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MARCELLO MIO

de Christophe Honoré ****(*)

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Avec Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Fabrice Luchini, Benjamin Biolay, Nicole Garcia, Melvil Poupaud, Hugh Skinner

Une séance photo à la fois hilarante, lamentable voire humiliante ouvre le film. 

Grimée en Anita Ekberg, Chiara Mastroianni sous un rideau d'eau, chaussée de bottes en caoutchouc, pose dans une fontaine parisienne et tente de suivre les consignes délirantes d'une photographe hystérique. S'ensuit une séance d'essai pour un film où Chiara donne la réplique à Fabrice Luchini conquis par sa partenaire devant une Nicole Garcia réalisatrice, insatisfaite du jeu  de l'actrice, trop ou pas assez Deneuve, trop ou pas assez Mastroianni. C'en est trop pour l'actrice qui le lendemain, hantée par un rêve, découvre dans le miroir le visage de son père superposé au sien. Jusqu'à l'évanouissement. Et effectivement, sous une apparence de burn out professionnel, lassée d'être la fille de..., Chiara ne s'effondre pas mais se transforme, disparaît et devient Marcello. L'entourage, sa mère en priorité, après un temps d'incrédulité, d'inquiétude s'adapte et décide de ne pas contrarier Chiara qui s'habille comme Marcello, parle italien comme Marcello, porte ses lunettes, son chapeau puis sa moustache. Elle devient, elle est Marcello. Et on y croit.

Êtes-vous déjà sorti d'une salle de cinéma comme si le sol s'était transformé en un nuage de douceur et de bien-être, comme si vous étiez enveloppé ou englouti dans une bulle de calme, de silence et d'émotion ? Cela m'est arrivé hier soir en sortant de la projection de ce film que j'ai vécu et ressenti comme un doux rêve bienfaisant, apaisant. Une délicieuse parenthèse qui s'ouvre sur les battements de plus en plus perceptibles du coeur et se referme sur l'émotion et un sourire. L'envie de prendre toute l'équipe du film dans les bras, l'embrasser, la remercier et partager un peu de cette improbable rêverie en suspension. Devenir un autre, devenir son père...

Christophe Honoré va jusqu'au bout de la folie, du rire, de l'étrange et de l'émotion dans cette fantaisie où il sublime son actrice, muse, amie, sa bien-aimée Chiara Mastroianni qui le rejoint pour la septième fois et n'a jamais été aussi drôle, aussi belle, aussi bouleversante. Autour d'elle il a rassemblé sa mère et deux ex amoureux pour, non pas jouer des personnages mais être eux-mêmes, simplement. Bizarrement je fais un parallèle entre ce film et le récent Deuxième acte de Quentin Dupieux où là déjà, un réalisateur utilise la biographie de ses acteurs pour les faire interpréter des acteurs dans un film. Mais Christophe Honoré va plus loin puisqu'il ne s'embarrasse pas de pseudos. Chaque acteur est lui-même et évoque des anecdotes ou épisodes réels de sa vie.

Le réalisateur s'interroge et nous laisse observer. Comment être Chiara Mastroianni, porter ce nom, hériter de ce capital génétique avantageux, être la fille de deux des acteurs les plus merveilleux du monde, avoir la forme du visage, le débit, la voix de sa mère, les yeux, la démarche, l'allure de son père, se faire constamment renvoyer à cette ascendance et être soi-même, être quelqu'un ? Le résultat est renversant, vertigineux et l'actrice plonge dans ce doux délire grisant avec ravissement et talent. Elle déclare son amour infini à un père absent trop tôt, adoré, sublimé, fantasmé, idéalisé au point de fusionner avec lui. Elle partage avec nous ce manque et ces souvenirs. Ce n'est jamais larmoyant. C'est magnifique et joyeux la plupart du temps. La fiction capitule devant la réalité ou l'inverse. Et lors d'une émission de télé poubelle italienne où la lumière blafarde éclaire des visages lisses et des sourires éclatants, où  intervient Stefania Sandrelli (plutôt mal à l'aise j'ai trouvé) ancienne partenaire de Marcello, la présentatrice encourage le public à réclamer la vérité. Quelle vérité ? Marcello/Chiara s'échappe, retrouve le petit chaton blanc de La dolce vita, s'aventure dans la Fontaine de Trevi, passe peut-être devant le cimetière de Campo Verano et termine son parcours de renaissance à reculons jusqu'à Formia une ville chère à Marcello où tous les témoins de cette illusion seront réunis. Le réalisateur sublime aussi Paris, propre, délicatement éclairé et calme comme dans un film de Woody Allen.

Benjamin Biolay et Melvil Poupaud (excellents tous les deux) sont les ex compagnons de Chiara, toujours attentifs. Melvil Poupaud rejoue avec émotion une scène qu'il a partagée avec Marcello. Fabrice Luchini (épatant) hérite du rôle de l'ami disponible et bienveillant qu'elle peut déranger à toute heure du jour et de la nuit. Une bien belle rencontre entre les deux acteurs semble-t-il. La reine Catherine bienveillante également, troublée, hésitante se laisse charmer avec délice et mélancolie par ce fantôme. Elle est drôle aussi avec sa brusquerie particulière notamment lorsqu'elle apostrophe le propriétaire de l'appartement qu'elle a occupé avec Marcello et Chiara : "c'est vraiment moche ce que vous avez fait. Il n'a plus aucun charme cet appartement". Et puis Catherine et Chiara chantent, de leurs voix flottantes, un peu indécises mais tellement troublantes, tellement désarmantes et puis elles parlent italien et cela caresse l'oreille également comme ce film cajoleur, maternant ou paternant comme un doudou.

J'aime ce film passionnément.

Mastroianni-sur-Seine

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Commentaires

  • houlà ! "A Man" voit se profiler un concurrent sérieux dans la vertigineuse catégorie des 5 étoiles (attention, en Italie, pas forcément bon signe). Le pitch me semblait bien étrange. Sachant que je ne garde pas un très bon souvenir de la "chambre 212", le nom d'Honoré suscite désormais chez moi méfiance et circonspection.
    Faut-il être fanabsolu de Maestro Marcello pour aimer ce film passionnément ?

  • Quel à propos te concernant et quelle cohérence me concernant !
    Il y a ici également A man et usurpation d'identité.
    Je n'ai pas compris l'allusion aux étoiles et à l'Italie.
    Être Marcellophile est sans doute un atout même s'il n'apparaît que quelques instants.
    J'imagine qu'il faut être (comme moi) amoureux des acteurs ici présents pour apprécier mais je trouve qu'il flotte autour de cette troupe une ambiance, un parfum cinéphiles qui m'a fait plonger avec eux dans cette rêverie. C'est magnifiquement filmé, sublimement interprété.

    Et pour info, j'avais détesté Chambre 212 (un des rares films de Christophe Honoré que je n'ai pas aimé).

  • Il ne me dit pas grand chose à moi ce film ; je me méfie de cet entre-soi et Luchini m'a bien énervée sur France-Inter avec Salamé. On verra ...

  • J'ai déjà lu cette remarque à propos de l'entre-soi. Bien sûr il y a cet esprit troupe dans les films d'Honoré. Moi, ils m'ont ravie ces acteurs que je trouve merveilleux.
    Quant à Luchini, jamais il ne m'énerve, toujours il m'enthousiasme, ça aide. Et ici, il est d'une douceur rassurante et protectrice. J'aimerais l'avoir pour ami. Et entre dépressifs on se comprendrait sans doute :-)

  • Je n'ai pas trouvé qu'il y ait vraiment de l'entre-soi dans ce film mais plus l'impression que tous nous invitaient à rentrer dans leur intimité. Aimer Marcello aide à apprécier le film mais ce n'est effectivement pas une obligation.. J'ai aimé les petits secrets familiaux dévoilés (3 fois mariés, mais finalement jamais passés devant le Maire ; la voisine du dessous et ses vocalises....) et de jolies images de Paris et d Italie !

  • Je suis d'accord, ce film est tellement beau et je trouve très beau aussi que le réalisateur réunisse cette "famille" et nous invite dans le cercle.
    C'est terrible de toiser ce film. Moi il m'a fait battre le coeur.
    Et effectivement Paris est idéal (preuve qu'on est dans une fiction, un rêve) et l'Italie magnifique comme toujours.
    J'ai juste regretté que l'extrait de film avec Marcello soit un peu débile. Mais cet acteur ne se prenait pas au sérieux et n'hésitait pas à jouer les crétins. Pas le genre à dire qu'un acteur se "met en danger"...

  • J'ai adoré aussi !... Hommage à Marcello évidemment, mise en abyme aussi drôle qu'émouvant mais c'est avant tout un hommage au cinéma, tout simplement... Entre sur mon podium annuel !

  • Ah super. Les acteurs et réalisateurs qui clament leur amour du cinéma, cela fait du bien.
    Peut-être pas sur le podium mais dans le top final c'est évident.

  • Je vais tenter d'aller le voir alors, même si, saison estivale en bord de mer, je suis censée aller moins au ciné. Mais faudrait que le côté estival soit un peu plus flagrant !

  • Le côté estival est totalement absent ici :-)

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