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  • JACK REACHER de Christopher McQuarrie °°

    Jack Reacher : affiche

    Je n'ai que peu de temps pour tailler un costard cravate à Jack Reacher pourtant ce film idiot et sans intérêt mériterait une thèse. J'ai vu peu de films couillons cette année mais je crois que celui-ci remporte haut la pellicule le yoyo en bois du Japon avec la ficelle du même métal ! Et pourtant je l'avoue honteusement, j'aime Tom Cruise, même si je sais que c'est un péché mortel d'apprécier un acteur qui dans la vie n'est pas forcément un homme bien. Oui j'aime des gens peu recommandables. C'est mon côté punk. Et dans la même corbeille, je peux aussi empiler Clint républicain qui cause à une chaise avec une voix de portail manquant d'huile et Gérard Depardieu qui livre pourtant une nouvelle fois une prestation remarquable dans LE Conte de Noël que je vous invite à voir avec vos ados et enfants (et même sans, car on n'a pas toujours ce genre d'accessoires dispensables sous la main) au lieu de claquer 8 à 10 €uros pour ce machin sans âme, sans humour et sans intérêt.

    Il s'agit donc ici d'un beau jeune homme (l'air un peu benêt d'un Sam Whorthington en cadeau bonus) avec une coupe de cheveux de GI Joe et des lunettes de soleil (je n'ai pas vu la marque) qui fait un carton sur 5 personnes. 4 femmes et 1 homme. A un moment on tremble un peu pour une petite fille sur laquelle le sniper pointe son viseur... mais non, on ne tue pas les enfants, on ne court pas dans les camps, on ne juge pas des personnages de films etc ! Un autre type, James Barr est arrêté car plein d'indices sont laissés sur la scène de crime qui mènent directement à la chambrée du pauvre gars. Un vétéran shooté à mort et revenu d'Irak sans avoir pu tuer un seul bronzé, sauf que si, quand même un peu mais ce serait trop long à raconter ! Quand on propose à James de signer ses aveux sinon il va se retrouver en taule où on lui "défoncera tellement le cul que quand il ira chier on aura l'impression qu'il baille" (ami du chic et de l'élégance bienvenue), il écrit simplement "Get Jack Reacher" (trouvez ce fucking Jack Reacher, pour les non anglicistes). Entre temps ce malchanceux de James qui n'a pas signé d'aveux se fait défoncer le portrait (et nullement le fondement) par une bande de mecs en tenue orange et le voilà dans le coma...

    Mais Jack Reacher c'est un peu le Chuck Norris du troisième millénaire. En gros : on ne trouve pas Jack Reacher, c'est Jack Reacher qui te trouve. Thanks Lord.

    Et effectivly, Jack Reacher débarque en ville en autobus avec sa bite dont il ne se servira pas et son couteau qu'il jettera. C'est un ancien officier de police militaire, enquêteur hors pair, sombre, solitaire, malin comme un singe, rusé comme un renard. Une vraie bête ! Il se rend direct à l'hôpital où le proc' Alex Rodin et sa fille Helen Rodin (avocate de James, le GI comateux, suivez un peu !) blonde en manque d'amour, de reconnaissance paternelle et néanmoins à forte poitrine lui disent : "pourquoi votre ami vous a t'il fait mander ?". "Ce garçon n'est point mon ami" répondra Jack sans bouger une oreille. Il rabâchera cette sentence environ quarante huit fois pendant deux heures et je pense qu'on tient là ce qu'on peut appeler communément LE comique de répétition.

    Après avoir fait piaffer Helen en lui laissant croire que l'enquête ne l'intéressait pas... Jack Reacher ce mariole lui dit "LOL, je reste !" Dès lors on n'aura de cesse de se demander si les deux coéquipiers coucheront ou coucheront pas ! Il faut dire qu'Helen agitera régulièrement sa blonde tignasse et ses gros seins sous les yeux indifférents de Jack qui de son côté exhibera sans pudeur son torse glabre et couturé. Helen bavera et hyperventilera beaucoup devant Jack qui fera toujours mine de ne rien voir. Mais les palpitations de ses maxillaires ne tromperont personne. On découvrira également que Jack Reacher n'est pas pédophile mais pas toujours courtois avec les dames non plus. Mais l'histoire serait trop longue à vous narrer par le menu.

    Jack Reacher est un peu la version white d'Alex Cross. Il se plante comme un piquet au milieu de la scène de crimes, tourne la tête à gauche, puis à droite et vous réécrit l'Ancien Testament sans plier les genoux. Chapeau bas. Moult personnages impayables et caricaturaux viendront s'infiltrer à l'histoire pour tenter de lui donner quelque consistance j'imagine dont certains interprétés par des personnes qui ont besoin d'argent, Richard Jenkins, Werner Herzog (palme d'or du ridicule), Robert Duvall. Quelques courses poursuites cheap et inutiles, une scène bien moche et dépourvue de la moindre tension dans une carrière abandonnée agiteront un peu la caméra. Des doutes sur la fiabilité de divers personnages, le proc', le flic qui mène l'enquête achèveront de rendre le spectacle affligeant. Et summum du suspens et de l'intensité, à un moment Jack Reacher et le flic se regarderont intensément pendant au moins trente secondes en serrant très très fort leurs petits poings -gros plan sur les poings-... et là j'ai explosé de rire.

    Mais rassurons-nous, on me souffle dans l'oreillette que Jack Reacher est tiré d'un roman de Lee Child One shot qui comporte 9 tomes. Donc à n'en pas douter Jack Reacher'll be back !

  • ALEX CROSS de Rob Cohen *

    Alex Cross : affiche

    Alex Cross est un genre  de flic psy qui peut te dire que tu as bu un café rien qu'en respirant ton haleine, c'est dire si lorsqu'il arrive sur une scène de crime, il rabat le caquet de son ami d'enfance, son quasi frère le sexyssime Ed Burns (c'est son nom, ça ne s'invente pas) qui s'est acharné à niquer sa carrière d'irlandais imbibé.

    Mais revenons à notre Cross, super flic, super psy, super ami, mari, père, fils... La suite de l'histoire nous prouvera qu'il n'est en fait rien de tout ça et qu'il ferait mieux de la mettre en veilleuse de temps à autre. Dans un premier temps il se la joue, grave. Bref le genre de type insupportable qui se croit le roi du monde alors que c'est une tache congénitale. Et lorsqu'un tordu de première s'en vient en ville faire du hâchis avec les doigts d'une milliardaire pas farouche de l'entre-jambes, on met le Cross sur le coup. Il va tout renifler l'affaire rien qu'en entrant dans la pièce où la meuf a été tuée mais va oublier de protéger sa famille. Et ça c'est un peu l'unique originalité de ce ragoût sans saveur : éliminer des personnages auxquels d'habitude on ne touche pas dans les films américains. Pas la famille !

    Si ce thriller qui lorgne sans beaucoup de talent du côté de Seven se laisse regarder sans honte mais aussi sans aucune passion, on est en droit de se demander où le réalisateur est allé chercher son acteur  principal ??? Tyler Perry !!!! Rarement je crois il est offert de voir un premier rôle aussi dépourvu de charisme et de qualités, incapable de la moindre expression ni d'exprimer la moindre émotion. Si je revois ce nom sur une affiche je fuirai en sens inverse ! Pourtant l'affiche prévient : "ne croisez jamais son chemin".

    Pour une fois qu'on tenait un vrai méchant sans état d'âme et dont on ne cherche pas à savoir s'il a respiré les ptites culottes de sa mère dans l'enfance... voilà que le "héros" est une endive insignifiante... et pourtant il est noir ! Reste donc Matthew Fox que j'avais jadis hâtivement rangé dans la catégorie des Butler, Statham, Worthington et compagnie. Ici, méconnaissable avec trente kilos de moins et néanmoins tout en muscles, visage émacié et tics nerveux, il est un méchant psychopathe sadique réjouissant, hélas le film ne le mérite pas.

  • DE L'AUTRE CÔTÉ DU PÉRIPH' de David Charhon **

    De l'autre côté du périph : affiche

    Ce film est tordant et je vous le recommande.

    C'est un peu court ? Et alors ! Il y a  peu de cinéma ici et une intrigue dont on finit par se foutre royalement. Car ce qui compte c'est le tandem, le duo, l'affrontement des deux show-men pour qui le réalisateur a concocté des répliques aux petits oignons. Laurent Lafitte et Omar Sy sont beaux, drôles et n'ont pas peur du ridicule. Ils sont branchés sur 2 000 volts, sont complémentaires et pourtant réglés sur le même tempo implacable  dans lequel chacun laisse toute la place à l'autre, chacun dans son registre. Banlieue contre XVIème arrondissement. Le rythme ne faiblit pas, les répliques fusent sans mollir. Du pur divertissement haut de gamme. Ce serait dommage de ne pas se laisser emporter !

  • L'HOMME QUI RIT de Jean-Pierre Améris ****

    Le film est inspiré de l'oeuvre dense, complexe, passionnante et intimidante de Victor Hugo. Une histoire terrible et incroyable. Celle de deux enfants. L'un Gwynplaine défiguré dès son plus jeune âge par une cicatrice qui donne à son visage un sourire permanent, victime des comprachicos qui a l'époque enlevaient ou achetaient les enfants, les mutilaient pour les exposer comme des monstres. L'autre Déa, une fillette aveugle que Gwynplaine a sauvée de la mort une nuit de tempête. Les deux enfants abandonnés, orphelins sont recueillis pas Ursus, un saltimbanque, philosophe et guérisseur. Sous des dehors rugueux et misanthrophe le vieil homme dissimule des trésors de tendresse et de bonté. Incidemment, il découvre que le visage du garçon provoque l'hilarité et c'est ainsi que le spectacle de "L'homme qui rit" voit le jour. La petite troupe sillonne alors avec bonheur les routes d'Angleterre. Gwynplaine et Dea s'aiment et deviennent inséparables, sous l'oeil bienveillant et inquiet d'Ursus qui sait que pour vivre heureux il est préférable de vivre cachés. Les foules se pressent pour découvrir Gwynplaine, lui assurent une célébrité sans cesse croissante jusqu'à arriver aux oreilles de la Cour...

    D'emblée il faut écarter l'idée de l'adaptation à la lettre d'une oeuvre littéraire grandiose et colossale. Il s'agit ici de la vision d'un réalisateur à propos d'une histoire qui le hante depuis ses quinze ans. L'histoire de deux adolescences meurtries par la différence. Alors que le handicap de Dea aveugle semble vécu sereinement, Gwynplaine souffre de son apparence. Comment en étant à ce point différent, monstrueux, trouver sa place dans ce monde et être heureux ? Rien que l'idée d'évoquer cette douleur, celle de ne jamais se sentir à sa place suffit à me bouleverser. Et le film l'est, bouleversant, par la grâce de cette vision personnelle qui transforme l'oeuvre, sans jamais la trahir, en un conte horrifique, terrifiant sans pour autant négliger un humour apaisant alors que le drame pèse inéluctablement. Et par celle d'acteurs véritablement habités par la beauté et la puissance de leurs personnages. Chacun semble avoir compris que "La vie n'est qu'une longue perte de tout ce qu'on aime". Malgré cette menace qui les nargue, Gwynplaine s'abandonne un temps à l'illusion d'être accepté sans masque, malgré sa différence et à celle encore plus folle de changer le monde puisqu'il obtient soudainement le pouvoir de siéger au Parlement. Sa diatribe face à la Reine et aux parlementaires : "Ce qu'on m'a fait, on l'a fait au genre humain", puissante, bouleversante vire à la farce. Des bouffons ridicules le remettent à sa place, trop tard.

    Dans un décor de carton pâte assumé, revendiqué, Jean-Pierre Améris ne cherche pas la réconstitution historique. On ne verra donc pas de "carrosses rouler devant des châteaux du XVIIIème siècle". On restera plutôt concentrés sur les personnages principaux et leurs visages, même si l'ambiance "timburtonnienne" évoque Edward aux Mains d'Argent et la mer synthétique celle admirable du Casanova de Fellini. Mais qu'on ne s'y trompe pas, le sublime, génial, inoubliable Joker composé par Heath Ledger s'inspire totalement de l'Homme qui rit de  Victor Hugo (et non l'inverse). Il n'y a donc rien de paradoxal à ce que le "masque" de Gwynplaine l'évoque de façon aussi troublante. Mais alors que le Joker blessé aussi au plus profond de sa chair n'aspire qu'au mal, Gwynplaine est d'abord un jeune héros courageux qui a sauvé une fillette, puis un homme honnête qui rêve de justice et d'amour. Marc-André Grondin incarne avec une belle présence inquiète et naïve cet être meurtri, aimé au-delà de ce qu'il espère et totalement ébloui par cet amour.

    Emmanuelle Seigner belle et cruelle Duchesse se servira un temps de Gwynplaine pour surmonter un ennui abyssal et l'utilisera comme une distraction. Elle verra en lui le véritable miroir de son âme noire. "Ce que tu es dehors, je le suis dedans". Et l'actrice offre à son personnage une intensité et une fêlure touchantes qui évoquent la Madame de Merteuil des Liaisons Dangereuses. 

    Dea est la jeune fille pure qui aime et protège Gwynplaine, parfois malgré lui. Elle connaît l'essentiel invisible pour les yeux. Elle ne peut comprendre que Gwynplaine craigne qu'elle ne l'aime plus si elle  venait à découvrir sa laideur. "Comment peux-tu être laid puisque tu me fais du bien ?". Christa Théret, une nouvelle fois surprenante incarne avec une grâce magnifique cet ange aveugle, simple et vertueux. Elle est d'une expressivité réellement impressionnante empruntée aux grandes actrices du muet. Et ici comme une réincarnation, jusque dans ses gestes de la Virginia Cherril des Lumières de la ville de Charlie Chaplin.

    Quant à Gérard Depardieu, jamais aussi bon que dans les grands classiques qui ont contribué à sa gloire, il est ici exemplaire de sobriété. D'une présence forcément imposante, il laisse néanmoins toute la place à ses partenaires et à cet ange fragile et gracile qu'est ici Christa Théret. Et pourtant chacune de ses apparitions alternativement drôles ou bouleversantes le rendent une fois encore inoubliable dans ce rôle de père déchiré, impuissant à sauver ses enfants de leur destin.

    Jean-Pierre Améris nous saisit donc dès la première image implacable et cruelle et ne nous lâche plus jusqu'au final poignant. Il concentre son histoire en une heure trente, sans digression inutile accompagnée d'une musique ample et idéale. Et c'est à regret que l'on quitte ces personnages follement romanesques et romantiques.