LE SKYLAB
de Julie Delpy ***
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MES COUPS DE COEUR DE LA SEMAINE
Bab' et Nico sont victimes d'un coup de foudre réciproque. Bab' laisse un peu mariner Nico dans son jus et finit par céder. C'est l'amour, chabadabada, le bonheur et puis, alors qu'ils s'y attendent le moins, dans un moment de grande inconscience, Nico balance la phrase fatale "j'ai envie d'un enfant de toi", ce à quoi Bab' répond dans le même état de folie douce : "fais le moi", vite, maintenant, comme çaaaaaaaaaaaaaaaa. La grossesse n'est pas une partie de rigolade pour tout le monde. Les vômissements des premiers mois pour madame, la peur de se faire bouffer le kiki pour monsieur et j'en passe car tout y passe. Il ne manque rien et ce film pourrait être un véritable documentaire sur tous les émois et transformations vécus par un jeune couple inexpérimenté qui peu à peu prend conscience de ce qu'ils ont mis en route. On n'échappe pas non plus à quelques banalités du genre : "nous sommes irresponsables, comment pourrions-nous être responsables de quelqu'un d'autre ?". Soit.
C'est vraiment bien que ce soit un garçon qui se penche sur ce miracle et ce mystère que sont la grossesse puis la maternité. Mais Rémi Besançon aurait dû mieux se renseigner sur certains éléments. J'aimerais en outre qu'il me présente UNE femme une seule pour qui la rééducation périnéale a été un motif de jouissance au point d'en réclamer des séances supplémentaires à son kyné !!! Bon, passons sur les aberrations, il s'agit peut-être là d'un élément de comédie qui ne m'a pas fait rire.
Même si le papa se montre très concerné dès l'apparition de l'ange blond, ce qui se passe entre un nourrisson et sa maman reste à tout jamais de l'ordre du surnaturel... malgré Laurence Pernoud et autres tyrans de la maternité heureuse. Surtout s'il s'établit comme c'est le cas ici, entre Léa aujourd'hui je pense que si une instit' appelle Léa dans une classe, 22 filles sur 28 se retournent et sa maman, un lien que l'on peut qualifier de fusionnel. L'homme, le mari, le compagnon, le père est totalement exclu de cet indissociable duo. C'est ainsi. Que voulez-vous que la bonne y fasse. Le film décrit et décortique au scalpel comment deux êtres de lumière faits l'un pour l'autre en arrivent à ne plus se comprendre isolés qu'ils sont dans leur monde respectif, séparés, pas forcément à tout jamais par un morceau de la chair de leur chair qui ne leur laisse plus un instant pour vivre, respirer, penser. Comment un petit bout de rien du tout va réussir sans le savoir, sans le vouloir (à moins de s'appeler Kevin), à séparer ses parents qui vont passer le reste de leur vie à lui mentir assurer qu'il n'est pour rien dans cette séparation ? Et pendant que la maman s'enfonce mollement mais sûrement dans une déprime tenace, qu'elle n'est plus que le prolongement de son tout-petit, que son existence sociale et affective est réduite à néant, le papa, ce Robinson abandonné en arrive à prononcer et penser des évidences telles que "je me crève la paillasse pendant que tu restes à la maison". Pour remédier à cela, pourquoi ne pas partir en vacances et en faire un petit deuxième pour la route ? Mais je ne voudrais pas spoiler...
Il y a donc de bonnes choses, de très bonnes et d'autres nettement moins. Commençons par le moins, les clichés et les personnages insupportables tel celui de la mère de Nico, Gabrielle Lazure. On a beaucoup de difficultés à comprendre comment ce grand garçon, un peu puéril certes mais d'une patience rare et inconditionnellement épris de sa chérie, ne remette pas vertement à sa place son infernale génitrice les garçons savent faire ça sans que ça les empêche de dormir. La mère de Bab', Josiane Balasko (j'adore cette femme) est beaucoup mieux servie même si elle est capable de sortir des horreurs sans nom à ses filles qui continuent de venir la voir sans broncher. Malgré son côté "je suis mère donc je sais TOUT de la maternité", elle a de bien belles scènes de connivence et d'harmonie avec sa grande fille perdue cheveux gras.
Par ailleurs, le fait que Nico (vendeur de DVD) trouve une situation (costume cravate tickets restau) en moins de temps qu'il ne faut pour le souhaiter, m'agace particulièrement. Peut-on me dire comment on s'y prend ?
On évite la bande de copains obèses ou libidineux qui semblent être réservés aux américains, et Thierry Frémont et Anaïs (la chanteuse, très bien) font office d'amis à la vie à la mort qui tentent de comprendre ce que deviennent leurs potes.
Par contre, les parties grossesse (si l'on excepte l'accouchement particulièrement éprouvant) et déprime post partum m'ont semblé plutôt justes, bien observées, réalistes, ainsi que la désagrégation du couple.
Et puis l'atout numéro un de ce film c'est évidemment le petit couple que forme Pio Marmaï et Louise Bourgoin (qui ne m'avait jamais convaincue jusque là et que j'ai trouvée vraiment très bien ici, d'autant que la demoiselle n'a jamais procréé ce qui prouve qu'elle est une vraie actrice). Ils sont tous les deux absolument craquants et complices à un point qu'on les croirait ensemble pour la vie. Les premières minutes où ils tentent de se séduire par titres de DVD interposés sont très réussies, drôles et charmantes.
Et puis, il y a Louis-Do de Lenquesaing et là, j'ai vraiment eu envie d'écrire une thèse en philosophie...
Kevin est un ado de 16 ans à qui il est fort déconseillé de confier sa petite soeur. Entre autre. Mal dans sa peau, mal dans sa vie, Kevin n'a jamais trouvé sa place dans ce monde et a décidé de faire de la vie de celle qui l'a mis au monde un enfer. Pari gagné. Dès la naissance de Kevin, Eva devient l'ombre de son enfant, pourtant fort désiré, qui n'est que cris, hurlements de jour comme de nuit. Il redevient l'ange que tout nourrisson se doit d'être dès que papa entre dans la maison. Une chose est sûre, ce film est peu recommandé à toutes celles qui ont décidé de procréer et en tout cas devrait calmer celles qui le voient d'appeler leur rejeton Kevin.
Dès sa plus tendre enfance, Kevin ne parle pas et refuse obstinément de faire ses besoins aux toilettes. A 6 ans et plus, il ne dit pas un mot et porte encore des couches qu'il souille avec un grand sourire dès que sa mère l'a changé... ce qui nous vaut un lancer de Kevin des plus surprenants, et une réaction étonnante de la part de ce sournois Kevin qui ne dénoncera pas sa mère... Malgré les soins attentifs d'Eva et ses efforts pour tenter de jouer avec son enfant, Kevin ne joue pas et regarde sa mère fixement avec à la fois dégoût et indifférence. Les médecins sont rassurants. Bien que Kevin soit peu réactif, il va très bien et ne présente aucune des caractéristiques de l'autisme. Il faut être patient avec cet ange. Car de toute façon : c'est TOUJOURS la faute des mères !
Ce petit vicelard n'est que haine et roublardise et avec l'âge il va dans un premier temps développer un sens aigü de la torture mentale et opposer des arguments puissants aux tentatives maternelles d'établir un lien. La scène où Eva emmène son fils au restaurant est un des sommets.
Ce film est un choc et aucune explication n'est donné au comportement de Kevin qui aboutira à un bain de sang mûrement et froidement préparé. Eva a t'elle détesté son fils alors qu'elle le portait encore en elle ? Une scène de préparation à l'accouchement la montre désemparée alors que les autres futures mères sont rayonnantes. L'éducation de Kevin a t'elle eu des ratés qui expliquent sa déviance ? On ne saura rien. On constate. On découvre scène après scène au travers des souvenirs d'Eva comment le regard de Kevin constamment entre le dégoût et le jugement est vide de toute humanité. La construction du film en flash-backs nombreux nous met peu à peu sur la piste de la naissance et de l'évolution d'un monstre au visage d'ange mais au regard inquiétant.
Dès l'ouverture, on ne sait ce qu'on va découvrir derrière le rideau qui se soulève doucement. On ne passera derrière ce rideau qu'à la toute fin. Entre temps, tout le film sera destructuré. On suivra Eva, fantôme ambulant, en sursis, en sur-vie. On égrènera avec elle ses souvenirs pour tenter de comprendre, et comme elle, on restera dans un état de sidération suffocant. La réalisatrice choisit le rouge comme couleur dominante (tomate, peinture, confiture...) comme pour prévenir le spectateur que sous l'apparence d'un tout petit bébé innocent se dissimule un psychopathe sanguinaire qui un jour peut-être en aura assez de torturer sa mère. Ou alors cherche t'il à attirer son attention encore davantage ? A rester seul pour toujours avec elle ?
Evidemment ce film étrange et dérangeant souffre de quelques faiblesses. Notamment la personnalité du père, un bon nounours, et John C. Reilly lui prête son visage de bambin joufflu et son physique rassurant de bûcheron, qui ne voit rien, n'entend rien, ne dit rien. On se demande comment cette femme de caractère ne quitte pas ce mou du genou qui trouve toujours que Kevin est un enfant. Il laisse sa femme se démerder avec le tyran malgré les signaux qu'elle lui envoie : Kevin est un malade mental. Ce sera également lui qui le transformera en Robin des bois...
J'élude donc les quelques failles de ce film qui est une belle secousse et note évidemment en particulier les compositions impressionnantes de Tilda Swinton qui se balade avec une aisance confondante entre la bourgeoise glacée et le zombie à l'agonie, et aussi celle de Ezra Miller dont le regard fou de déséquilibré est un effet spécial à lui seul !
La guerre 39/45 a stoppé net la grande vague d'immigration d'Afrique du Nord vers la France. Les ouvriers algériens, marocains, tunisiens se retrouvent dans Paris, livrés à eux-mêmes et au chômage. En 1942 Younes un jeune algérien qui est arrivé trois ans plus tôt survit sans état d'âme grâce au marché noir. Son but : se faire un maximum d'argent pour regagner son pays. Mais il se fait arrêter et la police française lui propose de le laisser poursuivre ses activités à condition qu'il espionne le Recteur de la Mosquée de Paris soupçonné de délivrer de faux papiers aux juifs. Younes, terrifié, accepte. Il fait la connaissance du chanteur algérien Salim Halali. Peu à peu, de jeune homme sans conscience politique, Younes s'engage au risque de sa vie, au côté de ceux qui se battent pour devenir des hommes libres.
Encore un pan de l'histoire si dense de cette époque étrange révélée par le cinéma. Gloire au 7ème art donc ! Hélas, par excès ou manque de zèle, Ismaël Ferroukhi ne nous emporte pas dans le souffle éminemment épique de son histoire qui, sur le papier devait s'avérer fascinante. Hélas encore, il multiplie les pistes et les personnages et en abandonne certains. On ne croit pas un instant à l'attirance de Younes pour le personnage de Lubna Azabal. On la suit de très loin alors qu'un mystère l'entoure, et puis elle disparaît dans l'indifférence générale. Le personnage du chanteur qui devrait subjuguer parce qu'il se passionne essentiellement pour son art au détriment de sa sécurité souffre de l'interprétation sans âme de son (pourtant très bel) acteur. On imagine qu'en ne voulant pas sombrer dans une réalisation grandiloquente qui aurait convoqué les larmes et les violons le réalisateur s'est cantonné à exposer les faits. C'est très dommage car les événements de cette époque qui s'éloigne de plus en plus de nous, continuent néanmois de captiver et Ismaël Ferrouhki aurait pu nous bouleverser grandement avec ces personnages tellement ordinaires et pourtant tellement surprenants.
Il n'en demeure pas moins que j'espère, lors de mon très prochain passage à Paris, visiter cet endroit qui semble assez exceptionnel.
Par ailleurs, il est évident que ce film bénéficie de deux atouts majeurs. C'est Michael Lonsdale qui empoigne avec sa prestance et sa délicatesse le rôle du Recteur de la Grande Mosquée. Tout comme en religieux catholique dans "Des hommes et des Dieux", ce merveilleux et magnifique acteur impose sa prestance, son autorité et sa souriante bonhommie en religieux mahométan humain et charitable.
Et puis, il y a Tahar Rahim qui a tout compris au métier d'acteur et qui nous livre une nouvelle fois une composition saisissante. De gamin individualiste, insensible qui ne pense qu'à sauver sa peau, tout à coup pétrifié par la peur (il faut voir son regard s'embuer, son menton trembler sans que jamais les larmes coulent !), incapable d'entrer dans la peau du traître, il se transforme en être humain qui s'ouvre à la compassion puis s'engage en résistance pour parvenir au statut de héros. Ce garçon est INDISPENSABLE au cinéma. Tout chez lui est un instrument, son corps, son visage, sa voix. Il lui faut absolument des films à la hauteur de son prodigieux art.
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LA GUERRE EST DECLAREE de Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm ***
LA FEE de Fiona Gordon, Dominique Abel et Bruno Rémy **
LA NOUVELLE GUERRE DES BOUTONS de Christophe Barratier °°
Un garçon croise le regard d'une fille lors d'une soirée et comme il arrive parfois dans la vraie vie rêvée c'est le coup de foudre. Et réciproque qui plus est. Le garçon se présente : "Roméo", "c'est une plaisanterie ?" répond Juliette. Et non, ces deux là étaient destinés à se rencontrer, à s'aimer et à vivre une grande histoire d'amour. Mais rien de ce qui suivra ne sera une plaisanterie. Tout s'enchaîne comme une évidence jusqu'à ce désir d'enfant qui se concrétise rapidement en la personne d'Adam qui n'aura pourtant rien des caractéristiques du bébé dont rêvent tous les jeunes parents. Adam crie fort lorsqu'il est nourisson. Plus tard, il peine à marcher, à se tenir droit. Puis une légère paralysie déforme son visage. C'est à peine perceptible mais la pédiatre en est sûre, il faut qu'Adam subisse des examens. Dès lors que le verdict tombe comme un couperet, le sol se dérobe sous Juliette et le ciel s'effondre sur Roméo. Adam a un cancer du cerveau, il faut l'opérer. Passés la stupeur et l'accablement des premiers instants, Roméo et Juliette vont affronter l'épreuve avec une énergie et un optimisme admirables, soudés comme jamais face au désastre. Ils n'ont pas compris exactement tout ce qu'ont dit les médecins. Tant pis, ils décident de ne retenir que ce qui est positif... les chances infimes que Roméo s'en sortent sans séquelle.
A moins que vous n'ayez vécu en Papouasie depuis le mois de mai dernier date à laquelle ce film a fait l'ouverture de la semaine de la critique au Festival de Cannes sans votre clé 3G vous savez comme tout le monde que cette histoire est l'histoire vraie des deux acteurs réalisateurs et que leur petit garçon Gabriel qui a aujourd'hui 8 ans se porte bien et joue à la DS. Dès les premières images on le sait, l'enfant a survécu à la maladie, à l'opération, aux différents traitements très lourds et très longs. Aucun suspens sur ce point. Valérie Donzelli prend le parti de ne pas jouer avec nos nerfs en installant une incertitude inutile, et c'est la première gande qualité de ce film. L'enjeu n'est d'ailleurs pas de nous montrer un enfant malade qui lutte contre la maladie mais essentiellement le combat que ses parents ont mené pour remporter cette guerre déclarée qui détruit et emporte tout sur son passage; On ne verra jamais Adam malade, souffrant et pourtant on arpentera souvent les couloirs des hôpitaux.
J'avais été un peu refroidie par le battage fait autour de ce film et j'ai tardé à le voir craignant d'être manipulée un peu trop facilement à cause d'un thème aussi sensible et douloureux. Mais justement la réalisatrice ne cède pas à la facilité et habille son film d'énormément de dignité, d'énergie et d'humour. Alors oui, j'ai pleuré copieusement (ne vous hasardez surtout pas dans une salle sans vous munir de mouchoirs), mais ce n'est certes pas parce que la réalisatrice joue sadiquement avec nos petits coeurs sensibles mais parce qu'elle nous bouleverse en nous faisant entrer en empathie avec ses personnages qui souffrent le martyre sans jamais s'écrouler. Et l'on rit beaucoup quand par exemple lors d'une nuit d'angoisse où l'insomnie gagne, les parents d'Adam décident d'exprimer tout haut ce qui les effraie. Ils dressent alors l'inventaire de ce qu'il craigne pour leur petit. Qu'il se réveille de l'opération sourd, aveugle, muet, nain, homosexuel et noir par exemple ! Et l'on pleurt très fort lors de la scène que j'ai trouvée magistrale de l'annonce de la maladie à tout l'entourage, famille et amis. Sur l'Allegro des Quatre Saisons de Vivaldi la caméra passe en virevoltant d'un personnage à l'autre. Pas besoin de mots. On découvre les réactions de chacun et on se met à la place de chacun... C'est fort, réaliste et bouleversant.
On sort de ce film assez secoué par tant de douleur contenue, tant de décence à surmonter le cauchemar de l'adversité qui s'abat, mais aussi tant d'amour, tant de douceur, tant d'énergie !
Enoch a un curieux passe-temps. Depuis la mort de ses parents il s'invite aux cérémonies d'enterrement. C'est là qu'Annabel, son double féminin le remarque, le suit et souhaiterait bien davantage. Le jeune homme résiste d'abord (on y croit !) puis cède devant la persévérance de la demoiselle. Annabel qui n'a plus que trois mois à vivre (cancer du cerveau) et Enoch vont vivre cette phase terminale en parfaite harmonie, déconnectés du monde des vivants (on y croit).
Si je ne savais que ce film a été tourné à Portland, patrie chérie du réalisateur, je dirais presque qu'il est parisien tant il est chic, snob et toc ! Je n'ai pas cru un instant à l'amour providentiel des deux gravures de mode très classe que sont Henry Hopper (réincarnation ou fantôme très très sage de papa Denis) et Mia Wasikowska (charmant petit oiseau très souriant). Ils changent de tenue vintage à chaque plan et évoluent dans une espèce de flou hamiltonien de la dernière élégance en évitant le plus souvent possible d'évoquer la fin prochaine d'Annabel. Quant à l'émotion, elle était en ce qui me concerne aux abonnés absents et la disparition brutale d'Annabel sans aucune souffrance ni dégradation (appelons cela décence pour être poli) m'a laissée de marbre.
Quand élégance rime à ce point avec froideur il est impossible d'être touché. Reste un objet raffiné, propret mais totalement artificiel !
Un jour la fée Fiona jette son dévolu sur Dom, veilleur de nuit dans un hôtel miteux et peu fréquenté du Havre. Elle lui propose de prendre son temps pour faire trois voeux qu'elle exaucera. Après en avoir réalisé deux et avoir disparu, Dom s'aperçoit qu'il est amoureux de Fiona. Il part à sa recherche, la retrouve, une grande histoire d'amour peut commencer.
Bienvenue dans l'univers complètement barré, brindezingue et tout foufou de la femme élastique et de l'homme caoutchouc. Le rêve et le burlesque se mêlent à une réalité plus rude et cruelle entre psychiatrie, travail précaire et immigration, mais les acteurs/réalisateurs n'en ont cure et misent définitivement sur un optimisme forcené qui fait du bien partout.
Il convient de se laisser porter par la folie douce et l'enthousiasme délirant des personnages qui ne ressemblent à aucun autre. Déjà physiquement, Fiona et Dom sont loin, que dis-je, à l'opposé des stéréotypes qu'on nous impose. Mais ces gens ordinaires qu'on croise sans les remarquer ont un univers et un humour qui ne peuvent laisser indifférent.
Ce que je préfère Chez Dom et Fiona, ce sont leurs chorégraphies. A trois reprises, ils exécutent un pas de deux dont ils ont le secret et c'est un véritable ravissement. Quelques superbes images de bord de mer, sur les toits ou au bord de citernes d'essence démontrent aussi que les réalisateurs savent poser leurs doux regards sur les choses.
Pour ceux qui n'ont pas eu la chance de voir ce film en salle à sa sortie. J'ai pu grâce à Cinétrafic le revoir en DVD et je ne peux que vous le recommander vivement.
La sortie DVD est prévue ce mercredi 21 septembre.
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Dans "Naissance des pieuvres", Céline Sciamma explorait le monde impitoyable de l'adolescence de 3 soupirantes et insupportables jeunes filles. J'avoue que non seulement j'étais loin d'avoir été convaincue mais que je m'étais même franchement ennuyée par moments pour ne pas dire plus et rester polie. En gros en prendre une pour taper sur les deux autres à tour de rôle m'aurait sans doute soulagée. Cette fois c'est dans l'enfance qu'elle se replonge et nous immerge. C'est mille fois plus intéressant, mille fois plus attirant et attachant. C'est l'époque, juste avant l'adolescence justement où les enfants le sont encore mais plus vraiment, mais où ils ne sont pas encore devenus les adolescents pénibles qui deviendront dans 90 % des cas des adultes stupides !!! L'approche quasi documentaire de la réalisatrice sans doute sublimée par une direction d'acteurs (ou plutôt d'enfants) absolument irréprochable fait qu'on est directement associés et intégrés aux jeux de ces enfants qui ont au maximum 10 ans puisqu'ils sont en CM2. Mais ce sont encore les vacances d'été et Laure emménage une nouvelle fois dans un appartement, une nouvelle ville et doit une fois encore conquérir de nouveaux copains. Ses cheveux très courts et ses tenues qui se limitent à un short et un débardeur lui donnent l'allure d'un garçon et il n'en faut pas plus. Une petite fille de la cité lui balance "tu es le nouveau ? Tu t'appelles comment ?" et Laure sans plus y réfléchir répond "Michaël". Elle parvient à maintenir son mensonge dont elle ne réalise pas les répercussions qu'il pourrait avoir. Elle joue au foot torse nu avec les garçons, laisse sa copine Lisa tomber amoureuse d'elle, se baigne en ayant soin de se confectionner une petite boursouflure qu'elle intègre dans son slip de bain... Faire pipi debout est plus incertain.
Faire aussi simple, aussi délicat, aussi intelligent avec un tel sujet est un exploit. La question de l'identité sexuelle, de sa place, de certains choix pour une petite fille qui ne veut pas vraiment être un garçon mais ne souhaite absolument pas être une fille "ordinaire" est traitée avec beaucoup de charme et de sensibilité. On tremble pour Laure/Michaël. On se demande jusqu'à quand son subterfuge va tenir. On espère qu'elle ne sera pas découverte tout en sachant que ça ne peut éternellement durer. On sait que les enfants peuvent être cruels et injustes entre eux. Peu à peu, c'est comme un étau qui se resserre sur un mensonge qui semblait sans importance, un peu drôle, mais qui risque d'avoir des conséquences.
Les réactions sont passionnantes à observer. Lorsque la petite soeur de 5 ans Jeanne (merveilleuse Malonn Lévana) est mise dans le secret, le film prend une nouvelle tournure qui est sans doute la plus intéressante. Il faut dire que la petite est une sorte de surdouée qui semble être née devant une caméra. La complicité et la connivence des deux soeurs est admirable. Lorsque la mère découvre comment sa fille a trompé tout le monde, sa réaction d'abord surprenante voire incompréhensible, brutale, inadaptée se révèle peu à peu le meilleur moyen de protéger son enfant.
Un beau film, tendre et troublant sur un thème inédit avec des enfants absolument époustouflants.
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NB. : supplément au DVD, entretien avec Céline Sciamma.
TOMBOY, un film de Céline Sciamma – En DVD le 21 septembre 2011 – Editeur : Pyramide VidéoCredit : © 2011 – Hold-Up Films & Productions / Lilies Films / Arte France Cinéma