DIVINE COMEDY - NEIL HANNON - É
"LE CRÉATEUR"...
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"LE CRÉATEUR"...

Une fois n'est pas coutume, c'est au théâtre que je me suis rendue vendredi soir. Et pas n'importe lequel puisque le Théâtre du Peuple à Bussang créé en 1895 par Maurice Pottecher et classé monument historique depuis 1975 est un endroit unique en France. Il est construit entièrement en bois et la voûte au plafond forme un navire retourné. Chaque spectacle a la possibilité à un moment donné de supprimer le fond de la scène qui s'ouvre alors sur la forêt vosgienne.
Chaque été (il est donc trop tard pour cette année :-( ) deux spectacles sont proposés, un l'après-midi et un le soir dont le point commun est sans conteste l'originalité. Si vous passez dans la région, n'hésitez pas à visiter ce lieu unique vraiment fascinant et pour le moment, vous pouvez toujours vous rendre sur le site ICI.
J'ai donc pu voir "Le gros, la vache et le mainate" une opérette barge de Pierre Gillois mise en scène par Bernard Ménez.
Et je peux dire qu'on n'a pas été trompés sur la marchandise, car barge, ça l'est, bel et bien ! Ecoutez ça : deux hommes vivent ensemble et s'aiment. L'un d'eux attend un enfant. Ils décorent la chambre du futur bébé, reçoivent la visite de deux de leurs vieilles tantes irascibles qui se chamaillent sans cesse et vont s'installer chez eux en attendant la naissance ! ça n'a l'air de rien peut-être mais sachez aussi que tous les rôles sont tenus par des hommes, qu'il y a un pianiste (le très talentueux Laurian Daire) sur la scène, que les numéros chantés sont drôles et dynamiques, que l'auteur de la pièce (également comédien) n'hésite pas à venir sur scène pour modifier à sa convenance tel dialogue ou telle situation, qu'une scène peut être interrompue au bon vouloir d'un comédien qui n'apprécie pas son monologue, que les portraits au mur peuvent se mettre à chanter, et tout ce bazar est agrémenté de trois strip-teases (qui finissent en nu intégral comme dit Charles !) grâce au très gracieux Luca Oldani qui sera tour à tour pompier, facteur ou ambulancier...

La fantaisie et la cocasserie ne sont pas les seuls atouts de la pièce qui, il faut bien insister, n'est pas à mettre entre toutes les oreilles et devant tous les yeux. Le moins que l'on puisse dire c'est que l'auteur n'a pas fait dans la dentelle et le côté provoc' ou franchement "trash" par moments peut en heurter certains. De vieilles tantes libidineuses, un bébé maltraité, la mort dont on se moque, un échange vraiment politiquement incorrect sur les "pauvres" sont autant de sujets qui font grincer quelques dents.
J'avoue que moi, j'ai ri, beaucoup !
Luca Oldani et Pierre Gillois.
Au casting de cette folie, deux "vieilles" gloires de la Comédie Française et du théâtre, Pierre Vial et Jean-Paul Muel absolument délirants, l'auteur lui-même Pierre Gillois, Bernard Ménez et le très charmant Luca Oldani, le plus souvent sans vêtement pour le régal des yeux.
Un petit aperçu :
Et pour ceux que ça tente, Mister Loup a trouvé les dates et lieux de la (petite) tournée :
- Mulhouse, 13 et 14 octobre 2010, La Filature
- Alès, du 19 au 21 octobre 2010, Le Cratère
- Liège, du 7 au 11 décembre 2010, Théâtre de la Place.
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Mais j'avoue que la découverte du comédien surdoué qu'est Olivier Martin-Salvan est ce qui m'a le plus enchantée. D'ailleurs je me suis immédiatement procurée le DVD de son spectacle que j'ai regardé hier. Il s'agit de "Ô Carmen" un opéra clownesque. Seul en scène, accompagné du pianiste Aurélien Richard, il interprète tous les rôles avec une fougue et un talent inouïs en mélangeant l'art lyrique, le burlesque et la pantomime. Je suis fan.


Oui, quand j'aime sauf exceptions c'est pour la vie. Je n'ai pu résister, et après l'enchantement de chaque instant vécu il y a deux mois tout juste je suis retournée m'enivrer des paroles et de l'ambiance très particulière, vaporeuse, aérienne et mystérieuse auprès du "Dandy, un peu maudit, un peu vieilli". A ma grande surprise, le concert n'était pas le même, pas complètement les mêmes chansons (sauf les incontournables...), pas les mêmes enchaînements et apartés avec le public. Mais la même intensité, la même profondeur, le même charme empreint de mélancolie, d'une certaine tristesse et plus encore de cette sensation inexorable et accablante que le temps passe, impitoyable et qu'il y a urgence à faire le prochain album comme il nous le confie avec ses deux amis/musiciens, bidouilleurs de sons et d'extases.
Il émane de Christophe beaucoup de douceur, de gentillesse, d'angoisse aussi. Et quand il évoque la découverte de Brassens et du blues alors qu'il était tout jeune "j'avais douze ans et ma tête a explosé", on comprend mieux que son univers si étrange, si envoûtant, tellement unique en fasse un artiste jamais rassasié de conquêtes et de trouvailles, un homme habité par des anges et des démons. Et puis il y a cette voix, à nulle autre pareille. Intacte. Dont les modulations entre le grave et l'aigü provoque frissons et vertiges.
Et comme j'ai dû foutre un gros bordel batailler ferme avec le vigile de l'entrée qui a appelé le sous-chef de la sécurité qui a appelé le chef de la sécurité qui a appelé l'adjointe du chef régisseur qui a appelé le régisseur en chef... pour que j'entre avec mon appareil photos... Je vous en fais profiter...
Peut-être qu'avant j'étais comme vous avant, quand j'étais bête, j'écoutais un "best of" de Christophe et je me disais "mais je les connais toutes, ses chansons !" et je passais à autre chose. Et puis un soir de juin 2007 (il n'est presque jamais trop tard) : la révélation ! Lors d'une soirée romantique, proustienne et cinéphile, j'ai découvert Christophe en concert privé, acoustique, privilégié et trois ans plus tard, j'en frissonne encore de bonheur et d'émotion.
Depuis je l'attends.
Et il est venu.
Deux mots d'une banalité indigne de lui me viennent à l'esprit : Génial et Sublime ! Mais ce serait un peu court et pourtant c'est sûr, mes mots ne pourront jamais habiller et retranscrire ces presque trois heures de concert magistral, d'une intensité insensée.
Christophe nous invite dans son univers particulier, singulier. C'est par la magie des sons qu'on y pénètre. On est comme happé dès les premiers accords au piano. L'ambiance vaporeuse, impalpable s'empare de nous, nous enlève, nous élève. On décolle, on s'envole, on plane au dessus du monde et on n'atterrit que trois heures plus tard. Trois heures de pur mystère et d'enchantement.
C'est cela, pendant trois heures on plane. Et pourtant la musique n'est pas que "volatile" et expérimentale, elle peut se faire rock grâce notamment à un guitariste totalement un peu fou à qui il arrive de jouer de sa guitare avec un archet pour en créer des sons évidemment absolument inédits.
Mais Christophe s'empare de la salle par sa présence grave, sa douceur, sa gentillesse, son humour. Il ne sourit pas Christophe mais quand il s'adresse à son public, il dit "chers amis", il l'invite à partager, à "venir au mariage". Il faut entrer dans cet univers si particulier qu'il rend accessible par l'émotion et la profondeur de ses textes sublimés par sa musique parfois aérienne, parfois métallique mais toujours harmonieuse, élégante.
« Dans ce luxe qui s'effondre
Te souviens-tu quand je chantais
Dans les caves de Londres ?
Un peu noyé dans la fumée
Ce rock sophistiqué
Toutes les nuits tu restais là
Dandy un peu maudit, un peu vieilli,
Les musiciens sont ridés
Sur ce clavier qui s'est jauni
J'essaie de me rappeler
Encore une fois
Les accords de ce rock
Qui étonnait même les anglais ».
Les photos sont de moi et mes petits mains, voilà, pour le "crédit", c'est fait.
Vous savez qu'au cinéma j'éprouve quelques sentiments d'amour éternel pour de nombreux garçons même habillés, et quelques filles. Mais parfois, je vais au pestacle où l'on voit des vrais gens de la vraie vie faits de chair et d'os ça m'fait bizarre ces gens vrais parce que j'ai aussi des passions inavouables pour des artistes, qui bizaremment, ne sont pas toujours très éloignés du 7ème art. Il était donc pour moi inconcevable de ne pas aller apprécier ce "Jules et Marcel". C'est même le cadeau de Noël que j'ai offert à mon Jules en précisant bien "avec la personne de ton choix", ce qui est très couillon comme formule, je l'ai échappé belle !
Je ne vous passe pas les détails sur comment arriver jusqu'à la salle de spectacle, "La Salle Aragon" non, non Aragon je ne l'aime pas d'amour qu'elle s'appelle. 105 kms on avait à faire !!! On a mis... deux heures et demi ! Les routes étant défoncées par le gel, un empêcheur d'arriver à l'heure avait décrété qu'on ne pouvait rouler que sur une voie,à deux de tension, parfois même à l'arrêt... moteur coupé... alors que normalement ce qui m'est dû c'est une route dégagée et un temps clair ! Je pense que je vais adresser une lettre recommandée aux Ponts et Chaussées, qu'en pensez-vous ? A moins que je n'aille pleurer auprès des responsables du Théâtre Hébertot ! J'hésite. Bref, deux heures et demi plus tard... spectacle commencé depuis 5 minutes, "on" a quand même accepté de nous faire entrer dans la salle sur la pointe des chaussettes, chaussures à la main de toute façon j'avais déjà préparé l'artillerie lourde en cas d'obstacle ! Ayant réservé TRES TRES LONGTEMPS à l'avance, j'avais pu choisir mes places AU PREMIER RANG... Pour ne déranger personne, on s'est installés...
au dernier rang.
Passons, je ne vais pas m'énerver, c'est presque l'été.

J'ai lu et relu toutes les "pagnolades", vu et revu sans me lasser jamais, les films que Pagnol a réalisés, j'ai marché dans les pas de Marcel comme une vraie groupie, une "fanette" de base, et fait le parcours dans des déserts de garrigue d'Aubagne à la Bastide Neuve de la Treille... sans oublier d'aller boire un verre sur le vieux port au "Bar de la Marine" .

Je connais par coeur ce merveilleux incipit « Je suis né dans la ville d'Aubagne, sous le Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers ». Dès que je vois un caillou à la forme un peu particulière je le rebaptiste d'ailleurs "Garlaban".

Et j'ai hélas trop souvent l'occasion de proférer ou de penser à cette phrase sublime, si simple, si authentique : "Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d’inoubliables chagrins. Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants".
Bon, je vais faire bref... Marcel Pagnol, je l'aime d'amour. C'est dit.
Mais j'aime aussi Michel Galabru. Il me fait rire. Il a toujours l'air fâché. On dirait un gros nounours qui se sent obligé de râler. Il est très très vieux Michel Galabru, ça fait un peu peur. Mais il est toujours parfait.
Et puis j'aime d'amour toujours Philippe Caubère. J'étais bien jeunette quand j'ai découvert ceci (parce que oui, bon je vous l'avoue pour ne pas que vous me posiez la question : Jean-Baptiste Poquelin je l'aime d'amour !)


C'est tout simple, deux tables, deux chaises et deux comédiens merveilleux, rois des cabots : Philippe Caubère en Marcel Pagnol et Michel Galabru en Jules Raimu qui furent amis et à ce titre s'échangèrent une correspondance objet de ce spectacle. Et c'est savoureux parce qu'à la mauvaise foi poussée au paroxysme, à l'égocentrisme de Raimu répondent la diplomatie et les "manipulations" de Pagnol. Mais toutes ces lettres sont imprégnées d'humour, de soleil, de colère, d'accent du sud, de truculence mais aussi de tendresse, d'admiration et d'estime. Une amitié comme on rêve d'en avoir une dans sa vie vous croyez qu'il est trop tard pour moi ?.
« Mon cher Jules, il faut que tu sois bougrement fâché avec moi pour ne pas répondre à une lettre injurieuse qui n’avait d’autre but que de commencer une dispute…».
« Que Jules ne soit plus là, cela me fait de la peine. Non seulement parce que je l’aimais, mais parce que je n’arrêtais pas de me fâcher avec lui. Quand un sudiste se fâche avec un autresudiste, c’est une preuve d’estime… ».
Et voilà, je papote, je papote et je n'ai que peu de temps pour vous dire que c'était trop court, ça sentait bon le thym et la lavande et faisait résonner le chant des cigales. J'ai adoré. Si Marcel et Jules s'approchent de chez vous. N'hésitez pas., allez à leur rencontre...

Certaines savent qu’hier pour différentes raisons, j’étais « à l’ouest », je me suis donc complètement plantée dans les horaires, les adresses de salles et les titres de films… De fait, je n’ai rien vu en scope mais je n’ai pas perdu ma journée pour autant, ou plutôt ma soirée. Loin s’en faut.
Vous me direz…
si, vous me direz :
« quel rapport y’a-t-il entre un concert de Vincent Delerm et le cinéma ? ».
Et je répondrai « tout, absolument tout ». Car Vincent Delerm a dû être cinéaste dans une vie antérieure, ou bien il le sera dans la prochaine.
Evidemment j’y suis allée toute seule comme une grande car je suis entourée de gens comme vous et vous qui ont pris Vincent en horreur et qui ne se donneront pas la peine de découvrir qu’entre ses albums (que je vénère) et la haute tenue de ses concerts (que j'idolâtre), il y a un univers inimaginable. Je suis déçue de ne pas réussir à convaincre les « contre » mais je comprends aussi car même si on me démontrait le talent incontournable de certain(e)s (pour les noms, il faut demander gentiment… je balance des horreurs pour presque rien !), il faudrait me torturer pour que j'aille les voir.
Mais revenons-en plutôt à Vincent Delerm. Comment parler d’un album et d’un spectacle qui s’ouvrent par ces mots « Tous les acteurs s’appellent Terence… » ? Sans doute faut-il commencer par dire que l’artiste qui scénarise généralement ses spectacles et dont la réputation sur scène n’est plus à faire, a choisi d’orienter définitivement et exclusivement celui-ci vers le cinéma. Et c’est éblouissant du début à la fin.
Un écran apparaîtra parfois en fond de scène. En ouverture, le lion de la MGM rugira comme si on y était et à la fin un générique façon vieux film des années du muet énumère toutes les personnes que Vincent Delerm remercie ou qui ont contribué à l’album ; ce qui est très malin et beaucoup moins fastidieux qu’un énoncé au micro d’une liste de gens qu’on doit applaudir et dont on ne sait qui ils sont.
Vincent Delerm est cinéphile mais il vit dans la vraie vie aussi. Comme moi, disons pour faire court. Le voir et l’entendre sur scène c’est donc trouver des échos à la fois dans la banalité du quotidien grâce à la finesse et la profondeur de son écriture et dans le rêve du grand écran grâce à la beauté et l’intelligence des décors et de la mise en scène. Des silhouettes en carton grandeur nature représentent des stars hollywoodiennes mais leurs visages ont été remplacés par ceux des deux musiciens et du chanteur. Ils les amènent eux-mêmes sur scène. Les hommages au cinéma se succèderont, au cinéma de Lelouch « Deauville sans Trintignant » et la merveilleuse voix de l’acteur, à François Truffaut grâce à une reprise de « L’amour en fuite » de Souchon (présent aussi par la voix) qui s’achèvera sur la tirade de Jean-Pierre Léaud qui martèle « Antoine Doinel… Antoine Doinel, Antoine Doinel, Antoine Doinel… », puis Woody Allen, François De Roubaix, Jacques Tati, Fanny Ardant… Les souvenirs défilent dans la tête, s’imposent, on se souvient, et la musique et les paroles se mêlent aux images.
Mais aussi, mais surtout, un concert de Vincent Delerm c’est, contre toute attente pour beaucoup j’imagine, plus de deux heures où l’on éclate de rire comme il arrive rarement dans des concerts. Le chanteur ponctue son spectacle d’histoires, d’anecdotes et c’est toujours plein de finesse, d’ironie mais aussi d’énormément d’autodérision. Il faut le voir se moquer de lui-même parce qu’il n’a pas trouvé les bons mots qui rendent intelligents lors d’une interview… comme si le fait d’être « une vedette » vous permettait brusquement d’avoir un avis sur tout. C’est tordant quand il évoque grâce au « Monologue Shakespearien » les âneries qu’on peut entendre à la sortie d’un film ou d’un spectacle.
Moi-même en sortant de la salle et alors que j’étais sur mon petit nuage (et que j’y suis encore), j’ai entendu :
« … oui… mais bon… je ne me suis pas sentie prise dans une mouvance… euh ! tu vois quoi ??? ». (Inutile de vous dire que cette personne gît désormais dans le caniveau).
C’est doux, tendre, infiniment nostalgique, drôle et respectueux. Et parfois une folie douce s’empare de Vincent et de son piano, un ragtime, on s’agite, on tape des mains et on chante, on chante… Car le public (très très féminin) connaît son Vincent sur le bout des lèvres. Mais ce spectacle n’est pas uniquement fait pour les filles de 1973 qui ont de plus en plus, plus de trente ans… Cela dit quand il demande de chanter tour à tour, cela donne :
- « maintenant les filles de 1973 uniquement ? »… (un joyeux vacarme) ;
- « les filles des années 70 ? » (beaucoup de bruit),
- « les filles des années 60 ? » doute de Vincent (un bourdonnement),
- « les filles… des années 50 ??? » surprise de Vincent (yeeeeeeeeeepaaaaaaaaaaah… un murmure !!!),
- « euh… les filles des années 40 ??????????? »… silence.
On sort… Enfin JE suis sortie de la salle, gaie comme un pinson, légère, joyeuse, radieuse, charmée, comblée, ravie et… calme, comme je ne l’ai pas été depuis 12 ans 5 mois et 48 jours... avec en boucle l'album "15 chansons" qui tourne dans la voiture.
Merci et vivement qu'il revienne.

P.S. : Vincent était déçu et un peu en colère car la distribution de « Michoko » qu’il prévoit à chaque concert pendant son faux entracte (hilarant et faux car il ne quitte pas la scène) lui a été refusée et il s’est aperçu aussi que les billets avaient été vendus plus cher qu’ailleurs !!! M’étonne pas moi.
P.S. 2 : mes photos sont toutes pourries, je n'ai pas l'appareil qu'il faut pour ce genre d'évènement... donc, voilà, je peux juste mettre le plafond genre chapelle Sixtine de la salle. Pas prétentieux pour deux sous dans le coin ...
Que croyez-vous que je puisse penser d’un spectacle et d’un artiste qui aborde directement son public par : «Je suis très calme mais je vous préviens solennellement : je ne veux pas qu’on me fasse chier ! ». J’ai adoré forcément ce type, le type même du type qui renvoie l’image du mec parfait mais qui souhaite par-dessus tout se défaire de son image positive de chic type ! C’est drôle, hilarant, plutôt fin, élégant (malgré l’amorce), jamais méchant, bien observé et la langue utilisée entre poésie, calembours, jeux de mots, à peu près est un régal de tous les instants pour les oreilles. Vincent Roca est ce gars qui n’aime pas qu’on lui prenne sa place numérotée dans les trains, qu’on lise SON journal, qu’on lui impose des cartes de fidélité, qu’on mette des câpres sur sa pizza napolitaine, qu’on l’abonne à un club du livre, qu’on lui promette un service à jus de fruits après 20 passages à la station service, qu’un taxi lui demande « vous avez un itinéraire ??? », qu’on le prenne à témoin dans une conversation, que les gens klaxonnent dans les mariages, qu’ils lavent les verres à moutarde et les animaux aussi, ça l’agresse.
Mais Vincent Roca, c’est aussi ça :
« Je me souviens. J’ai quinze ans. Je passe mes journées au cinéma. Il fait noir. Personne ne s’occupe de moi. Je suis seul avec les images. Réfugié dans ma bulle. Tavernier ! Que la fête commence ! Eteignez la salle ! Envoyez la pelloche ! servez-moi du gros plan en carafe ! Je vais me shooter au nitrate d’argent, je vais m’en mettre plein les mirettes… silence sur le plateau ! Repassez-moi les films-flammes, les plans américains, les vieilles bandes à John Wayne ! ça tourne, j’ai quinze ans ! Tavernier ! C’est ma tournée ! Vas-y Frankie ! envoie la musique de chambre noire ! fondus enchaînés pour tout le monde, la spécialité du chef op’, sortez les scénars ! foncez dans le décor ! il y a de l’émulsion dans l’air, du bromure dans la gélatine, allez ! on la refait ! Allumez les gamelles ! un homme, une femme, j’ai quinze ans… mes murs sont tapissés de photos d’Anouk Aimée, Un album et une femme avec Anouk immortalisée et Jean-Louis m’empoignant !... J’ai quinze ans, la dolce vita… mon harem nommé désir, mon tramway nommé Aimée, ma Lauren buccale, mon Anna magnanime, ma Sophia la reine de cœur, ma Gina Lolos-Lola-briggida, j’ai quinze ans ! Tavernier ! Ressortez les vieilles copies ! envoyez la Comtesse aux pieds nus ! je m’en lèche les bobines, si tu ne viens pas à la Gardner, Ava Gardner viendra à toi ! La prise est sublime, clap clap clap, on la garde ! Tavernier ! Action ! Séquence nostalgie, flash-back sur Gabin et Morgan, oh ! t’as de beau aïeux, tu sais ! Embrasse-moi, j’ai quinze ans, moteur ! Attention, ralentir… travelling ! Tavernier ! Faites-moi lire dans les étoiles ! plongée sur les jambes de Dietrich, contre-plongée en apnée sur mes images de gosse, je fais le Marielle, café Noiret et tranche de Rochefort, j’ai quinze ans, bonbons, caramels, chocolats glacés, le temps passe à vingt-quatre images seconde, les hommes sont tous des frères Lumière, j’ai huit et demi à chaque œil et j’ai quinze ans ! Vas-y Noiret ! fais-nous du Noiret ! refais-nous la vie de château, Alexandre le bienheureux, j’ai des pellicules, je m’enferme à double tour de manivelle, écran géant et son dolby, moteur ! Action ! Toute ressemblance avec des rêves de gosse n’est que pure coïncidence, je me souviens, j’ai quinze ans…West Side Story… les Sharks et les Jets… ».
Merci.
Il s’appelle Julien et il est sans doute l’artiste que j’ai le plus vu en scène, 10 fois peut-être une de plus, peut-être une de moins mais quand on aime…
Jamais décevant ! 40 ans que je l’aime, et manifestement, je ne suis pas la seule… N’évoquons même pas la moyenne d’âge en présence. Lui, il en a 60, paraît-il. On s’en fiche. Il arrive à l’heure et ne nous abandonne pas une seconde pendant deux heures dont on sort le cœur plein… La voix est toujours là. Sa musique aussi, hors de tous les temps et de toutes les modes, sur laquelle des auteurs eux aussi hors du commun ont su poser des mots qu’il est le seul à pouvoir prononcer. C’est un troubadour et son spectacle actuel est « Intime » et aussi, difficile de dire pourquoi, cette fois particulièrement émouvant par moments. C’était un concert pour son « Club de Patineurs » ou plutôt de patineuses, les fidèles inconditionnelles qui n’ont jamais été déçues et connaissent par cœur la moindre de ses chansons.
Les mots de Marcelline Desbordes Vallemore « Les séparés » résonnent encore. Je vous les offre même si vous n’avez pas l’intensité de la façon dont il les a chuchotés :
N'écris pas ! Je suis triste et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés, sans toi, c'est l'amour sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre
Et frapper à mon cœur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas ! N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu, qu'à toi si je t'aimais.
Au fond de ton silence, écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas ! Je te crains, j'ai peur de ma mémoire.
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N'écris pas ces deux mots que je n'ose plus lire.
Il semble que ta voix les répand sur mon cœur,
Que je les vois briller à travers ton sourire.
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon cœur.
N'écris pas ! N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu, qu'à toi si je t'aimais.
Au fond de ton silence, écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
Et aussi (quelques extraits de) celle qui dit « qu’elle n’est pas donnée à tout le monde, la chance de s’aimer pour la vie » et qui raconte la vie, pas si douloureuse finalement, des enfants de divorcés que Maxime Le Forestier lui a confectionnée sur mesure :
« Si quelquefois je vois double
C'est que l'enfance me revient
Double vie double silence
Double sens et double jeu
Silencieux le coeur balance
Pourquoi les parents sont-ils deux
On voit du pays on voyage
Chaque semaine et chaque été
Des souvenirs qui déménagent
Et qu'on ne peut pas raconter...
Deux maisons, deux quartiers
Deux gâteaux d'anniversaire
Multiplier les pères et mères
N'a pas que des mauvais côtés
Avant les autres j'aurais su
Que le seul sentiment qui dure
C'est le chagrin d'une rupture
Où je n'aurais jamais rompu… »
J’y étais avec lui (oui, il y a quelques hommes dans la salle), et si vous ne remarquez rien, prenez rendez-vous chez l’ophtalmo.

Mais la "révélation" inattendue est venue d'Izia fille du Grand Jacques (venue dire Joyeux anniversaire à papa en compagnie d'Arthur H.), sorte de réincarnation d'une Janis Joplin clean, charismatique et timide à la présence évidente et à la voix ensorcelante.
Hélas, je ne trouve rien d'écoutable sur le Net pour vous la faire découvrir
![]()
Sinon, Paris les jours de grève, c'est comme Paris au mois d'août à condition de ne pas s'aventurer entre Bastille et Nation (1 h 30 pour parcourir 500 mètres)... Et c'est le retour qui est plus délicat ! Vive la SNCF !
800 kms en 24 heures chrono, des retrouvailles, un repas au bord de l’eau, et contre toute attente, les k-ways, parapluies et bottes en caoutchouc furent de trop… nous avons même dû nous « effeuiller » au fur et à mesure que la nuit avançait…
Il a fait chaud, il a fait beau, ce fut la fête, la vraie dans un décor bucolique. Les cuivres, les voix et les cordes résonnent encore dans nos têtes ravies, stupéfaites et émerveillées.



Goran Bregovic, une fois encore, une fois de plus a enchanté, enthousiasmé et enivré son public (pas forcément conquis d’avance). Il nous entraîne et nous emporte avec lui dans la folie douce, énergique, douloureuse et insouciante de son orchestre plein de bruit et de fureur. Et dans ses chants parfois déchirants, ses mélodies souvent explosives, son bastringue de fanfare parfois, se réconcilient les serbes, les croates, les jeunes, les moins jeunes, les blancs, les jaunes, les noirs par toutes les musiques du monde !
Le miracle de Goran, il le résume lui-même : "si les musiciens s'amusent sur le podium, le monde s'amuse avec nous" (à prononcer avec fabuleux accent serbe).
Pour ceux qui ne connaissent pas encore :
Renseignements - réservations : 08 91 70 05 53
