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LE REDOUTABLE

de Michel Hazanavicius ***

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Avec Louis Garrel, Stacy Martin, Bérénice Bejo

Synopsis : Paris 1967. Jean-Luc Godard, le cinéaste le plus en vue de sa génération, tourne La Chinoise avec la femme qu'il aime, Anne Wiazemsky, de 20 ans sa cadette. Ils sont heureux, amoureux, séduisants, ils se marient. Mais la réception du film à sa sortie enclenche chez Jean-Luc une remise en question profonde.

Mai 68 va amplifier le processus, et la crise que traverse Jean-Luc va le transformer profondément passant de cinéaste star en artiste maoiste hors système aussi incompris qu'incompréhensible.

JLG est un être humainement odieux. Je ne lui pardonnerai jamais ce qu'il a fait endurer à un être de lumière. Mais il est responsable d'au moins trois chefs-d'oeuvres, qu'il renie amèrement car JLG est bête. En ce qui me concerne, A bout de souffle, Le Mépris et par dessus tout Pierrot le Fou sont des films dont je n'ai jamais fini de faire le tour, dont je ne me lasse pas, dont certaines scènes, certaines répliques "m'apparaissent" parfois à l'esprit sans que je les convoque. Des incontournables, indépassables que leur auteur, impossible misanthrope, répudie. Tant pis pour lui. Les spectateurs, qu'il méprise autant que les acteurs et que l'univers tout entier continuent de regarder ses films à genoux. Depuis il a commis des machins qui me sont totalement hermétiques et j'ai renoncé. Le réalisateur préfère faire des films marabout'd'ficelle et nous laisser sur le carreau devant ces bidules abscons, faits de collages sonores et d'aphorismes pompeux plutôt que nous raconter des histoires comme il savait si bien le faire.

A l'époque, en 68, il y avait un artiste et sa muse. De 20 ans sa cadette il l'épouse et elle se vante d'avoir la chance d'admirer l'homme qu'elle aime. Le film adopte le point de vue de la jeune femme d'alors. On peut trouver le procédé douteux mais on ne doute pas que  cet homme aurait pu ratatiner cette gamine qui accepte tout, les humiliations, les caprices, la jalousie, les coups de gueule jusqu'à ce qu'elle n'en puisse plus. Pourtant en cette année de révolution, JGL croit que l'ambiance est bonne dans les manifs. Il se bat contre tout, le Vietnam, le Mur de Berlin, le Soudan, les palestiniens... Il hante les amphis atteints de réunionite aiguë et profère de grosses âneries, s'emmêle les pinceaux dans ses propres formules choc : "les juifs d'hier sont les nazis d'aujourd'hui"... non "Les juifs d'aujourd'hui sont les nazis d'hier"... non, "les nazis d'aujourd'hui sont les juifs d'hier"... Bref, Michel Hazanavicius choisit la farce pour évoquer son idole. On sent qu'il se prosterne sincèrement devant son aîné mais n'hésite pas à écorner l'icône. Et après tout on s'en fiche un peu de savoir si c'est vrai ou pas. Le personnage de JLG dans ce film est un homme abject avec absolument tout le monde. Même le "fan" sincère qui vient déclarer son admiration n'obtient que railleries et sarcasmes. Tout et tout le monde l'exaspèrent, mais il possède cet humour irrésistible propre au cynique.

Le portrait peut paraître cruel, parfois même ridicule, mais le réalisateur choisit  d'utiliser la farce pour dépeindre un être qui portait la mauvaise foi, la prétention  à des sommets inatteignables. Il peut paraître irrévérencieux tant le personnage ici est odieux. Mais il le rend aussi infiniment touchant car on imagine qu'un tel homme ne peut que finir seul à force de faire le vide autour de lui. JLG se considère comme un incompris mais ses méthodes pour se faire comprendre l'isolent chaque jour un peu plus. Il ne cède jamais rien à ses certitudes et convictions et se comporte comme un tyran avec tout son entourage. Même son admirable jeune épouse finit par perdre patience.

Imaginez Louis Garrel en JLG est aussi évident que Tahar Rahim en star comique qui remplit les Zénith, mais l'acteur qui disparaît totalement derrière les lunettes (excellent running gag) et le zozotement s'empare de son rôle avec une gourmandise et un aplomb peu communs. Quant au réalisateur il emprunte à son modèle les manières de filmer. On trouve de nombreux plans  qui semblent tout droits sortis d'un film de Godard, le plus évident étant celui du pince-fesses chez les intellos où l'on se croirait dans Pierrot le Fou. Mais aussi des textes et formules godardiennes rédigés sur les mur. Certains moments plus "gratuits" peut-être, comme l'évocation de l'inutilité des scènes de nus dans les films (hilarante), la tirade face caméra de Garrel/Godard proférant "je hais les acteurs... je suis sûr que si on demande à un acteur de dire que les acteurs sont cons, il le fait" hissent le film à des sommets de drôlerie. Peut-être que Godard est un petit rigolo en fait.

En tout cas, Louis Garrel est formidable, étonnant, infiniment drôle et terriblement pathétique.

Ainsi va la vie à bord du Redoutable...

Commentaires

  • Oh tu me donnes envie de le voir,je suis perplexe.Pourtant rien dans ce personnage ne m'attire à la base ... !

  • Louis Garrel le rend grandiose. C'est très drôle. Cours y vite !

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