DEUX PIANOS
d' Arnaud Desplechin °
FRANCE
Avec François Civil, Nadia Tereszkiewicz, Charlotte Rampling, Hippolyte Girardot
Mathias revient à Lyon après plusieurs années passées au Japon.
Elena la professeure de piano qu'il a eue jadis souhaite qu'il l'accompagne sur scène pour quelques concerts d'adieu. Mais Mathias croise un enfant qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau au même âge, plus tard il tombe en syncope en croisant Claude son amour de jeunesse à la sortie d'un ascenseur (on a presque envie de dire : "de tous les ascenseurs de toutes les villes du monde, il a fallu qu'elle entre dans le mien" (si vous avez la réf.) tellement c'est plausible), puis un de ses anciens meilleurs amis meurt... n'en jetez plus la coupe est pleine, Mathias patauge en pleine confusion.
J'ai failli faire l'impasse et ne pas vous parler de ce film exaspérant mais après tout, autant partager mon agacement. J'ai adoré beaucoup de films de ce réalisateur : Un conte de Noël : Roubaix, Trois souvenirs de ma jeunesse (une merveille !), Spectateurs !, Roubaix, une lumière, et avant que ce blog existe : Comment je me suis disputé... ma vie sexuelle, Rois et reines. Par contre je n'ai pas aimé du tout, voire détesté Jimmy P., Frère et soeur et Tromperie. Ce qui fait quand même une bonne moyenne positive et prouve aussi à quel point je suis une fidèle du réalisateur. Comment ce film m'est-il tombé des yeux, comme un livre vous tombe des mains ?
Difficile à dire.
Et pourtant j'aurais aimé être prise du même vertige qui saisit les personnages. Celui des deux anciens amoureux qui rallument la flamme et l'éteignent puis la rallument (c'est casse pieds comme tout), celui des musiciens véritablement possédés par leur art. Et puis il y a ces moments où d'ordinaire je me sens totalement en empathie avec les personnages toujours prête à m'évanouir avec eux comme lorsque Mathias tombe dans les pommes ou qu'Elena (Charlotte Rampling, géniale) est au bord du malaise avant de monter sur scène et rejoindre son instrument... Mais là, rien.
Jamais ce film, cette histoire ne m'ont provoqué la moindre émotion. La faute à une histoire tarabiscotée à laquelle je n'ai pas cru et à des personnages dont les réactions inattendues sont pour le moins dénuées de sens et surtout de fièvre. Tous les personnages sont tourmentés mais rien ne passe. Tout est élégamment filmé je crois mais les personnages échangent des propos à la fois d'une banalité exceptionnelle et curieusement très pompeux. Le petit garçon triste plus adulte que sa mère, on n'y croit pas même si c'est très commode un petit garçon qui accepte sans broncher toutes les fantaisies de sa mère et les tourments de la vie. J'ai entendu Nadia Tereszkiewicz dire qu'elle n'avait rien compris à son personnage. Je comprends ce qu'elle veut dire, ce personnage horripilant est complètement abscons. Elle minaude, fait des caprices, hurle, pique des crises d'hystérie, dit tout puis son contraire dans la même phrase et manipule sans vergogne ce pauvre Mathias qui doit retirer son pantalon, puis le remettre, s'entendre dire adieu puis lui grimper dessus. Le pire étant cette réplique que je trouve plus assassine que toutes les horreurs qu'elle profère. A cet homme qui (en dehors de ses caprices) ne vit que pour la musique depuis son enfance, elle dit en éclatant de rire : "mais qu'est-ce que c'est chiant la musique, je n'y comprends rien". Tandis qu'il lui assure qu'elle est "spectaculaire"... on se demande vraiment en quoi.
Quant à Charlotte Rampling, son personnage disparaît brutalement, dommage. François Civil est très bien et joue très bien du piano mais hélas ce film ne fera pas date dans sa carrière. Heureusement il y a Hippolyte Girardot absolument délicieux qui apporte une touche de fantaisie à ce film plombant qui m'a fait pousser des soupirs d'ennui d'une profondeur indescriptible. Et ce n'est pas la musique un peu difficile d'accès (Bartok, Massenet, Schumann) qui aide à s'échapper de l'ambiance. J'ai trouvé la fin très bête.

Commentaires
Next ! J'ai vu Nadia et François : j'ai été tenté. Et puis, mon enthousiasme s'est petit à petit dégonflé. Tu achèves de me convaincre de ne pas y aller. Un jour, peut-être, sur Arte...
Desplechin, je connais encore mal, mais... c'est comme si je m'en méfiais encore un peu. L'idée (peut-être erronée) d'un cinéma un peu cérébral et d'un artiste un peu éloigné des personnes qu'il invente.
Je ne sais pas trop. Cérébral peut-être, un peu intello mais pas casse-c.......
Trois souvenirs de ma jeunesse est absolument merveilleux.
Et le personnage Paul Dédalus que l'on retrouve dans pas mal de films est vraiment inspiré de sa vraie vie (à Desplechin) je crois.
Ici, le "couple" ne fait pas du tout passer la fièvre qui les anime et le personnage de Nadia est vraiment trop insupportable. Mais tu adores cette actrice et tu avais aimé son film où elle avait une barbe et pas moi. Nous ne sommes pas toujours (souvent ?) du même avis.
Tu as raison : je me souviens que certains personnages de Desplechin s'inspirent de sa propre personnalité et de son parcours. Juste, j'ai l'impression que d'autres sont un peu "édulcorés" ou "dramatisés" pour le cinéma. Exemple : ceux de Sara Forestier et Léa Seydoux dans "Roubaix, une lumière" (que je considère toutefois comme un film très honnête).
Nous ne sommes pas toujours du même avis, mais nous le sommes souvent. Notre sensibilité n'est pas tout à fait la même, ce qui fait que nous n'avons pas forcément les mêmes attentes ou impressions. Je crois tout de même qu'en général, nous sommes d'un avis assez proche.
Quant à Nadia, c'est vrai que je l'aime beaucoup et notamment pour la diversité de ses rôles. Il y a des films où elle n'incarne qu'un personnage secondaire et où je la trouve très bien, comme "Seules les bêtes" ou "La dernière reine".
Roubaix est un excellent film je trouve et excepté qu'il a été tourné à Roubaix (fief du réalisateur) il ne ressemble à aucun autre de Desplechin je crois.
Nadia est en général très bien et a une certaine audace dans ses choix. Ici c'est vraiment le personnage qui est insupportable. Mais comme je le dis dans la note, je l'ai entendue timidement et un peu sur le mode de la plaisanterie dire qu'elle n'avait rien compris à cette Claude (prénom d'un autre âge... mes excuses aux Claude). J'étais estomaquée qu'une femme joue ainsi avec le coeur et les sentiments d'un homme mais apparemment ça n'a choqué que moi.
Je n'étais déjà pas très tentée alors là, c'est cuit.
Franchement, je pense que tu ne serais pas à la fête !
Quelques moments de grâce, mais j'ai été gêné constamment par deux paramètres, le premier est ce suspense éventé dès le départ tant on devine qui est l'enfant, puis des deux histoires en parallèle mal reliées qui donne la sensation désagréable que le réalisateur a réuni deux projets en un sans trouver réellement ce qui pourrait les réunir...
Oui, tu parles d'un pauvre suspense. Et cet enfant tellement compréhensif !!!
Et Charlotte qui disparaît...
Bref, ni queue ni tête.
Il ne me tentait pas du tout. J'ai vu seulement deux films de lui, que tu cites dans ce que tu as aimé, et que j'ai bien aimé aussi mais ce réalisateur ne me fait pas courir en salle.
Ce film là est vraiment pénible. Et la pauvre Nadia et son personnage... au secours !!!