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LES INVITES DE MON PERE de Anne Le Ny ***

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Dans la famille Paumelle les enfants ont "réussi", Arnaud est avocat, Babette médecin. Mais ils ont grandi et sont devenus adultes dans l'ombre d'un père remarquable, médecin aujourd'hui retraité qui a combattu toute sa vie pour de nobles causes telle que la loi pour l'IVG et continue de s'investir dans des associations humanitaires. A 80 ans, à la surprise générale, il contracte un mariage blanc pour permettre à une moldave et sa fille d'être régularisées. Les enfants approuvent, s'enthousiasment et admirent l'engagement jusqu'auboutiste. Jusqu'à ce qu'ils fassent la connaissance de Tatiana, jeune femme délurée et très sexy, lors d'un hilarant repas familial. Mais ils découvrent progressivement que l'intérêt de Tatiana ne se limiterait peut-être pas exclusivement à la seule obtention des papiers et que le mariage ne serait pas aussi "blanc" qu'annoncé. Réaliser que leur vieux papa puisse retomber amoureux n'est pas sans conséquence sur les "enfants". Ils craignent d'abord qu'il souffre car ils n'imaginent nullement que cette histoire ait un quelconque avenir mais ils se sentent surtout dépossédés, pas uniquement parce que leur propre père les déshérite à leur grande stupéfaction, mais surtout parce qu'ils se considèrent comme répudiés, privés de l'amour paternel.
C'est davantage les conséquences en cascade sur toute la famille que Anne Le Ny, déjà responsable du très vibrant Ceux qui restent sur un autre sujet sensible, décortique ici. Elle se concentre sur les réactions du frère et de la soeur qui entretiennent chacun des rapports très différents avec leur père et qui, à la faveur de ce bouleversement vont retrouver une complicité, une connivence et une tendresse qu'ils avaient perdues de vue. Les scènes de tête à tête entre Fabrice Lucchini et Karine Viard sont d'une authenticité et d'un naturel rares. Les deux acteurs rendent leur relation follement crédible tant ils sont naturels autant dans leur tendresse retrouvée que dans la gêne imposée par certaines situations ou évocations, telle que la sexualité de leurs parents par exemple.
C'est un film intelligent, qui ne juge pas les personnes mais révèle certains actes dont on est capable sans poser de diagnostic ou de sentence. Il offre aussi l'opportunité de s'interroger, de se poser des questions sur la famille, la filiation, sans pour autant y répondre. Babette s'estime lésée mais surtout blessée, elle qui a toujours eu le sentiment d'être la gentille fille qui répond aux attentes de son père jusqu'à s'y conformer dans les moindres détails. Arnaud a comme toujours la sensation de ne pas faire ce qu'il faut au bon moment. Tous les deux se demandent ce qu'ils ont fait de "mal" pour en arriver à cette forme de rejet. Ils font partie de cette génération de "coupables" écrasés par le poids de la famille, des valeurs, des principes.
Plutôt cocasse dans la première partie du film, Anne Le Ny n'hésite pas à chahuter gentiment cette gauche bobo qui "fait" de l'humanitaire pour se donner bonne conscience mais freine des quatre fers dès qu'il faut passer à l'action. Mais elle ose aussi supposer qu'un sans papier, un clandestin n'est pas forcément un être idéal, admirable et reconnaissant droit sorti du pays des bisounours. Tatiana peut se montrer raciste et vénale. Le film se fait beaucoup plus dur, mélancolique et désenchanté dans sa dernière partie. Les décisions qui sont prises en font un film différent ambitieux et audacieux.
Le casting en or massif ajoute à la haute tenue de l'ensemble. Michel Aumont est très à l'aise dans le rôle du vieux monsieur indigne qui ne veut pas se refuser le bonheur d'une dernière histoire d'amour. Valérie Benguigui est aussi comme toujours formidable dans le (second) rôle de la bonne copine, la belle-fille, celle qui ose dire et faire "le sale boulot". Karine Viard est touchante en fille parfaite qui laisse peu à peu apparaître ses fêlures. Quant à Fabrice Luchini, il est comme toujours très confortablement installé dans le rôle du gars cultivé, cool, désinvolte, arrogant, cynique. Il balance ses répliques comme s'il venait des les improviser. Lors d'un dîner en tête à tête avec sa soeur, ils boivent un peu trop et il encourage sa soeur : "lâche toi un peu !". A la sortie du restaurant, ils ne trouvent pas de taxi et Babette fait signe à un couple en voiture qui s'arrête et accepte de les conduire où ils vont. C'est d'ailleurs Anne Le Ny qui en est la passagère. Et ce couple invite Babette et Arnaud à une soirée "privée"... Arnaud, choqué, les fait arrêter immédiatement tandis que Babette écroulée de rire dit à son frère :
"- mais tu as dit que je devais me lâcher ?
- quand je t'ai dit de te lâcher c'était sur une deuxième tournée de blinis, pas pour un inceste échangiste !".
Vous n'avez pas l'impression de l'entendre le Fabrice ? Moi j'adore.
Mais la réalisatrice semble avoir gratté l'os du garçon plein d'humour mordant et de culture et grâce à elle sans doute, il révèle ici des aspects inconnus ou rarement exploités de sa personnalité et de son jeu. C'est avec surprise que je l'ai découvert très crédible alors qu'il se fait menaçant mais aussi, lorsqu'il se met à perdre tous ses repères, à déclarer à quel point il s'est toujours senti le vilain petit canard, à dire "papa", à oser avouer, totalement perdu : "je ne veux pas que mon père meure", il devient bouleversant comme je crois ne l'avoir encore jamais vu.
Grâce à ses acteurs merveilleux aussi, ce film est une totale réussite.

Commentaires

  • dépossédés
    meure

    Non non, ne me remercie pas, c'est tout naturel !

    Bon sinon ça donne envie, je dois le dire... Je pensais envoyer ma niaise voir tout ce qui brille, c'est bien pour son âge non ?
    Et Alice, c'est pas un peu trop sombre pour l'Anatole ? Si hein ? C'est bien ce que je pensais...

  • J'attendais ton billet. J'ai adoré, pour toutes les raisons que tu évoques. Et Lucchini est vraiment surprenant, là on voit le grand acteur qu'il peut être quand il n'est pas laissé en roue libre. J'ai été particulièrement sensible à la relation frère-soeur que j'ai trouvée belle. Décidément c'est une réalisatrice à suivre, j'avais déjà énormément aimé "ceux qui restent". Et que de scènes drôles et féroces ..

  • Loreal : j'ai un problème indissoluble avec meurt, pleurt, pleut... Merci quand même.
    "Tout ce qui brille" c'est très bien pour la grande.
    "Alice" c'est non pour le tiot.

    Aifelle : oui, une cinéaste qui parle de la vraie vie des vraies gens ça fait du bien.
    Lucchini quand il est dirigé est exceptionnel comme ici.
    C'est drôle et cruel comme tu dis.

  • Merci docteur :-)

  • Oui moi aussi j'ai beaucoup aimé, un sujet assez grave mais traité sur le ton de la comédie de moeurs assez légère, avec cruauté et férocité parfois, magnifiée surtout dans ses bons dialogues par deux cadors du cinéma français, Luchini et Viard, éblouissants!Oui la scène du taxi après le resto, très drôle!!!
    On a du bon cinéma français finalement depuis le début d'année!

  • loreal : 120 euros, merci. J'suis non conventionnée.

    georges : y'a toujours eu du bon en France, suffit de bien regarder.
    Mais là, c'est du haut de gamme.

  • Très bon film, avec des acteurs talentueux (Fabrice Lucchini et Karine Viard forment un "couple" formidable !). J'ai passé un excellent moment.

  • J'ai moi aussi bien aimé le film. Surtout sa première partie, bourrée de répliques et de situations savoureuses. Après justement j'aurais aimé que la réalisatrice prenne un peu plus position sur un tel sujet. Et tu as raison, les acteurs sont formidables.

  • Je suis à peu près d'accord avec toi à 1000% et en plus Luchini ne déclame pas une seule ligne de Voyage au bout de la nuit. Il est parfait; tous les acteurs sont parfaits. ELle fait du bien au cinéma français Anne Le Ny. Déjà en tant qu'actrice, mais encore plus derrière une caméra!

  • Ce film est un sans faute.

  • Deux ans et demie après, je viens d'adorer.

  • Normal, Anne Le Ny fait un cinéma hyper sensible et Fabrice et Karine sont grands ici.

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