Festival International du Premier Film d’Annonay (2008 - Dernière partie)
Traditionnellement, le week-end de compétition s’ouvre par la projection d’un film du réalisateur/Président du Jury. Cette année, il s’agissait de :
Baxter de Jérôme Boivin***

Il s’agit d’un film de 1988 que j’avais vu à l’époque et que je n’avais pas oublié tant il sort de l’ordinaire. C’est un film comme on n’en a jamais revu depuis, dérangeant parce que le héros est un chien inquiétant dont on entend les pensées et qui rêve de devenir humain, un film sans étiquette qui ne relève d’aucun genre particulier. Jérôme Boivin en avait écrit le scénario avec Jacques Audiard et il était inspiré d’un roman de Ken Greenhall « Des tueurs pas comme les autres » dont il nous a vivement recommandé la lecture. Hélas, le livre fut aussi incompris que le film.
Baxter est un chien qui cherche le maître idéal. Il en «épuisera» trois avant de tomber sur Charles, gamin d’une dizaine d’années, livré à lui-même par des parents laxistes, fasciné par Hitler (qui aimait tant ses chiens !!!). C’est une réflexion sur le genre humain, l’humanité et la soi-disant innocence de l’enfance. Un film sur un chien qui veut devenir humain et un enfant qui révèle sa ‘part animale’… perturbant, troublant et forcément enthousiasmant.
LES FILMS DE LA COMPÉTITION
Teeth of love de Zhuang Yuxin ****

10 ans de la vie d’une femme chinoise. Trois périodes de sa vie au travers de son parcours amoureux où la douleur et le souvenir seront intimement liés. Les trois expériences de la vie amoureuse de Qian Yehong seront toujours traduites au travers du prisme de la douleur physique : un coup de brique dans le dos lorsqu’elle est adolescente, un avortement qu’étudiante en médecine elle dirigera elle-même (scène absolument sidérante), l’arrachage d’une dent sans anesthésie en souvenir d’un amour gâché par la distance, l’incompréhension.
Apparemment linéaire et classique, ce beau et grand film émouvant et passionnant est servi par un trio d’acteurs époustouflants. D’une impressionnante maîtrise, il révèle un talent, un savoir-faire et une virtuosité qu’on a vraiment hâte de retrouver.
Ce film à obtenu :
LE GRAND PRIX DU JURY.
Et quand on voit le bonheur sincère du réalisateur, on est davantage touché encore. La remise de ce prix a d’ailleurs donné lieu à un des moments les plus émouvants de la soirée de clôture car un des membres du jury Marine B. étudiante en chinois a pu remettre le prix en s’adressant au réalisateur directement dans sa langue. Il en fut charmé, étonné et ravi.
L’aria salata d’Alessandro Angelini ****

Fabio s’occupe de la réinsertion de détenus. Un jour en prison il rencontre Sparti, homme fatigué qui a déjà purgé 20 ans et qui souhaiterait obtenir une permission de sortie. Fabio découvre qu’il s’agit de son père. Il décide de « s’occuper » de lui sans lui révéler qu’il est son fils. Il cherche à percer le mystère et les secrets de ce père assassin qui lui a tant manqué.
Le tour de force de ce film admirable de la première à la dernière image est de ne jamais, à aucun moment sombrer dans le pathos, ou de venir chercher notre émotion à grand renfort d’effets faciles. On attend, suspendu aux deux acteurs, magnifiques, bouleversants, LA révélation. Elle est si simple qu’on y croit à peine ! Le vieil homme tourne le dos à son fils, sans un mot pour regagner sa cellule… et le fils dit doucement, derrière les barreaux en regardant son père s’éloigner : « ça fait mal hein ? ». Déjà à ce moment, le grand lacrymal circus commence à s’activer… Puis on attend LA scène de réconciliation en se disant qu’elle est impossible et qu’elle gâcherait un peu ce film pudique, sincère, honnête et d’une sensibilité à fleur de peau. Elle n’arrive pas.
Mais quand à la toute fin, Antony entonne « Hope, there’s someone… »… c’est en larmes, anéanti dans son fauteuil qu’on termine la projection.
Cliquez ici pour vous faire une idée… vous n’en reviendrez pas
http://www.youtube.com/watch?v=n_-94GlJGjc
Ce film a obtenu :
LE PRIX DU PUBLIC
malheureusement le réalisateur n'était pas présent et c'est bien dommage, j'aurais aimé lui dire deux mots : c'est pas humain de faire pleurer les gens comme ça...
Falafel de Michel Kammoun ***

Toufik (Tou pour les intimes) est un jeune homme qui vit «normalement» entre son petit frère et sa mère qu’il adore et les amis de son âge qui font des fêtes, des blagues, regardent les filles, tombent amoureux… Mais Tou vit cela à Beyrouth où le spectre de la guerre récente rôde encore. L’agressivité, la tension semblent sous-jacente à chaque coin de rue. L’insouciance de Toufik va être sérieusement bousculée et tout va basculer cette nuit là, par hasard !
Ce film est infiniment drôle et on ne compte les éclats de rire qui ont fusé dans une salle comble et conquise par un film aussi attachant que son jeune héros Tou, Elie Mitri. Lorsque tout bascule brusquement, ce n’en est que davantage bouleversant. Cette histoire nous conte l’échec de la vengeance et nous redit que les choses graves arrivent par surprise. C’est aussi un film sur la fraternité dont le dernier plan impressionnant et attendrissant reste gravé en nous.
Ce film a obtenu :
LE PRIX SPÉCIAL DU JURY
Sur la trace d’Igor Rizzi de Noël Mitrani ****

Un footballeur ruiné erre dans son appartement vide et dans Montréal en ressassant ses regrets de n’avoir pas dit à sa femme morte combien il l’aimait. Un « ami » pas très recommandable lui propose de tuer Igor Rizzi ce qui lui permettrait de se faire un peu d’argent. Absent à tout, il accepte cette proposition, le seul problème étant : pour tuer un homme comment s’y prend-on ?
J’ai eu beau creuser le plus profond possible dans ma mémoire de cinéphile, je n’ai trouvé AUCUN film qui raconte une histoire sur l’écran et qui en raconte une autre en voix off. A ce seul titre déjà, ce film m’a paru unique admirable. En général, la voix off nous raconte ce qu’on voit à l’écran… ce qui est une façon de dire au spectateur qu’il est stupide. Ici, la voix off nous évoque en détails l’histoire d’amour qu’on ne verra jamais et à l’écran on voit l’errance, la solitude et les remords d’un homme sans réaction. Humour et spleen font bon ménage dans ce film atypique, drôle et profond porté de bout en bout par Laurent Lucas, parfois drôle, parfois pathétique, admirable loser magnifique qui traîne sa carcasse et son regard perdu.
Ce film n’a rien obtenu car parfois le jury est aveugle et sourd, et je le regrette infirniment !!!
Hope de Stanislaw Mucha **

Une œuvre d’art est volée dans une église. Un jeune homme assiste à la scène et la filme. Dès lors il fait « chanter » le voleur, riche propriétaire d’une galerie d’art… mais bizarrement l’objet du chantage n’est pas l’argent mais simplement que l’œuvre soit remise à sa place !
L’ombre de Kieslowski plane sur ce film car ce film a été écrit par son scénariste attitré Krzysztof Piesiewicz. On en retrouve la musique, la poésie, les couleurs. Il s’en dégage une impression de douceur et l’intrigue maintient en haleine d’un bout à l’autre, et même si on ne comprend pas toujours ni très bien les motivations du jeune héros, on s’en moque. L’interprétation est formidable… et curieusement, rapidement le souvenir de ce film s’échappe…
Small gods de Dimitri Karakatsanis **
Elena survit à un grave accident de voiture dans lequel meurt son fils. Désespérée, hagarde elle tente de récupérer dans un hôpital lorsqu’un étranger, David, la kidnappe et l’emmène en voyage dans son camping-car. En route, ils rencontrent un autre personnage tout aussi perdu qu’eux, Sara qui va poursuivre le voyage avec eux.
Aussi intrigant qu’envoûtant ce film est loin de laisser indifférent d’autant que la fin ouverte… étions-nous dans un rêve ou dans la réalité… est vraiment bienvenue. Mais la surenchère de violence et de drames qui frappent chaque personnage finit par ne plus être crédible.
Ce film a obtenu :
le Prix Spécial du 25ème Anniversaire du Festival International du Premier film d'Annonay (parce que parfois les voix du Jury sont impénétrables...).
Small engine repair de Niall Heery **
Doug et ses amis sont ouvriers au fin fond d’un bled irlandais perdu au fond des bois. Sa femme le quitte et il parvient petit à petit à faire reconnaître son talent de chanteur de country.
Ce film d’hommes pour les hommes (les femmes sont responsables de TOUS leurs maux) parlent d’amitié, de chasse, de trahison… des problèmes d’hommes et de mélancolie enrobés dans une musique country pop folk irlandaise enthousiasmante.
Sonhos de peixe de Kirill Mikhanovsky **
Jusce a 17 ans, il gagne péniblement sa vie en étant pêcheur dans un minuscule village de la côte nord-est du Brésil. Il est amoureux de la beauté locale, Ana qui ne vit que pour le feuilleton du soir… sorte d’Amour, Gloire et Beauté local à la sauce amérique du sud !!! Ana veut quitter ce quotidien sans avenir tandis que Jusce, content de sa vie, ne rêve que de la regarder vivre.
Hésitant entre documentaire sur la vie d’un village de pêcheurs perdu et le destin de son jeune héros, ce film qui invite au voyage vaut surtout pour ses merveilleuses images et son étonnant et non moins merveilleux jeune acteur non professionnel Jose Maria Alves.
















































