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SOIRÉE VAMPIRESQUE

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Ce soir, je vous encourage vivement à lâcher votre série en cours et vous brancher sur Arte qui, dès 20 h 55 nous a concocté une soirée de rêve. Deux films exceptionnels qu'il faut avoir vus. Vous retrouverez mon avis sur chacun d'entre eux ci-dessous.

Bonne soirée.

LA COMTESSE de Julie Delpy ****

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Au XVIIème siècle, Erzsébet Bathory est une comtesse hongroise tellement riche et puissante qu'elle impose même ses vues au roi dans sa lutte contre les turcs. La légende veut que cette femme qui a réellement existé, ait assassiné plusieurs centaines de jeunes filles vierges car elle était persuadée que leur sang préservait sa peau de la vieillesse.

Avant d'en arriver à ces extrémités inhumaines et sanglantes, elle était déjà une femme autoritaire redoutée de tous. Un jour, alors qu'elle est veuve et qu'elle assiste à un bal, elle est victime d'un coup de foudre (réciproque) pour le bel Istvan Thurzo, de presque 20 ans son cadet. Leur liaison passionnée n'est pas du goût du père du jeune homme qui souhaitait épouser la comtesse pour mettre la main sur son immense fortune. Il va intercepter les lettres des amants, les empêcher de se revoir, maintenir son fils enfermé. Délaissée, désespérée et sans nouvelle, Erzsébet est persuadée qu'elle a été abandonnée par Itsvan à cause de la différence d'âge. Elle se laisse mourir doucement jusqu'à ce qu'elle frappe et blesse une de ses servantes qui lui a brossé trop vigoureusement les cheveux. Quelques gouttes de sang l'atteignent et sans doute à la faveur d'un éclairage favorable, elle s'entête à croire que le sang de la jeune fille lui donne plus d'éclat. C'est alors, qu'aidée par son entourage tellement terrorisé qu'il n'ose la contredire, elle va littéralement "saigner" de jeunes vierges pour s'emparer de leur sang.

Malgré la cruauté sanguinaire du personnage et ses possibles connexions avec l'histoire du Comte Dracula, Julie Delpy ne fait pas de son film une sombre et "simple" affaire de vampires, de sorcellerie ou de magie noire. Et pourtant, sa confidente, amie et parfois amante Darvulia, un peu médecin, un peu sorcière lui prépare des onguents pour se soigner et entretenir sa peau. La réalisatrice évite de s'apesantir sur les scènes de torture. Elle préfère au film d'horreur, s'attarder avec finesse et profondeur sur deux thèmes beaucoup plus passionnants, l'amour unique et éternel qu'on n'attend pas ou plus, qui survient sans crier gare et la peur, le refus de vieillir d'une femme encore jeune, encore belle mais qui fait obstinément mentir son miroir. Ce dernier thème étant tout à fait moderne et actuel d'ailleurs. S'y ajoute encore une espèce de sombre et machiavélique complot politique ourdi par le père de l'amoureux pour hériter de la fortune.

Julie Delpy, artiste dans tous les sens du terme, signe une oeuvre véritable, complète, complexe, riche et profonde. Non seulement réalisatrice, actrice, scénariste, elle compose également la musique de son film. Et tout est réussi. Je crois que Julie Delpy, je l'aime d'amour. D'abord, elle est d'une beauté absolument éblouissante et pas ordinaire ce qui n'est évidemment pas suffisant mais ni négligeable ni désagréable. Malgré l'ambiance angoissante et l'horreur accablante des actes commis, elle fait de son héroïne une amoureuse éperdue que l'abandon et la solitude font constamment approcher la folie sans l'y faire sombrer tout à fait.

En quelques scènes vraiment adroites et sans excès elle nous démontre comment l'enfance d'Erzsébet lui a été confisquée par une mère implacable qui souhaitait l'endurcir à tout, la faisant assister à des exécutions à mort et l'obligeant à se marier très très jeune à un homme, un guerrier rustre mais riche, qu'évidemment elle n'aime pas. Devenue veuve, elle reprend les activités belliqueuses de son mari en levant et finançant des armées pour le roi. Elle fait montre d'une audace toute "masculine", d'un humour et d'une modernité totalement inédits pour l'époque. Un dîner absolument savoureux donne d'ailleurs toute la mesure de son sang froid, de sa modernité et de son originalité.

C'est d'autant plus inconcevable de voir cette femme d'une force et d'une autorité absolues s'effondrer et dépérir d'amour pour un jeune homme plutôt falot qu'elle idéalise au-delà de toute mesure. Mais les moments où elle compare sa jeunesse à la sienne, ou elle semble tester la douceur de sa peau et la sienne, où elle a un mouvement de dégoût et d'affolement en voyant ses mains qui sont les pires traîtresses pour témoigner de l'âge, sont absolument troublants et pathétiques.

Julie Delpy est sublime dans le rôle et son film est un choc.

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ONLY LOVERS LEFT ALIVE de Jim Jarmush *****

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Eve et Adam... oui, Adam et Eve, s'aiment depuis des siècles. Ils sont toujours jeunes et beaux. Plutôt intemporels, sans âge et éternels. C'est normal ce sont des vampires.

Mais Eve est à Tanger et Adam à Detroit. Adam déprime fort, alors Eve rentre dare dare à Detroit. Leurs retrouvailles sont tellement fébriles et passionnées qu'on se demande pourquoi ils se séparent un instant. Complémentaires l'un de l'autre, indispensables l'un à l'autre, ils sont intriqués, littéralement, selon le phénomène einsteinien de l'intrication quantique, cet état selon lequel, et selon Einstein qu'Adam a rencontré, deux objets ne peuvent être séparés l'un de l'autre, bien qu'ils puissent l'être spatialement. Adam et Eve prennent soin l'un de l'autre, veillent l'un sur l'autre. Et c'est d'une beauté foudroyante, cet amour hors d'âge, exceptionnel et évident. Cette compréhension mutuelle sans avoir besoin de mots superflus, cette confiance, cette "foi" en l'autre. Le grain de sable dans cette réalité toute tracée, presque sans aspérités, viendra de l'extérieur, de la sœur de Eve, vampirette qui traîne avec elle toute la panoplie exaspérante de l'ado ordinaire.

L'autre problème, que nous humains mortels avons tendance à ne pas considérer, est la difficulté de plus en plus vive pour les vampires à se procurer du sang non contaminé en ce XXIème siècle décadent. Ainsi Eve se fournit-elle en merveille (du sang français) à Tanger, auprès de son ami Christopher Marlowe, contemporain de Shakespeare, à qui il aurait soufflé Hamlet. Tandis qu'à Detroit un médecin corrompu approvisionne Adam en précieux O négatif !

Après le très décevant, très limité et très raté, (n'ayons pas peur des mots) Limits of control, (j'étais en forme quand j'ai écrit à propos de Limits of control...) l'histoire d'un type qui faisait du taï chi, bouffait un papier et allait au musée... Jim Jarmush dans une forme créative hors du commun, même si le moral ne doit pas être au top, nous fait le cadeau d'un film devant lequel on a envie de se mettre à genoux. Avec une seule idée dès que la dernière note du générique retentit, et vous poursuit dans la rue, entêtante, enivrante, revoir ce film, revoir ces amants magnifiques.

D'ailleurs Adam est musicien. Il vit entouré d'instruments précieux et a fait de sa maison un capharnaüm où seuls l'amour et la musique ont droit de cité. "J'aime ce que tu as fait de cet endroit" dira Eve en rentrant de Tanger. Et quand les deux amants ne dorment pas, ne lisent pas (à une vitesse époustouflante) ou ne composent pas, ils font des balades, nocturnes forcément, dans un Detroit désincarné, ville fantomatique, désolante et désolée en accord avec l'humeur romantico-suicidaire d'Adam. Il affiche un mépris  profond et certain pour les zombies (les êtres humains) décevants et dégénérés. Ce qu'ils font du monde le désespère. Et Eve énigmatique, plus éthérée mais infatigable le ramène toujours à la réalité de leur amour.

Le réalisateur rend chaque regard, chaque étreinte des deux amants éternels, époux immortels qui ont déjà trois fois renouvelés les vœux de leur union sacrée, unique, incomparable. Et pour cela n'alourdit pas son œuvre d'assommantes et ridicules scènes de sexe. Il suffit de constater la douce hébétude des deux amants, le désordre des draps pour comprendre que ce qui vient de se passer entre eux est au-delà des mots et des images donc.

On a envie de remercier Jim Jarmush pour cette splendeur élégante. Enfin, un film, un vrai qui donne du rêve, fait voyager l'imagination, captive l'attention, ouvre sur le spirituel, l'impalpable et néanmoins le romanesque. Evidemment ces vampires, à l'opposé des humains, sont cultivés, raffinés, délicats, élégants, distingués, s'expriment avec calme (la plupart du temps) et bon sens et on peut y voir de la part du réalisateur un dédain affiché pour son semblable. Et alors ? Difficile de lui donner tort de considérer ce semblable comme vulgaire et bas de plafond. Et il nous donne à rêver un monde peuplé de vampires aussi aimables.

Et drôles aussi, mais toujours avec distinction. Lorsqu'Eve présente une nouveauté culinaire : le sang congelé sur bâtonnet ou lorsqu'Adam reconnaît avoir composé et offert à Schubert une de ses sonates... 

Chaque film de Jarmush est l'occasion pour lui de nous donner à écouter  et à découvrir sa play-list toujours composée de musiques inédites, industrielles, expérimentales. Ici, plus que jamais il se fait plaisir en faisant de son Adam un musicien passionné à travers les siècles. Et la musique aérienne, subtile, sublime est le troisième personnage du film.

Le choix des deux acteurs principaux de cette grande et magnifique histoire d'amour est un coup de génie. Aristocratiques, élégants, gracieux l'un et l'autre, Tilda Swinton (sublime lorsqu'elle déambule aérienne dans le dédale des ruelles de Tanger) et Tom Hiddleston (ténébreux, fragile, inconsolable) avec leur look de rockers underground sont Adam et Eve à jamais.

Affolants.

Commentaires

  • Ma série en cours, c'est Euphoria... C'est donc pas facile à lâcher, comme ça. Il ne suffit pas d'un post sur un blog pour stopper net cette avancée... ;-)

    La comtesse, ça ne me parle pas du tout... C'est vieux ?
    Par contre, je confirme pour Jarmusch, l'un de mes préférés du réalisateur et d'une manière encore plus générale de mes films...

  • Jamais entendu parler de cette série.
    La Comtesse n'est pas si vieille mais 2009 quand même. Ça passe.
    J'attends ton avis.
    Et ce Jarmusch...cœur coeur coeur.

  • Pas énormément de temps en ce moment, mais je vais essayer de voir "La comtesse" en replay. 100% d'accord avec toi pour les cinq étoiles attribuées à "Only lovers left alive" (qui est peut-être mon Jarmusch préféré, devant "Ghost dog").

  • Ah ces hommes débordés !
    La Comtesse est à voir.
    Et les amoureux éternels n'ont rien perdu de leur pouvoir attractif.

  • Je vois que tu as la passion Julie Delpy ! J'ai vu cette Comtesse en salle (de torture... non, j'déconne), pas revu depuis. J'avais aimé sans être emballé, mais je reconnais que l'approche de cette draculette change de la version gothiquo-érotique produite par la Hammer (recommandable nonobstant, l'occasion de déposer quelques fleurs sur la tombe d'Ingrid Pitt).
    Quant aux Lovers des nuits blanches, tu sais tout le bien que je pense de ces dandys hémophiles et raffinés qui hantent les nuits de Detroit avant de passer l'été à Tanger. Du Jarmusch pur sang.
    Et J'aime aussi beaucoup "Limits of Control", et je sens que je vais aussi beaucoup aimer lire ta critique. :-)

  • Oui je suis Julie addict. Pis je l'ai rencontrée en vrai (dans une autre vie) et c'est un amour de fille.
    http://www.surlarouteducinema.com/archive/2013/06/24/before-midnight-de-richard-linklater.html

    Oh Ingrid, c'est la Heidi de Quand les aigles attaquent. Je trouvais que ce goujat de Richard Burton ne la traitait pas très bien, mais elle avait l'air d'apprécier.

    J'ai adoré revoir la Comtesse et le très dépressif Only lovers left alive. Plus romantique tu meurs.
    Les deux n'ont rien perdu de l'effet provoqué à la première vision.

    J'espère que tu as lu mon avis sur Limits... mais hautetfort ferme les commentaires au bout de six mois. Je n'y peux rien.

  • J'ai lu et j'ai ri comme devant le Palmashow.

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