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LITTLE GIRL BLUE

de Mona Achache ***

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Avec Marion Cotillard

Carole Achache, la mère de Mona la réalisatrice est morte en 2016. 

Elle s'est pendue à sa grande bibliothèque sans laisser d'explication. Des années après, Mona se décide enfin à ouvrir les 25 caisses de carnets, lettres, agendas, enregistrements et photos que sa mère a laissées. Par ce film, elle veut essayer de comprendre enfin ce qui a poussé sa mère à cet acte terrible et désespéré. Si elle ne trouve pas réellement de réponse à cette énigme, l'étude de tous ces documents va lui permettre au moins de mieux connaître sa mère, à défaut de la comprendre. Elle découvre une femme qui fut jeune, belle, libre mais aussi terriblement perturbée par une enfance et une jeunesse peu ordinaires marquées par le sexe, l'alcool et la drogue. Tourmentée par l'environnement toxique dans lequel sa propre mère la fait vivre en la laissant évoluer sans scrupule ni surveillance dans un entourage de célébrités intellectuelles telles que Violette Leduc, Duras, Florence Malraux, Semprun, Faulkner, Queneau, Giacometti et surtout Jean Genêt. En apprenant ce que ce dernier a fait subir à Carole alors qu'elle n'avait que onze ans et après avoir vu le répugnant Le consentement, on peut se demander (sans vouloir généraliser) ce que certains écrivains d'âge plus que mûr ont dans le crâne pour passer leurs nerfs sur des petites filles. Je suis tellement contente de n'avoir jamais lu Jean Genêt, pas plus que Matzneff.

Pour incarner sa mère, la réalisatrice reçoit Marion Cotillard qui arrive dans l'appartement dont les murs tapissés de photos et de documents écrits est transformé en véritable pièce d'archives pour mener une enquête. Sous nos yeux, l'actrice à qui la réalisatrice confie les vêtements, les lunettes, les bijoux, les chaussures, le sac, le parfum de sa mère, se transforme peu à peu. Si la métamorphose qui s'accomplit en direct, sans plan de coupe, est absolument étourdissante, Marion devient Carole... ce n'est rien à côté de ce que l'actrice va entreprendre et réussir concernant la voix. D'abord, elle reprend en play-back et à en perdre le souffle les mots de la morte, jusqu'à dire que c'est ce qu'elle a fait de plus difficile dans sa carrière. Et peu à peu sa voix se transforme elle aussi, elle devient métallique, son rythme rapide et saccadé parfois hésitant. Ce qu'accomplit Marion Cotillard relève véritablement ici de la performance magistrale.

On découvre que la mère de Carole avait elle aussi écrit sur sa propre mère et il semble peser sur ces générations de femmes d'une même famille une malédiction de souffrances, de maltraitance, de viols de la part des hommes, nombreux, qu'elles rencontrent. On note aussi avec curiosité que tous les hommes que rencontrent Carole s'appellent Jean.

Le dispositif selon lequel Marion reprend les mots écrits ou parlés de Carole est vraiment intéressant, inédit, et la réalisation est vraiment fluide. La caméra se promène dans différentes pièces où Marion évolue suivant un montage astucieux, au restaurant, à la radio (où l'on a le plaisir de réentendre la merveilleuse voix de Kathleen Evin) ou parmi les documents. Mais aussi avec le film d'une rue qui défile en arrière plan, Marion/Carole semble marcher dans une rue alors qu'elle reste sur place dans l'appartement. Vous comprendrez en voyant. J'ai trouvé cela très beau.

Si l'explication du geste désespéré de Carole n'est pas expliqué, si ce n'est qu'elle en avait marre de vivre, si la relation de Carole avec sa fille Mona n'est pas vraiment creusée (sauf lors d'une scène terrible où la mère dit à la fille qu'elle ne peut pas réparer ce que Juan lui a fait...), la performance de Marion Cotillard reste en tout point vraiment fascinante.

Et finalement c'est avec les mots de Carole dans son livre Fille de où elle parle de sa mère que l'on trouve quelques explications : "Je la regarde, je l’aime. Je ne comprends pas tout. Je ne vis qu’avec des adultes. J’observe, je grandis, je pose des questions. Ma mère se dérobe. Me dire la vérité, c’est déclarer ses failles. Elle bredouille des approximations. Mon univers a beau se distinguer par son intelligence, il ne m’éclaire pas. Je dérape. Je deviens une furie. Quelque chose ne tourne pas rond. Quand cela a-t-il commencé ? Jusqu’où vais-je aller ? Je ne la quitte pas. C’est elle qui s’en va. Elle rend son âme. Elle me lègue ses agendas. Je tombe sur une mine d’or. Je les lis, je les décrypte. Je vois mais c’est trop tard. Je suis enfermée dans le silence. Je ne raconte rien. J’ai honte de ce que j’ai vécu. Elle aussi s’est tue, je l’ai appris par hasard. Ce roman parle du silence. Je ne sais plus si je l’aime. Je l’ai trop protégée. Elle s’appelle Monique Lange, et elle a tout d’un ange. Elle se passerait de son sexe, de ses seins, du sang, et surtout du sperme. Et pourtant, je viens d’elle. Je rêve d’un monde où plus personne n’aura honte d’avouer ce qu’il est ou ce qu’il a été. » Carole Achache

La dernière image réparatrice, consolatoire est très belle et un peu triste.

Commentaires

  • Décidément, le milieu littéraire est à fuir absolument ! Difficile de comprendre cette admiration sans bornes des femmes qui fait faire n'importe quoi.

  • Evitons de généraliser mais ces deux ordures, je ne risque pas de les lire.
    Certaines femmes se retrouvent fascinées et rapidement sous emprise. La question est pourquoi leur livrent-elles leurs enfants ?

  • J'en ai entendu beaucoup de bien. Si j'ai l'occasion, j'irais bien le voir. Il parait que Marion Cotillard est spectaculaire dans sa transformation.

  • Elle est stratosphérique !

  • Intéressant au prime abord, puis finalement on s'ennuie surtout parce que Mona Achache se détache un peu trop du récit et donc du lien direct mère-fille. Mais quelle performance de Marion Cottilard, quelle magnifique idée d'extrospection.

  • J'ai trouvé le "récit" parfois embrouillé (la mère, la grand-mère... j'étais parfois perdue).
    Mais pour Marion, ce film est une curiosité.

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