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LIFE d'Anton Corbijn ***

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1954, James Dean a terminé le tournage d'à l'Est d'Eden d'Elia Kazan et il se traîne de plus ou moins bonne grâce aux soirées mondaines où se presse le tout Hollywood. Nicholas Ray quant à lui, ne s'est pas encore définitivement arrêté sur le choix de son acteur principal pour Rebel without a cause (La fureur de vivre en frenchie).

Accoudé au bar, devant une bière allemande, James Dean croise l'objectif de Dennis Stock un photographe du même âge. Lassé d'être cantonné depuis trop longtemps à immortaliser tapis rouges et cocktails en tous genres où s'entassent stars et starlettes, le jeune homme entame la conversation avec l'acteur. Instantanément les deux jeunes hommes se comprennent et sympathisent. Dennis perçoit chez Jimmy une photogénie qu'il aimerait glorifier et éterniser, mais différemment des clichés classiques. Malgré leur amitié naissante, James Dean n'est pas un sujet facile à apprivoiser.

 

La tendance actuelle dans les biopics, est de ne traiter qu'une partie, la plus représentative possible de la vie ou la carrière d'une star. Ici, on a beau entendre, de la bouche même du réalisateur lui-même, que le vrai sujet du film est le photographe, je dois bien reconnaître que je n'avais que faire des relations conflictuelles de Dennis Stock avec son épouse et encore moins du fait que père beaucoup trop tôt, il était particulièrement inapte à cette tache au point de vomir (même accidentellement) sur le pauvre gamin. La partie famille/couple, "tu n'es qu'un pauvre type" est donc la partie faible et superflue du film, et dans ces moments là, je me murmurais à moi-même "revenons-en au sujet".

 

Il n'en demeure pas moins qu'on peut faire un parallèle entre la carrière des deux garçons, tous deux dépendants de leurs supérieurs hiérarchiques, le directeur de l'agence Magnum pour Stock, le puissant et tyrannique Jack Warner pour Dean. Les acteurs étaient à l'époque sous contrat avec les studios souverains tel que la Warner Bros. Et James Dean qui marmonnait lors des interviews, disait tout haut ce que tout le monde pensait tout bas, répondait agacé aux questions banales des journalistes, ne se comportait pas docilement aux soirées... a vite compris que son désir de gloire et de reconnaissance se heurterait fatalement et abondamment au despote Warner. Cette partie est vraiment intéressante et le conflit latent entre le patron exigeant voire abusif et l'acteur insubordonné qui n'est encore "rien" puisque son premier film n'a encore été montré qu'à la presse, a dû être une réelle souffrance pour James Dean.

 

Sa façon de "balader" le photographe, de ne pas lui accorder la séance photos qu'il souhaite sans vraiment lui dire s'il l'accepte ou pas, démontre que la future star avait déjà un comportement de diva ou simplement qu'il ne comprenait réellement pas comment on pouvait avoir envie de le photographier dans des situations de la vie courante.

 

Le réalisateur capte de beaux moments entre les deux hommes où leur attirance réciproque voire peut-être la fascination de l'un pour l'autre est évidente. Leur séjour à Fairmount dans l'Indiana là où James Dean a passé son enfance chez son oncle et sa tante (sa mère est morte quand il avait neuf ans, son père ne s'est pas occupé de lui) nous éclaire sur la simplicité de la future icône d'une jeunesse rebelle, son attachement profond à sa famille, sa disponibilité pour les jeunes gens de ce trou perdu lorsqu'il accepte de se rendre au bal de fin d'année du lycée où il a étudié.

 

Le film a le bon effet que j'aime. Une certaine frustration pas réellement explicable en sortant de la salle et peu à peu la sensation qu'il ne vous quitte pas pendant plusieurs jours. On se demande ce que serait devenu James Dean mort avant la sortie de ses trois uniques films dont deux où il cherchait désespérément l'amour de son père. Peu de doute qu'il ne se serait pas plié aisément aux diktats hollywoodiens et qu'il aurait été une star hors du commun. Hélas, il ne reste que l'interprète de trois films et au sommet d'un statut d'icône indétrônable 60 ans après sa mort. Unique non ?

 

Surprenant qu'Anton Corbijn, connu pour ses photographies en noir et blanc, réalisateur du sublime Control (également en noir et blanc) ait choisi la couleur pour son film qui évoque l'élaboration de séances de photos mythiques en noir et blanc. Mais que des artistes ne soient pas là où on les attend ne peut qu'être séduisant. Néanmoins les couleurs et la lumière ici sont superbes.

 

Pour ses interprètes le réalisateur réussit un sans faute. Il choisit dans le rôle du photographe que personne ne connaît, Robert Pattinson, star planétaire qui ne peut plus lever le petit doigt sans qu'une meute soit à l'affût, et qui a l'intelligence de se mettre totalement en retrait derrière son objectif et son partenaire. Et pour être la star, il offre James Dean sur un plateau à un jeune acteur que j'avais repéré dès sa première apparition parce qu'il crevait l'écran dans un film très intéressant. Dane DeHaan ne se contente pas de partager avec James Dean des cernes insensés, de mimer sa démarche tête rentrée dans les épaules et le bougonnage mâchouillé de sa diction, il est aussi mystérieux, triste voire dépressif, asocial, enfant gâté et petit garçon perdu tel qu'on peut imaginer son modèle.

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