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MARIE-LINE ET SON JUGE

de Jean-Pierre Améris ***

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Avec Louane Emera, Michel Blanc, Victor Belmondo, Philippe Rebot, Nathalie Richard

Marie-Line a une vingtaine d'années et vit au Havre. C'est une jeune femme dynamique et joyeuse. Serveuse dans un bar elle s'occupe de son père dépressif et agoraphobe depuis qu'il a été victime d'un terrible accident du travail qui lui a fait perdre une jambe sur les docks.

Parmi les clients du café il y a un juge ronchon au look un peu étriqué, imper mastic et cartable en cuir (le cartable de Jean-Pierre Améris NDLR) qui enchaîne les whiskys japonais sans glaçon. Il y a aussi Alexandre, étudiant en master qui rêve d'ailleurs, accompagné de ses amis étudiants. Marie-Line au look un peu vulgaire, cheveux roses, jupe ultra courte, blouson scintillant virevolte de table en table en chantonnant. Son regard croise celui, insistant, d'Alexandre et son irrésistible sourire. Victor Belmondo joue tout en finesse et en douceur ce garçon qui aurait pu être très antipathique. L'idylle commence dans la plus parfaite symbiose même si Marie-Line comprend mal la passion cinéphile d'Alexandre qui cite des répliques de Jules et Jim sans qu'elle le sache, et qu'il s'adapte aux goûts de sa dulcinée au point de regarder Les anges... à la télé ou Koh Lanta.

Dès lors, la suite ne sera pas aussi prévisible que le synopsis et la bande-annonce auraient pu le laisser supposer. A la suite d'interventions extérieures et d'évènements inattendus, Marie-Line va retrouver le juge au tribunal pour être jugée. Alexandre, influencé sans doute par ses amis étudiants s'éloigne d'elle. Elle perd son emploi et a une dette difficile à rembourser même si l'avocate annonce : "on s'en tire bien". 1 500 €uros n'ont pas la même valeur pour tout le monde. Alors le juge, sans permis de conduire momentanément, propose à Marie-Line de devenir son chauffeur pendant un mois contre rémunération. Elle accepte.

Comme toujours, ce qui intéresse le réalisateur, ce sont les "petites gens", ceux qu'on ne voit pas ou que l'on voit trop comme Marie-Line qui est "voyante" par son allure, ses vêtements, son verbe haut mais qui n'intéresse personne. Et ce juge effacé qui pleurerait presque s'il en avait encore la possibilité face à la misère qu'il croise dans les comparutions immédiates. Et c'est dans une petite voiture aussi rafistolée et cabossée que les personnages mais également vaillante, persévérante et fiable que l'on s'embarque pour les voir vivre, évoluer et s'épauler. Et sourire aussi souvent, à défaut de rire franchement car les répliques amusantes de la scénariste Marion Michau sont parfois savoureuses. Si le juge balance quelques vérités qui semblent un peu "faciles" à Marie-Line, des phrases de riches comme elle dit, elle semble parfois se complaire dans un déterminisme social auquel elle pense ne pas pouvoir échapper. Alors que lui se complaît un peu dans "sa" dépression, un enfermement qu'il s'impose depuis les drames de sa vie et refuse la possibilité d'une embellie. La précarité sociale de Marie-Line d'un côté, la vulnérabilité psychique puis physique du juge de l'autre. La prolo sans culture et l'intello érudit. Chacun va éclairer l'autre parce qu'ils n'ont pas eu une vie facile à différents titres et le vécu de chacun peut être une source d'inspiration et d'évolution pour l'autre, mais aussi de compréhension mutuelle.

Cela paraît simpliste dit ainsi. C'est tendre et émouvant et les personnages sont rendus terriblement attachants grâce à leurs interprètes. L'histoire s'inspire du roman de Murielle Magellan, romancière, scénariste et réalisatrice à qui l'on doit la comédie qui fait tant de bien La page blanche. Jean-Pierre Améris réussit comme toujours à transmettre les émotions contrastées que les personnages ressentent et qui sont les nôtres aussi, mais que l'on dissimule parfois derrière une façade ou sous notre carapace. Il suspend un instant et partage avec nous la merveilleuse chanson que Julien Clerc a composée sur les mots de Marceline Desbordes-Valmore qui s'adresse à ceux qui ont connu un inconsolable chagrin (c'est-à-dire à peu près tout le monde) et s'en relèvent...

Dans un souci d'authenticité comme dans pratiquement chacun de ses films, le réalisateur rend les séances au tribunal très réalistes et "utilise" le personnel du tribunal en figurants. Il filme aussi la dureté d'une conserverie de poissons où Marie-Line travaillera peut-être. Et fait de la ville du Havre un personnage en passant des quartiers chics (la villa de l'amie du Juge interprétée par la merveilleuse Nathalie Richard) aux quartiers populaires (la maison bric à brac du père de Marie-Line dans laquelle s'entasse des décennies de vie difficile). Philippe Rebot donne vie à ce père aimant mais dépassé par ses filles qui ont poussé comme elles ont pu en l'absence de mère. L'aînée, mal embarquée dans des opérations douteuses refait irruption pour extraire sa petite soeur de l'endroit où elle croupit selon elle.

Le soleil de ce film c'est Louane qui m'a vraiment bluffée par une interprétation sensible, une spontanéité et une expressivité folles. Jean-Pierre Améris a obtenu d'elle, sans pleurnicherie ni misérabilisme une incarnation de Marie-Line forte et touchante, peut-être parce que le parcours de cette jeune femme n'est pas si éloigné du sien et des difficultés que l'actrice (et chanteuse) a connues dans son enfance et son adolescence.

Elle nous laisse croire que rien n'est jamais perdu, qu'il ne faut pas renoncer, que peut-être il est possible de croiser un jour les bonnes personnes et changer ainsi le sens des rivières...

Commentaires

  • Bonjour Pascale, tu donnes envie d'aller voir ce film (la bande-annonce est pas mal). Même mon ami ta d loi du cine devrait m'accompagner. Bonne journée.

  • Bonjour dasola. Il vous plaira. J'espère que le film fonctionnera.

  • Oui vas-y. J'aimerais tellement que Jean-Pierre atteigne le million d'entrées :-)
    Louane m'a vraiment bluffée.

  • Je crois qu'il n'est pas abusif de parler, à propos de ce film, de réalisme poétique. Ameris a un talent certain pour filmer des "gens ordinaires". Son empathie n'est pas lourdingue. En général, il évite le pathos et instille de savoureux instants comiques. Michel Blanc est, une fois de plus, épatant.

  • Merci, c'est tout à fait cela. Pas de pathos et une hyper sensibilité sincère, une empathie et intérêt pour les "gens" réels.

  • Vu hier, grâce à dasola qui a réussi à me motiver en un quart d'heure, un dimanche pantouflard, pour sortir voir ce gentil film. Film de "chauffeur" et film de frictions (entre deux univers), il m'a fait songer à bien d'autres: Green Book, Wifi, Pas son genre, Miss Daisy et son chauffeur, Les parfums...
    Je dirais que les deux personnages ont beaucoup de chance de rencontrer la bonne personne, capable de leur donner réciproquement les quelques coups de pied au derrière nécessaires pour avancer dans la bonne direction. Pas évident de reprendre des études à 25 ans ou d'oser offrir un bouquet de fleurs la soixantaine passée (?).
    Ce film bien tendre (sous la dent?) m'a plu.

  • Parfait que dasola ait été convaincante.
    Cela doit exister ce genre de petits miracles et hasards de rencontres.
    Pour les études... 25 ans ce n'est vraiment pas tard. J'en avais repris beaucoup plus tard.

  • Trop tendre, trop de bons sentiments, et trop convenus sans surprise avec de toute façon une rencontre quasi invraisemblable... Mais c'est vrai, c'est touchant, on est un peu pris au piège de la comédie démago et acidulée

  • OK.

  • Absolument, on comprend bien sa situation et ses réactions. C'est une bonne personne.

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