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NOS FRANGINS

de Rachid Bouchareb ***

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Avec Raphaël Personnaz, Reda Kateb, Lyna Khoudry, Samir Guesmi, Bernard Blancan

En cet automne 1986, les étudiants sont en colère. Ils descendent et manifestent dans la rue. Le projet de loi Devaquet prévoit de sélectionner les étudiants à l'entrée des universités et de mettre ces dernières en concurrence.

Charles Pasqua est très énervé aussi. Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, pour réprimer une énième manifestation il envoie les brigades mobiles (les voltigeurs) de Robert Pandraud, Ministre délégué à la sécurité pour remettre de l'ordre dans les rues de Paris. Ces unités sont composées de deux policiers montés sur une petite moto. L'un conduit et est censé ne pas descendre de son deux-roues, l'autre est armé d'une matraque et doit "nettoyer" les rues, poursuivre les casseurs.

Malik Oussekine, étudiant dans une université privée n'est pas concerné par les manifs et sort ce soir là d'une boîte de jazz où il se rend régulièrement. Les policiers le prennent en chasse et s'acharnent sur lui. La même nuit, un autre jeune homme s'interpose pour tenter d'arrêter une bagarre. Il est abattu par un policier ivre mort qui n'était pas en service. Il s'agit d'Abdel Benyahia que l'histoire a un peu oublié pour laisser toute la lumière sur Malik Oussekine.

Rachid Bouchared leur rend un vibrant hommage et permet surtout à Abdel d'accéder au devoir de mémoire. Les deux garçons ont en commun leur jeune âge (22 ans pour Malik, 20 pour Abdel) et le fait d'avoir des projets. Mais Malik fait partie d'une famille qui est un modèle d'intégration alors qu'Abdel est issue d'une famille beaucoup plus modeste qui baisse les yeux et courbe le dos.

La police aimerait étouffer ces deux affaires et charge un inspecteur de l'IGS (Inspection générale des services) d'enquêter mais surtout de tout faire pour que les deux meurtres ne fassent pas l'objet d'un amalgame embarrassant. Deux "bavures", des violences policières le même soir sur deux jeunes garçons sans histoire et absolument innocents, cela fait un peu tache. L'inspecteur s'appelle Mattei (comme Bourvil dans Le Cercle rouge) et porte une sorte de pardessus ceinturé (comme Delon dans Le Samourai du même Melvil). C'est peut-être un détail pour vous, mais ça m'a sauté aux yeux et aux oreilles.

Rachid Bouchared utilise de nombreuses images d'archives toutes à charge pour le gouvernement de l'époque avec les virées impressionnantes des bridages mobiles à moto. Le témoignage d'un de ces policiers est saisissant : "on nous chauffe à blanc pendant parfois 12 heures, puis on nous lâche dans les rues avec ordre de nettoyer". Et en apothéose la sortie lamentable de Roger Pandraud : "la mort d'un jeune homme est toujours regrettable, mais je suis père de famille, et si j'avais un fils sous dialyse, je l'empêcherais de faire le con dans la nuit". Ce à quoi l'avocat de la famille de Malik, Georges Kiejman, répondra : "Il est très possible que le jeune Oussekine soit mort alors qu'un garçon en bonne santé aurait pu résister à ces coups. Mais en matière judiciaire ce n'est pas ça la vraie question. La vraie question est : est-ce que sans ces coups Malik Oussekine serait mort ? La réponse est non." No comment.

Vous l'avez compris beaucoup de moments très forts dans ce film qui se place aussi en grande partie du côté des familles stupéfaites d'incompréhension et de chagrin face aux deux martyres d'une violence inconcevable. D'un côté Mohammed le frère de Malik interprété par Reda Kateb lâche sa colère et entend bien qu'on l'écoute et décide d'attaquer l'Etat, de l'autre le père d'Abdel habité par Samir Guesmi pétrifié de douleur et par deux fois au bord de l'évanouissement.

Le titre, est inspiré de la chanson de Renaud "Petite" :

"...Et puis ces déchirures à jamais dans ta peau
Comme autant de blessures et de coups de couteau
Cicatrices profondes pour Malik et Abdel
Pour nos frangins qui tombent..."

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Super reportage :

Commentaires

  • J'ai envie de voir ce film, même s'il n'est pas numéro 1 sur ma liste du moment.
    Numéro 2 si j'ai le temps avant Noël. C'est pas gagné d'avance...

    J'aime aussi la chanson de Renaud. Il était au meilleur de son talent, à cette époque.
    Je viens de la réécouter et de chercher une explication sur William et Michel (qui font la rime avec Malik et Abdel). J'avais zappé qu'elle parlait aussi de Coluche...

  • Qui est le numéro 1 ?
    Oui Renaud c'est du passé. Je l'ai vu à Bobino quand je vivais à Paris, c'était chouette.
    Oui Michel c'est Coluche et William un jeune qui s'est pris une balle dans le dos.

  • J'ai vu ça pour William et Michel.
    Le numéro 1, c'est "Sous les figues", pour trouver un peu de soleil. Mais j'hésite encore...

  • Oula, Sous les figues était au Festival de Macon. Tout est dans le synopsis. Un film LENT et... Bon fais comme tu veux.

  • La jolie musique de Warda rythme au début les sorties de ces brigades mobiles. Qui vont devenir des brigades de mort.
    Belles idees du réalisateur de mettre ces archives de l'époque, surtout les déclarations politiques. Certaines paraissent incroyables....
    Le film permet de remettre dans nos mémoires la mort d Abdel.. Autant Malik, et son histoire, était resté dans nos mémoires. Abdel lui s'était estompé.
    Rachid Bouchareb permet de remédier à cet oubli. Merci a lui et merci à toi Pascale pour cette jolie chronique

  • Oh merci :-)
    Je reconnais n'avoir aucun souvenir d'Abdel et ma mémoire déformée pensait que Malik participait aux manifs, ce qui nexpliquerait en rien sa mort.
    Bouchareb rétablit tout et les images d'archives sont stupéfiantes. Beau film.

  • Le gros soucis c'est que le parallèle entre les deux affaires est bancal, l'une vampirise l'autre, tandis que ces deux affaires ont des tenants et aboutissants si différents que ça crée forcément des amalgames et des raccourcis dommageables. Intéressant mais maladroit

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