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POOR THINGS

de Yorgos Lanthimos ***(*)

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Avec Emma Stone, Mark Ruffalo, Willem Dafoe, Rami Youssef, Margaret Qualley, Hanna Schygulla

Bella est la créature du Docteur Godwin Baxter que nous appellerons God en toute simplicité.

Comme la créature sans nom était l'oeuvre de Frankenstein, Bella appartient au Docteur qui l'a adoptée. La façon dont elle est ramenée à la vie suite à son suicide qui intervient dès les premières secondes, est révélée assez tardivement. Je vous souhaite de n'en rien savoir avant de voir le film, c'est assez vertigineux. Lorsque l'on découvre Bella, elle se comporte comme une enfant. Sa "résurrection" récente fait qu'elle doit repasser par tous les apprentissages de l'enfance. Elle plie peu les genoux ce qui lui donne une démarche hésitante, son langage est limité et elle alterne joie de vivre et brusques colères car elle ne supporte pas la frustration. Comme une enfant. Sa soif de découverte la pousse à s'enfuir avec Duncan Wedderbun un type débauché qui va de plus en plus succomber aux charmes de Bella. Il faut dire qu'elle ne s'embarrasse d'aucune contrainte, n'a strictement aucun préjugé, ni filtre, ni tabou et développe une sexualité excessive et débridée qui convient parfaitement à Duncan qui ne tarde pas à se prendre pour un amant exceptionnel. Mais Duncan va l'aimer passionnément, exclusivement à en devenir fou car la belle développe peu à peu et presqu'à son insu un farouche désir de liberté et d'émancipation. Son langage se développe, sa pensée s'affine et s'affirme, ses cheveux poussent à une vitesse effarante et reconnaissons-le, Bella devient un être exceptionnel.

Yorgos Lanthimos nous a habitués à ses bizarreries et après The lobster, Mise à mort du cerf sacré et le détestable La favorite,(coucou Olivia !) il nous embarque une nouvelle fois dans une histoire folle et baroque. On dit baroque quand on ne sait pas trop comment qualifier une oeuvre. Pourtant quand on voit la bouille du réalisateur, il a plutôt l'air d'un type qu'on imagine pas avoir autant d'étrangetés dans la tête que je comprends qu'on puisse détester. Je suis ravie d'avoir apprécié l'histoire et l'esthétique du film. J'ai lu et entendu parler de Fellini, Bunuel, Burton... comme références esthétiques. Manifestement les encartés n'ont pas vu l'exceptionnel Hinterland auquel le film m'a fait penser. Il s'agit de l'effet "fish eye" qui est la déformation circulaire des lignes droites et des perspectives. En gros c'est un peu comme si vous voyiez le film en grand angle au travers d'un oeil de boeuf. Peu importe, tout m'a plu, le noir et blanc, les couleurs, les décors de carton pâte, les costumes délirants de Bella, cet assemblage orgiaque de beauté, de mauvais goût, de gore et de quelques moments de pure tendresse. Tout.

Au passif du film je mettrai les acteurs français qui ne sortiront pas grandis de leurs prestations mais ils auront Yorgos Lanthimos sur leur CV. J'ai trouvé particulièrement pénible d'avoir "profité" du physique de Raphaël Thierry pour en faire un "partenaire" brutal. Quant à Damien Bonnard, il semble tout simplement s'éclater comme un petit fou dans sa scène complètement déjantée et immorale. C'est hélas la partie française qui empêche la quatrième étoile de s'épanouir totalement au firmament de ce blog. L'épisode prostitution de Bella dans notre Capitale donne lieu à une multitude de scènes répétitives qui voient un défilé de messieurs aux attributs plus ou moins flasques et affaissés et ont peu d'intérêt sauf à s'apesantir lourdement sur la nudité de l'actrice et nous détailler les différentes catégories de clients potentiels. Ici, Bella devient la marionnette des hommes. Et même si elle s'en affranchit, qu'on ne me parle pas de féminisme. Notons néanmoins, qu'à l'époque où le consentement devient central (avant il était facultatif), Bella est parfaitement consentante et même surprise de constater qu'elle peut gagner de l'argent en faisant ce qu'elle préfère au monde : faire l'amour, souvent. Mais cette partie (un peu longuette) ressemble un peu à du remplissage alors que dans le même temps, elle se lie d'amitié avec Toinette une collègue d'infortune. Elle est socialiste et entraîne Bella dans son engagement. Dommage d'abandonner cet aspect de l'évolution de Bella car c'est au contact de cette prostituée que Bella acquière de nouvelles qualités humanistes.

Au cours de son voyage en compagnie de Duncan, Bella découvrira plusieurs pays et fera la découverte de la tristesse, de la douleur, de la bonté et de la compassion. Elle embellit moralement et physiquement à mesure de son parcours. Et lorsque l'on croit l'histoire sur le point de s'achever sur l'air connu de "ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants", un personnage du passé refait irruption pour relancer l'action dans un final éblouissant.

J'oublie de dire que le film est aussi parfois drôle notamment grâce au personnage incarné par Mark Ruffalo qui se ridiculise avec une délectation visible. Sans doute son meilleur rôle.

Comme je le disais ici en septembre, le jury de la Mostra de Venise s'est montré particulièrement original et audacieux en couronnant ce film de la récompense suprême. Et pour la suite des évènements, il serait surprenant qu'Emma Stone ne s'empare d'une statuette prochainement. Ce qu'elle fait de Bella est une performance qui mérite tous les éloges. Comment une poupée recousue et trafiquée devient un modèle de féminité, de beauté, de bonté et d'humanité ! Elle n'a peur de rien, ose tout jusqu'à l'excès, jusqu'à l'outrance, elle est étonnante. Je l'ai trouvée magnifique et époustouflante.

Poor Things – La PointePoor Things, au firmament de la créativité - Pieuvre.caPoor Things Teaser: Emma Stone, Willem Dafoe, and Mark Ruffalo Get Weird  For Yorgos Lanthimos

Commentaires

  • Pour plusieurs raisons, ce film ne m'attire pas du tout. Ma fille l'a vu et m'a évoqué ces longues scènes au bordel qui occupent une place visiblement bien exagérée. L'esthétique outrée et le jeu d'acteur excessif, même par petites touches dans la bande-annonce m'a repoussé, j'imagine sur la longueur. Et ton histoire de fish-eye serait plutôt un argument à faire fuir.
    Pas pour moi je pense, sinon je risque de refaire le coup du "règne animal".

  • L'épisode prostitution est trop long oui.
    Mais je n'ai pas trouvé le jeu des acteurs excessifs.
    L'esthétique, ça change du tout venant et me plaît beaucoup. Sur ce point j'ai vraiment pensé à Hinterland.
    Il y a le risque que tu n'aimes pas mais aussi l'inverse et je trouve dommage de rater un film qui divise.
    Mais effectivement si la BA te fait fuir...
    Dommage.
    Tu n'as pas aimé le homard et le cerf ?

  • Tu préfères le sukiyaki je sais (moi aussi).
    Mais ignorer Yorgos sans essayer, je suis sur le fondement !

    PS. : j'hallucine, tu m'as donné envie de voir le lézard (alors que je ne sers à rien pour Bella)... mais en ce moment, j'ai une mission civique (si tu as suivi mon CV) et pour te donner une idée, j'ai vu 3 films cette semaine !!! Dont Les chambres rouges dont j'ai trouvé l'actrice détestable (enfin son personnage).

  • Quitte à goûter, je commencerais par la homard.

  • par "le" homard

  • Doit bien y avoir une madame homard.

  • La partie française est longue. Trop longue. Je me suis même demandé ce que les acteurs français avaient fait au réalisateur pour être traités de la sorte.
    Sinon les couleurs, les décors et la façon dont l'image est traitée m'ont bcp plus et c est vrai rappelle le très réussi Hinterland.
    Mais j'aurais aimé encore plus de bebettes bizarres et d'inventions loufoques du Docteur Baxter.

  • Nous sommes d'accord, la partie francaise est ratée. Les acteurs font pitié sauf Damien Bonnard qui s'amuse... mais c'est gênant.
    L'esthétique outrée, chargée m'a énormément plu aussi.
    Ah oui, les bébêtes, de vraies chimères... qu'elles sont drôles ! Surtout la dernière chèvre... chuuuut :-)

  • Si tu m'avais dit : j'ai hâte d'y aller, je t'aurais conseillé de consulter.
    Un léger mieux j'espère...

  • Pas vraiment envie, pas sûr d'apprécier l'histoire, d'après la B.A.... Et pourtant, je mets le cerf sacré tout en haut de mes plaisires coupables...

  • C'est TRÈS différent du cerf sacré mais la bestiole ici ne manque pas de charme.

  • Il est dans ma liste, je vais el voir la semaine prochaine. J'en ai entendu tant de bien, j'espère ne pas déchanter.. En plus je me suis faite spoiler la raison de son innocence enfantine par un podcast, j'étais super énervée !

  • Ils font chier à tout raconter mais il y a quand même une scène explicative qui donne le vertige.

  • Bon je l'ai vu et je suis perplexe. Je ne parviens pas à comprendre le message du film. C'est SPOILER sensé être un bébé qui découvre la vie, et donc sa sexualité aussi, mais ... les adultes ne sont pas senss accompagner un bébé sur ce chemin ? Bon, et puis l'émancipation par la prostitution, pourquoi pas mais je trouve que c'est très "male gaze" comme idée. Du coup voilà, mitigée et perplexe.

  • J'en garde un bon souvenir sauf sur la partie prostitution. Mais comme elle y prend du plaisir et qu'elle ne comprend pas bien ce qu'elle fait, je "tolère" .
    C'est sans doute difficile de la considérer comme un bébé.
    J'ai adoré le vertige qu'elle soit la mère et l'enfant.

  • Pour l'esthétisme ce film me tente bien... Par contre, je ne connais rien (à priori) du réalisateur !

  • L'esthétique du film est particulière.
    Il est grec et sans doute plus connu des très cinéphiles :-)

  • Complètement d'accord avec toi, un très beau film mais qui pêche par un féminisme de pacotille, tout repose trop sur le sexe, et effectivement dommage d'aborder un militantisme pour l'occulter tout de suite après. Un voyage qui se résume au corps, c'est un peu mince malgré le jeu impressionnant et le baroque dystopique de toute beauté

  • Oui, sa frénésie sexuelle n'est pas un argument féministe très fort mais elle y prend tellement de plaisir que le consentement n'est pas mis en doute.
    Dommage pour la copine socialiste, je la trouvais vraiment formidable. Et leur relation vraiment épatante. Il abandonne ce personnage en route. Erreur. Le seul personnage français digne d'intérêt.

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