
Sofia, Marie-Antoinette, Kirsten ??? Trois éternelles adolescentes « fashion victims » qu’on attend systématiquement au tournant, à qui on en demande toujours plus, à qui on ne pardonne jamais rien. Pourquoi ??? Voilà les questions que l’on se pose avant d’entrer dans la salle et dont on n’a que faire en sortant. Pourquoi ??? Parce qu’on a vu un film, un vrai.
Ceux qui veulent un cours historique n’ont qu’à (re)lire André Castelot. Pour les autres, qu’ils se laissent emporter par le tourbillon de ce beau film car tout ici n’est qu’effervescence, musique (et quelle musique !!!) et mouvements. Ceux qui n’ont encore jamais visité Versailles pourront le faire, du sol au plafond, de la chambre aux jardins.
C’est l’histoire d’une gamine autrichienne de 14 ans, plutôt gentille et nature, « vendue » par sa famille à la France pour sceller l’entente. Elle se plie de bonne grâce et de bonne volonté au lourd protocole de la cour, qu’elle commence par trouver drôle et ridicule et qui ne tardera pas à l’étouffer et à la soumettre. Elle épouse Louis-Auguste, futur XVI (Jason Schwartzmann, parfait) ce gros ballot de serrurier plus préoccupé par ses clés et ses chasses que par les charmes de sa belle épouse. Car le but de la manœuvre est là et nulle part ailleurs : il faut un héritier à la France et Louis mettra 7 ans à assumer son conjugal devoir. De son côté Marie-Antoinette ne cesse de se demander pourquoi la « chose » fonctionne pour tout le monde et pas pour elle, pourquoi on ne parle que de « ça » et qu’elle n’arrive pas, malgré ses efforts à comprendre de quoi il s’agit… Elle s’étourdit donc de fête en fête, aux tables de jeux et dans les bras d’Axel de Fersen (la grosse déception du film… car le beau suédois a toujours fait flancher le cœur de l’adolescente qui sommeille… et il est ici bien pâlichon). Marie-Antoinette toujours victime de quolibets, de ragots puis de calomnie fait la sourde oreille. Et Sofia Coppola (elle-même Reine à Hollywood) sait mieux que personne traduire la solitude et la mélancolie des jeunes femmes tourmentées et parfois injustement traitées. Elle est aidée en cela par sa prodigieuse actrice qui, dès qu’elle est dirigée par Sofia, se redresse et offre un spectacle étourdissant avec seulement trois lignes de dialogue, pour exprimer la naïveté, la futilité, la douleur, la solitude, l’amour, l’ennui… toutes les étapes de sa vie sacrifiée. Kirsten est ici, et pour la première fois (avis de cinéphile qui n’était pas acquise à sa cause) immense, drôle, craquante, intense et absolument bouleversante.
Bien sûr, la Grande Histoire n’est ici que saupoudrée sur la Petite mais c’est le choix de Sofia qui a décidé de ne pas sortir du Palais. Le peuple est absent, mais, rendue responsable de tous les maux, Marie-Antoinette apparaît sur le balcon et s’offre en pâture à la foule hurlante mais pratiquement invisible qui finit par se taire : elle écarte les bras et s’incline humblement pour demander pardon. Pas un mot, un instant de grâce où ses larmes deviennent les nôtres.
Le film, léger et virevoltant jusqu'aux 10 dernières minutes devient lourd et sombre quand la menace effrayante devient palpable... Mais encore une fois, Sofia fait un choix : elle ne nous emmène pas jusqu’à l’échafaud et c’est tant mieux. Elle nous offre cependant un dernier grand moment d’émotion lorsque, Louis, Marie-Antoinette et leurs deux enfants (finalement), s’enfuient loin de Versailles tristement, sans hystérie ni précipitation, dignement : un Roi et une Reine, enfin, mais trop tard.
Sofia Coppola est immense, je l’adore et son film est l’histoire d’une Virgin Lost in Trianon.
