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LE LYCÉEN

de Christophe Honoré ***(*)

LE LYCEEN de Christophe Honoré, cinéma, Paul Kircher, Vincent Lacoste, Juliette Binoche, Erwan Kepoa Falé

Avec Paul Kircher, Vincent Lacoste, Juliette Binoche, Erwan Kepoa Falé

Lucas et son père ont un accident de voiture. Miraculeusement, ils s'en sortent sans une égratignure. Deux semaines plus tard, le père meurt seul dans un accident de la route.

Pour Lucas, le premier accident était comme une répétition du second, comme un avertissement prémonitoire. Et c'est souvent face caméra ou en voix off que Lucas va nous transmettre ses pensées, ses réflexions, ses tourments. Je suis incapable de dire si ce dispositif m'a plu, déplu, dérangée... Comment surmonter à 17 ans la perte de ce père tant aimé et dont la dernière conversation qu'ils avaient eue a plongé le jeune garçon dans des affres de doute et de perplexité ? Au point de se demander si cet homme était heureux voire s'il n'aurait pas même précipité sa mort.

Christophe Honoré ne s'en cache pas, cette histoire est autobiographique. Comme son jeune héros, son père est mort alors qu'il n'avait que 17 ans. Mais il la déplace de la Bretagne à Chambéry et des années 80 à 2021. Cela permet d'évoquer lors d'une réunion familiale et de façon tout à fait inopportune les élections prochaines et la montée d'un certain Monsieur Z. en candidat. Christophe Honoré s'octroie la "place du mort", assume et interprète lui-même le rôle du père.

L'épreuve du deuil est fondamentale et souvent fondatrice, en tout cas c'est toujours un évènement marquant de l'existence. Ici, l'épreuve commence par un réveil en pleine nuit au lycée où Lucas est pensionnaire. Son frère aîné, sa cousine le ramènent chez sa mère. La maison est envahie par toute la famille, même par les membres absents depuis des années. Il comprend que son père est mort avant qu'on lui annonce et pourtant il s'enquiert de la santé de chacun qui ont tous la mine de circonstance. La scène est d'un réalisme frappant. La réaction brutale, violente de Lucas n'arrivera que quelques heures plus tard, exigeant l'intervention d'un médecin. Lucas ne peut assister aux obsèques. Sa mère comprend. Son frère lui propose de le suivre à Paris pour quelques jours. Lucas accepte ravi.

A Paris, Lucas sera souvent livré à lui-même, tombera amoureux de Lillo (on comprend) le co-locataire de son frère qui le repoussera toujours avec douceur mais fermeté, se laissera tenter par la prostitution avant de sombrer dans l'aphasie. Ne plus avoir de père à cet âge terrible où rien n'est encore en place dans sa vie, son coeur et sa tête, Lucas en fait l'expérience et c'est un vertige permanent qu'Honoré capte au plus près.

Je sais que vous attachez beaucoup d'importance à mes étoiles près du titre des films. Je sais même que certains se contentent de les regarder pour avoir une impression rapide. Et bien ce film aurait pu n'en avoir que deux, mais aussi atteindre les quatre... Pourquoi ?
Deux étoiles parce que de façon assez incompréhensible, Christophe Honoré a choisi de suivre son personnage caméra à l'épaule donnant parfois à la spectatrice sensible une sensation de vertige (je n'irai pas jusqu'à nausée mais ce n'était pas loin). Plus tard, me suis-je habituée ou la caméra s'est-elle stabilisée avec l'évolution du personnage, ça allait mieux. Par ailleurs, je n'ai pas compris le besoin de multiplier les scènes de sexe (presque du porno soft) entre Lucas et différents partenaires. Il est homosexuel, ce n'est un sujet ni pour le film, ni pour la famille, c'est juste un fait. Mais à plusieurs reprises le réalisateur montre avec une insistance que j'ai trouvée dérangeante les ébats de son jeune acteur. Evidemment vivre le deuil, l'absence, la solitude est un vaste gouffre que chacun explore souvent comme il peut. Il n'y a ni règles, ni manuel à suivre. Mais j'ai trouvé que la dérive compréhensible de Lucas était dominée par le sexe et ça m'a gênée.
Quatre étoiles, parce que la dernière demi-heure rattrape ces réserves et nous plonge dans un océan d'amour et alors le coeur bat à tout rompre et c'est bien en grande partie ce que je demande au cinéma, un peu de cardio. J'ai donc fait une moyenne et octroyé trois étoiles à un film qui en mérite sans doute quatre.

Lucas est entouré d'une mère aimante, enveloppante, compréhensive et ce rôle de mère protectrice qui fait confiance à ses enfants, convient parfaitement à Juliette Binoche. Dans le monologue qu'elle adresse à son mari (comment être heureuse, comment ne plus t'en vouloir comment vivre sans toi mon amour ?), persuadée qu'il veille sur son fils en souffrance, elle est bouleversante. Le grand frère c'est Vincent Lacoste (toujours meilleur depuis Amanda), pas immédiatement sympathique, un peu brutal mais finalement très présent, il incarne à lui seul tous les dysfonctionnements qui peuvent animer une fratrie. Il est formidable. Et l'ami, tellement doux, tendre, rassurant c'est Erwan Kepoa Falé, jamais vu encore au cinéma mais impressionnant de douceur. Chacun sera là et laissera Lucas explorer parfois dangereusement tous les paradoxes de cette époque troublée de sa vie qui marque à tout jamais puisque plus de trente ans plus tard, le réalisateur en fait un film.

Et puis il y a Lucas, personnage qui a décidé de tout explorer sans même vraiment le savoir mais puisque "tout peut s'arrêter", il ne faut pas hésiter, quitte à aller trop vite, n'importe où et n'importe comment. Ce jeune homme désarmant est incarné par Paul Kircher. Parfois agaçant dans ses choix, sa naïveté, sa brutalité (lorsqu'il dit à son petit ami : "ce n'est pas de l'amour"), il donne aussi envie de le protéger, de le consoler. Son visage souvent fermé, s'anime parfois puis s'éclaire d'un sourire déconcertant qui laisse entrevoir encore l'enfance sous le garçon qui grandit vers l'âge adulte dans lequel les évènements l'ont précipité prématurément. Le César de la révélation paraît acquis.

La musique omniprésente, parfois envahissante dans certains films, accompagne parfaitement l'errance et la dérive de Lucas.

Finalement je tranche pour trois étoiles et demi...

Commentaires

  • Cela ne me tente que très moyennement. Mais j'ai entendu de belles choses sur Christophe Honoré plusieurs fois, ce qui me laisse penser qu'il faudrait que je (re)donne une chance à un de ses films...

    Je suis resté sur "Les malheurs de Sophie" et une assez mauvaise impression.
    Des conseils ?

  • Ah oui très dommage pour un cinéphile de passer à côté de Christophe Honoré même si ces films me plaisent diversement.
    Alors pour commencer je t'incite à voir Les chansons d'amour, incontournable et difficile à ne pas aimer ainsi que Non ma fille tu n'iras pas danser.
    Puis celui-ci (Le Lycéen) parmi les meilleurs.
    Mais aussi Dans Paris où il a donné le rôle du dépressif à Romain Duris et du joyeux drille à Louis Garrel.

  • Bonjour Pascale, il y a quelques semaines, j'ai vu la bande annonce qui m'a donné envie d'aller le voir (seule, car mon amoureux préfère les films de guerre ou rigolos ou policiers), mais une vague de maladies et décès plus ou moins proches en ce moment réveille mon instinct de préservation - j'attendrai d'avoir l'esprit plus léger pour le voir, mais l'envie est là.

  • Oh zut je suis désolée pour la mauvaise vague autour de toi :-('

  • J'ai failli aller le voir hier mais j'ai raté ma séance.
    Pas sure d'avoir le temps de le rattraper, j'en ai tellement sur ma liste !

  • Ah celui-ci est vraiment bien mais il ne faut pas avoir le mal de mer au début.

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