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LOVE LIFE

de Kôji Fukada ****(*)

Love Life

Avec Fumino Kimura, Tomorowo Taguchi, Tetta Shimada, Atom Sunada

Depuis le balcon de son petit appartement dans un ensemble de bâtiments tous identiques, Taeko peut apercevoir l'appartement de ses beaux-parents.

Taeko vit avec son mari Jiro et son adorable fils de 6 ans Keita qu'elle a eu d'un précédent mariage. Et Jiro aime cet enfant comme le sien. Ce jour là, il fêtent à la fois la réussite de Keita déjà champion national du jeu Othello* malgré son très jeune âge et les 65 ans du père de Jiro. La fête est quelque peu troublée par l'hostilité du beau-père de Taeko qui ne considère pas Keita comme son "vrai" petit fils et le fait qu'il n'a jamais vraiment considéré Taeko comme sa belle-fille. Il regrette l'ancienne et ne s'en cache pas. Et justement par le plus improbable des hasards, les deux ex, celui de Taeko, celle de Jiro refont surface. Comment ces personnes vont-elles réagir voire cohabiter sans trop souffrir, trahir ou se trahir ? 

Il ne faudrait rien savoir de ce film avant d'entrer en salle (avouez que le synopsis n'est guère engageant), il faut pourtant bien que je vous en parle un peu pour vous encourager à vous rendre au cinéma par cette chaleur !

Comment à partir d'évènements dramatiques, réussir un film aussi doux, aussi surprenant où chaque protagoniste réagit avec son coeur mais aussi avec calme et intelligence (ce que le coeur seul ne permet pas toujours) ? La réponse est dans ce film où même si certains petits mensonges, petites cachotteries, petites trahisons ne sont pas écartés, les personnages sont capables d'empathie, de compassion, de faire tous les efforts du monde pour comprendre l'autre, s'excuser, demander pardon et accepter la demande de pardon mais aussi se soutenir, s'épauler, être là pour l'autre. Et pourtant ces personnages ne sont pas des saints. Ils s'arrangent parfois avec ce qui leur convient le mieux mais c'est justement parce qu'ils ne sont pas immaculés qu'on s'y attache tant. Peut-être.

Le réalisateur japonais Kôji Fukada était présent hier à Nancy dans une salle comble où le silence lors de la projection m'a paru particulièrement impressionnant. Il faut reconnaître qu'il met parfois nos nerfs et nos émotions à rude épreuve. Comment résister tranquillement à ce genre de réplique : "j'ai aidé la femme que j'aime à retrouver l'homme qu'elle aime" ?

Le long échange qui a suivi la projection (interprété avec une qualité exceptionnelle par Léa) était passionnant. Evidemment moi, j'avais juste envie de sauter au cou de Monsieur Fukada pour le remercier de permettre de vivre de tels moments au cinéma, pour ces deux heures suspendues. Deux heures terribles, à la fois douloureuses et douces, que je ne suis pas près d'oublier. Evidemment, je n'en ai rien fait (je n'ai pas agressé Monsieur Fukada). J'ai juste posé une petite question sans grande importance, juste pour qu'il me regarde un instant. Je voulais connaître l'origine du titre.

«Quelle que soit la distance qui nous sépare, rien ne peut m’empêcher de t’aimer» dit une chanson populaire  et le réalisateur est intarissable lorsqu'il évoque cette chanson qui donne son titre au film : "Le titre Love Life vient d'une chanson de l’auteure-compositrice japonaise Akiko Yano (qui fut l'épouse de l'immense Ryūichi Sakamoto). J’ai entendu cette chanson pour la première fois quand j’avais vingt ans, et je n’ai pas cessé de l’écouter depuis. Il y a sept ans, j’ai commencé à écrire ce film. Dans chacun de mes films, j’essaie d’exprimer mes sentiments et convictions sur de grands sujets et de grandes émotions. Dans celui-ci, l’amour et la solitude sont au centre. Pour moi, tout le monde est somme toute seul, en dépit de la famille ou de la religion ou toute autre communauté qui vous entoure. Alors pourquoi ce titre, Love Life ? Parce que je pense qu’on peut connecter sa solitude avec celle de quelqu’un d’autre et nouer une relation fondée sur l’amour. J'ai aussi choisi ce titre parce que j’aime énormément cette chanson". Il m'a cependant dit que chacun pouvait trouver l'explication qui lui convenait. J'ai choisi : une vie d'amour, et après quelques recherches j'ai découvert que le titre du film est ラブライフ que l'on peut traduire par aimer la vie. Cela me va.

Je suis ravie car j'ai vraiment vu un film d'amour, rempli d'amour, quand d'autres ont surtout relevé l'aspect ethnologique (le Japon est un peu une autre planète pour nous) et évidemment cet aspect est passionnant. Car ici, on trouve un mariage mixte (l'ex de Taeko est coréen), des SDF dans les rues, une conversion au catholicisme (pour ne pas finir seule...) et donc des langages différents (le japonais et le coréen). Mais aussi le langage des signes puisque Monsieur Park, l'ex de Taeko est sourd et muet. Cette particularité, outre de mettre au coeur d'un film un personnage porteur de handicaps, isole totalement Taeko et son ex, puisqu'elle est donc la seule à pouvoir le comprendre et communiquer avec lui. Cela donne des scènes remarquables où le mari actuel de Taeko est constamment obligé de demander la "traduction" mais aussi cette scène que j'ai trouvée merveilleuse où Jori tourne le dos à Park et lui parle, parfaitement conscient qu'il ne peut être ni compris, ni entendu.

Et puis au Japon il y a cette menace, cette inquiétude permanente d'être interpelé par son smartphone qui alerte de l'imminence d'un séisme. La réaction de Taeko au moment de la secousse est bouleversante. Qu'est-ce qui, au moment où la terre tremble, où les objets autour de vous, sur les étagères s'écrasent au sol est le plus important, vital ? J'en ai encore des frissons.

Après avoir vu 5 films de ce réalisateur, j'affirme que celui-ci est le plus abouti, le plus beau, le plus bouleversant, le plus accessible aussi. Dans les précédents, Harmonium, Hospitalité, Suis-moi je fuis, Fuis-moi je te suis, L'infirmière, les personnages étaient rarement sympathiques. Ici on s'attache infiniment à eux. Je n'en dis pas plus. Je vous laisse découvrir la profession de Taeko et Jori et admirer cette merveilleuse réalisation, tellement élégante et précise où chaque objet compte, des photos, des dessins d'enfant, un CD suspendu, du linge qui sèche, des jouets d'enfant au bord d'une baignoire. Mais aussi l'amour, quel qu'il soit, tous les amours j'ai envie de dire.

Et finalement l'amour ce serait peut-être tout simplement, logiquement mais difficilement et naïvement de demander à l'autre de ne pas mourir ?

Le premier film de Fukada La comédie humaine doit ressortir en août. Nous y serons n'est-ce pas ?

P.S. : les acteurs sont éblouissants.

Kôji Fukada et sa traductrice Léa.

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Voici le jeu *Othello

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Et la chanson du film que le réalisateur aime tant :

Commentaires

  • C'est noté. Et comme je pense que j'irais du coup certainement voir ce film "vertigineux", je reviendrais ;-)

  • Je le remettrai en mémoire la semaine prochaine.
    Un GRAND film.

  • Ce qui semble impensable, c'est que je n'ai vu que l'Infirmière, j'ai raté notamment son diptyque, fuis-moi suis-moi...

  • Celui-ci est le meilleur (selon moi) donc pas de problème.

  • A part Harmonium, je me rends compte que j'ai vu tous les films de lui que tu cites. J'ai noté celui-ci et ton avis me conforte qu'il sera ma top priorité la semaine prochaine !

  • Voir Harmonium pour cette fin de folie...
    Et ce Love life : immanquable. Tu vas vibrer.

  • Je l'ai vu ! Alors pour ma part SPOILER je pense que le film aurait fini en apothéose s'il s'était arrêté sur l'héroine en train de danser de dos sous la pluie. Mais sinon pour le reste, je me range à ton avis, j'ai adoré. Mes deux compagnons de visionnage ont été beaucoup moins enthousiastes en revanche :(

  • Oui, cette scène est belle.
    Mais la fin finale m'a fait battre le coeur aussi.
    C'est pas un film de garçons :-)))

  • Bonjour Pascale, merci pour le conseil. J'ai vu qu'il y avait d'autres films japonais qui allait sortir. De ce réalisateur, j'avais vu Hospitalité (aimé mais sans plus) et L'infirmière (pas aimé). J'espère que celui-ci me plaira mieux. Bon samedi.

  • Bonjour dasola, Celui-ci est très différent des autres et il me semble que c'est le meilleur.
    Si tu aimes Kore-Eda, il devrait te plaire.
    Bon week-end.

  • Bonjour Pascale, j'ai en effet aimé ce film, en particulier le personnage de la jeune femme surtout quand elle tient le plateau lors du séisme. Cela résume tout le film. Bonne journée.

  • Bonjour dasola, le plateau et le séisme... GRAND MOMENT.
    Bon week-end.

  • Un joli film subtil même si on peut avoir du mal à "comprendre" le côté nippon des choses (les parents acquiescent plutôt "facilement le drame, cette propension à ne jamais parler et dire les choses...)

  • Oui, la douleur ne s'exprime pas dans l'hystérie mais elle est bien présente.

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