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UNE AFFAIRE DE FAMILLE

de Hirokazu Kore-Eda ****(*)

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Avec Lily Franky, Sakura Andô, Mayu Matsuoka

Par une soirée glaciale de février Osamu et son fils rentrent de leur séance de chapardage en magasin et découvrent en route une petite fille seule, frigorifiée et affamée. Ils l'emmènent chez eux où vivent également une jeune femme, une grand-mère et une ado.

D'abord réticents, les membres de la famille acceptent de nourrir la petite à condition de la ramener chez elle ensuite. C'est alors qu'ils comprennent en entendant des cris qui proviennent de l'appartement où elle vit et en découvrant les bleus et les brûlures sur les bras de la petite, qu'elle est une enfant battue. Ils décident de la garder. La petite est ravie. 

Je le répète à nouveau mais dès Nobody Knows, ce réalisateur m'a grandement remuée avec l'histoire de ces 4 enfants abandonnés par une mère infantile et inconsciente. Depuis, excepté avec son renversant Air Doll très fantastique, il ne cesse de raconter la famille dans tous ses drôles d'états, sans jamais se répéter mais en conservant cette douceur et cette élégance qui sont un peu sa marque. Il évoquait le deuil dans Still Walking et nous intimait doucement de ne pas passer à côté des vivants en pleurant trop les morts. Dans I wish (nos vœux secrets), deux frères séparés par leurs parents divorcés tentaient tout pour être à nouveau réunis. Tel père, tel fils était une sorte de La vie est un long fleuve tranquille tokyoïte où deux bébés ont été échangés à la naissance, Notre Petite sœur l'histoire d'amour fusionnel de 4 sœurs et Après la Tempête, le portrait d'un père et d'un mari démissionnaires qui se rêve écrivain.

Cette Histoire de famille me semble être son film le plus accessible. Une Palme d'Or, grandement méritée, douce calme et douloureuse à la fois. Hirokazu pose une fois encore cette question fondamentale pour lui : qu'est-ce qu'une famille ? Les trois quarts du film y répondent. C'est, ce ne peut être que ce qu'on voit à l'écran. 

Ici : une pagaïe indescriptible dans un quasi taudis qui s'ouvre sur une minuscule cour fermée, elle aussi encombrée et malgré tout au cœur de ce foutoir sans nom, le bonheur ou quelque chose qui y ressemble. Dans un capharnaüm indescriptible fait de papiers, de plastique, de vêtements, six personnes entassées vivent dans une harmonie qu'on a du mal à imaginer tant il faut ramper, déplacer mille choses pour aller d'un endroit à un autre, atteindre son lit par exemple ; mais les images parlent d'elles-mêmes. Ces gens-là sont pauvres mais serrés les uns contre les autres, avec beaucoup de tendresse et un humour fou, ils vont bien. En dépit de tout ce qu'ils font, souvent hors normes, souvent hors la loi. Et on s'y attache, fort.

Le père et la mère travaillent mais là-bas comme ailleurs deux maigres salaires ne suffisent pas à nourrir tout le monde. La grand-mère escroque les services sociaux en ne déclarant pas qu'elle abrite 5 personnes qui se cachent lorsqu'un fonctionnaire lui rend visite. Le jeune garçon ne va pas à l'école car "l'école c'est pour ceux qui ne peuvent pas apprendre chez eux", l'ado travaille en tenue d'écolière dans un peep-show aussi naturellement que si elle était vendeuse ou caissière. La petite a-t-elle été kidnappée ? "Ben non, puisqu'on ne demande pas de rançon". Est-ce que voler dans les magasins c'est mal ? "Absolument pas si l'épicerie n'est pas en faillite". Voilà, cette drôle de famille, étrangement composée a sa propre morale, sa réponse aux questions qu'elle se pose parfois. La pauvreté, les difficultés sont compensées par l'attention, la tendresse que chacun porte à l'autre. La jeune ado dort chaque nuit blottie contre sa grand-mère, la jeune femme explique à la petite enfant battue que si sa mère lui a laissé croire qu'elle la battait pour son bien, c'est faux. Quand on aime les gens, on fait comme ça... et elle la serre tout contre elle. Des évidences pour se tenir chaud, se réconforter, tenir bon, prendre soin les uns des autres, s'aimer tout simplement.

L'art du cinéaste est de croquer le portrait sensible de chacun des personnages à la perfection, sans en oublier ou délaisser aucun. De la plus jeune à la plus âgée, chacun trouve sa place dans l'histoire, chacun est un maillon essentiel. Aucun n'est mis en retrait ou négliger. La maîtrise avec laquelle il parvient par ailleurs à filmer cette affaire dans l'espace confiné de cet appartement étroit est un autre savoir-faire du réalisateur qui démontre en plus un art de la direction d'acteurs étonnant. A noter également la toute première scène de sexe chez Hirokazu au cœur d'un été caniculaire.

Mais il va encore plus loin et oppose à ce quotidien solaire, la dureté, la violence de l'ordre social qui finira par intervenir, car tout ce qu'on voit et suppose finit peu à peu par révéler une toute autre réalité qui là encore peut mettre KO à mesure que s'installe une sorte de suspense qu'on n'a pas vu arriver...

La fin est-elle synonyme d'espoir ou un désastre irrémédiable pour cette "famille" associale, amorale ? Je n'ai pas encore réussi à trancher. Mais j'ai trouvé ce film merveilleux.

N.B. : ne voyez pas ce film le ventre creux. Les personnages mangent 90 % du temps.

Commentaires

  • Coucou,
    un bon film pour Noël ♥
    Tu me donnes vraiment envie de le découvrir de cet auteur j'ai vu "Tel père, tel fils" que j'ai apprécié.
    Bisous

  • Je t'invite même à TOUT découvrir de ce réalisateur.
    Bonne soirée.

  • C'est vrai, ils mangent tout le temps ! Un film très touchant et formidablement construit.

  • C'est une constante dans les films asiatiques je trouve. Ils mangent souvent :-)

  • Je l'ai vu le ventre vide...
    Beaucoup aimé! Comme tous les autres films (tel père tel fils, still walking)
    Les enfants m'ont beaucoup émue, en particulier le sort de la petite fille!
    Très bon film, très bon scénario et le jeu des jeunes acteurs du bien filmés!!

  • Oui c'est très fort très émouvant et très bien interprété.

  • Mais c'est pour ça que j'avais aussi faim !! Je n'avais pas eu aussi faim depuis longtemps, c'est ce que j'ai dis à Arthur en sortant, je n'ai pas pu attendre d'être à la maison. J'aime ta critique, elle transmets ce que j'ai ressenti. Pour moi c'est le 4ème de ce réal, et à hauteur de Tel père tel fils. Il faudrait que je vois les autres ( je crois qu'il y en a 13§)
    Belle journée !

  • Oui mais toi tu as TOUJOURS faim. Là ça devait être infernal.
    13 ? Je n'ai donc pas tout vu.
    Essaie Nobody knows (prépare tes mouchoirs) et Air Doll.
    Belle journée à toi aussi.

  • Finalement, j'ai vu "Astérix" lundi et "Une affaire de famille" hier. J'ai aimé, je ne me suis pas du tout ennuyée, l'évolution de l'histoire est bien fichue, par contre je n'ai pas tout compris au fil des révélations. Qui est qui, et quels sont les liens réels entre "la famille". Les deux gamins c'est clair, pour le reste, je ne suis pas sûre d'avoir saisi toutes les implications. En tout cas, c'est plutôt original comme histoire et drôlement bien joué.

  • Ils n'ont aucun lien familial les uns avec les autres. Ils se sont recueillis mutuellement au fil du temps.
    L'homme a aidé la femme à enterrer son ami.
    Ça a du être gênant de ne pas comprendre.

  • J'ai bien cru comprendre que le couple n'avait pas de lien avec la vieille dame. Mais à un moment donné, la jeune fille découvre que ses parents payaient pour elle, alors qui étaient donc ses parents ? Etait-ce le couple chez qui la vieille dame se rend un moment donné et où elle repart avec de l'argent ? Ou ça n'a rien à voir. En fait, sur le coup j'ai apprécié beaucoup de scènes très tendres sans trop chercher midi à 14 heures. C'est en sortant que je me suis sentie déboussolée. J'ai trouvé très touchant qu'à la fin, la femme donne des éléments au petit garçon .. dont il fera ce qu'il voudra. Par contre, j'ai eu mal au coeur pour la petite fille, retournée chez sa mère biologique.

  • La vieille dame a été mariée avec le grand-père (biologique) de l'ado... Il y a des photos d'elle chez le fils (qui est donc le beau-fils de la vieille dame). Mais le fils ne s' occupe plus de sa fille. Il fait croire qu'elle est allée faire des études à l'étranger. Soit il ne sait pas qu'elle vit avec la vieille dame qu'elle considère comme sa grand-mère, soit elle exerce une sorte de chantage : tu me donnes de l'argent et je ne te dénonce pas de ne plus t'occuper de ta fille mineure qui travaille dans un peep show... On comprend quand elle sort de chez lui qu'elle y va régulièrement.
    J'ai essayé d'être claire :-)

    Oui c'est beau la fin pour le garçon (qui a donc été enlevé) mais pour la petite c'est une tragédie. Son idiote de mère se venge sur elle de l'échec de son couple minable.

  • Aki est bien la fille aînée du beau-fils de la grand-mère. Sur la photographie, c'est le même visage et il y a l'histoire du prénom. Mais, comme on est au Japon, le poids des convenances est énorme. Alors que, dans la scène, tous les personnages savent que la grand-mère a saisi un prétexte pour venir chercher de l'argent, on fait semblant de ne pas comprendre. L'enveloppe est déjà prête et, quand elle compte les billets (une fois sortie), la grand-mère réalise que c'est la même somme que d'habitude.

  • Oui c'est ça. Très bien expliqué. Que d'hypocrisies !!! Le summum étant la photo de la petite et l'explication : elle est partie faire ses études en Australie !

  • J'avais compris que c'était le beau-fils de la vieille dame, mais j'étais nettement moins sûre pour l'histoire de la fille aînée, c'était flou. En fait j'aimerais le revoir une deuxième fois ce film pour bien assimiler les détails. Je crois que je m'offrirai le DVD à sa sortie.

  • Je suis d'accord, il faut s'accrocher. Je le reverrais bien aussi.

  • Tu en parles bien. J'ai beaucoup aimé également ce film qui est une sorte de synthèse de l'oeuvre de Kore-eda. La fin est vraiment bouleversante (le "p..." murmuré dans le bus...). Et j'interprète le dernier plan de manière pessimiste.

  • Merci.
    Oui je crois que la fin n'est pas réjouissante.
    Même le mot enfin prononcé... et pas entendu par son destinataire est triste finalement.
    Il est fort ce Kore Eda.
    Et je suis d'accord c'est une synthèse et le film le plus accessible de ces films.

  • C'est brillant, mais c'est long. On retrouve bien des thèmes chers au coeur du réalisateur, ainsi que certains de ses acteurs fétiches. Mais, durant la première heure, j'ai trouvé le trait trop appuyé. C'est quand même assez manichéen. Heureusement qu'il y a ces secrets et leur progressif dévoilement, qui donnent au film toute sa puissance.

  • Je trouve qu'ils sont tellement déconnectés et agissent pour survivre qu'ils ne m'apparaissent pas comme les gentils de l'histoire. Du coup le côté manichéen ne m'est pas apparu. Et même si les acteurs sociaux paraissent durs (les méchants), je trouve qu'ils font du bon boulot, même si évidemment on n'a pas envie qu'ils soient séparés ni surtout que la petite retourne chez ses parents. Et je ne me suis pas ennuyée un instant.

  • Memeb si la partie qui commence avec la chute du jeune garçon, son hospitalisation et les différents interrogatoires me paraît moins réussie que la 1ere heure du film. J ai etr agréablement surpris par ce film. Je trouve les deux enfants superbes et aussi la grand mère ( J ai vu qu elle était morte à la fin de l'été...). La fin me laisse vraiment sur ma faim, paradoxale pour un film ou on mange autant.....

  • Oui l'actrice fétiche du réalisateur est morte ;-('
    Je comprends parfaitement tes réserves mais au final le film est largement au dessus du lot.
    Et l'interprétation qui peut parfois être... problématique dans les films asiatiques je trouve, est vraiment magnifique. Notamment les enfants.

  • Je n'aurais dit mieux face à une telle expertise de l'œuvre de Kore-eda. Je vais juste reprendre une croquette et quelques nouilles froides dès que le moment se présentera.

  • Coucou,
    oui j'ai oublié de te dire que j'ai vu Une affaire de famille et que j'ai beaucoup aimé ♥
    Les enfants sont si touchants et cette famille qui s'invente est une merveille.
    Par contre ça ne m'a pas donné faim ... des nouilles froides et des textures étonnantes...
    Merci pour me donner toujours de bonnes idées ciné.
    Bisous

  • Oui c'est une famille étonnante.
    Ah moi j'ai toujours faim quand je vois un film asiatique. On ne mange jamais dans les films occidentaux :-)
    Ravie que tu partages mes goûts.

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