Mais Michelle est aussi paumée et instable que lui. Elle a une liaison avec un homme marié qui promet sans tenir et avec qui elle ne parvient pas à rompre. Leonard accepte d’être son meilleur ami. Il sera toujours là pour elle, dès qu’elle le « sonnera » quitte à souffrir en silence. Pour une fois, le téléphone portable a un rôle essentiel qui devient un véritable moteur de l’histoire et non pas un prétexte pour la faire avancer. La surexcitation avec laquelle Michelle et Leonard échangent leurs numéros est à la fois délicieuse et ridicule, absolument touchante. On dirait deux pré-ados :

    -  « tape ton numéro sur mon portable, on s’enverra des SMS !

    -   oh oui et moi je mettrai une sonnerie rien que pour toi ! ».

    C’est grâce à cette sonnerie qui retentira aux moments les plus inopportuns qu’on saura à quel point Leonard n’est jamais vraiment « là » où il devrait être. Sa relation avec Sandra devient peu à peu officielle. Elle est aveuglée par l’amour qu’elle porte à Leonard, qui lui, ment, se cache pour continuer à voir Michelle tantôt euphorique, tantôt désespérée. Il la retrouve parfois sur le toit de l’immeuble où beaucoup de décisions vont se prendre. Mais les scènes magiques où ils se parlent de la fenêtre de leur chambre respective qui donne dans la cour sont d’un romantisme, d’une beauté inouïs, presqu'enfantines aussi et forcément très évocatrices de la distance qui les sépare. A la fois si proches et si lointains ! Elles ne sont évidemment pas sans évoquer deux chefs-d’œuvre « Fenêtre sur cour » et « West Side Story »…

    Bien sûr, James Gray conclut son film mais face aux hésitations multiples, aux innombrables tâtonnements de Leonard, j’y ai plutôt vu moi, une histoire sans fin d’une infinie mélancolie sans réel pessimisme mais avec la certitude que tout n’est pas si simple dès lors que le cœur et la raison entrent en action.

    On peut dans ce film retrouver avec bonheur Isabella Rossellini, formidable en mère juive sur-protectrice avec son visage de madone qui ne craint pas de montrer l’âge qu’il a et son nom qui résument à eux seuls une partie de l’histoire du cinéma. On apprécie Vinessa Shaw, à la fois douce, discrète, patiente et infaillible face à l’homme qu’elle aime. On découvre (enfin !) Gwyneth Paltrow dans ce rôle où elle est un véritable soleil qui porte parfois la douleur et la détresse avec une belle intensité.

    Mais évidemment, l’astre de ce beau « film malade » (expression qui semble prendre tout son sens ici) c’est Joaquin Phoenix capable dans la même scène d’avoir l’air de l’enfant le plus fragile de la terre puis d’un homme qui aurait vécu mille vies portant sur ses épaules toute la tristesse du monde. Il est magnifique. On comprend parfaitement que dès qu’il l’a vu la première fois à l’écran James Gray ait eu envie de filmer son visage qui est un spectacle à lui seul, attirant, fascinant. Son sourire est séduisant, ses larmes sont déchirantes… et lorsqu’il devient le roi du dance-floor dans une breakdance étonnante, il est irrésistible !

    Et comme dit Mademoiselle In The Mood : "un Oscar sinon rien" !

    Two Lovers - Joaquin Phoenix