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  • EXTRÊMEMENT FORT ET INCROYABLEMENT PRES de Stephen Daldry °°

    Extrêmement fort et incroyablement près : photo Max von Sydow, Stephen Daldry

    Extrêmement fort et incroyablement près : photo Stephen Daldry

    Où étiez-vous le vendredi 11 septembre 2001 vers 17 heures (heure française). Moi je me souviens très bien. J'étais à la "RNAC" haut lieu de culture où je ne mets plus les pieds car la clim y est une catastrophe thermo-nucléaire et je plains de tout mon coeur sec les gens qui y travaillent (on y gèle en été, on y transpire en hiver !!!) et le personnel quoique très compétent dans les rayons ("je voudrais le livre dans lequel à un moment le héros il porte un tee-shirt vert !" et le gars vous sort le livre...) est particulièrement imbuvable en caisse. Cela dit sommes-nous obligés de boire le personnel de caisse ? Non. Et puis surtout je n'y vais plus car j'ai découvert un endroit beaucoup chaleureux et convivial. C'est donc dans ce lieu à la clim' déréglée où plein de postes de télé sont allumés simultanément que j'ai vu un avion percuter une Twin et même que je le trouvais bizarre ce film aux prises de vue bancale...

    Mais bon, je ne vais pas vous raconter mon 11 septembre étant donné qu'au 105ème étage de la tour et de façon tout à fait imprévue, se trouvait le père d'Oskar, un garçon de 11 ans aussi antipathique qu'insupportable. Autant vous le dire tout de suite, le père ne survit pas et c'est évidemment un drame pour Oskar qui partageait avec lui une passion pour les jeux à la con et les expériences en tout genre telle que la recherche d'un sixième district à New-York. Oskar, reconnaissons-le est une espèce de Raymond la Science qui sait tout sur tout et le fait savoir à qui l'approche dans la seconde. Atteint d'un syndrome d'Asperger pas vraiment diagnostiqué, il est un peu surdoué mais aussi très très angoissé. En gros, il a peur de tout (et ça ne s'arrange pas après les attentats) du bruit, du silence, des avions, des trains, des voitures, des marteaux piqueurs, de faire de la balançoire, de lever la tête, de baisser la tête... pour avoir la liste complète rendez-vous en salle. Lorsque son père meurt, Oskar est évidemment très malheureux et devient absolument excécrable avec sa  pauvre mère qui tolérait que le père et le fils dorment ensemble. Il trouve dans la chambre du père une enveloppe contenant une clé et il devient obsédé à l'idée de découvrir quelle serrure ouvre cette clé. Il est persuadé que son père lui a laissé ce message et souhaite par l'infini et au-delà communiquer avec lui. Comme s'il avait prévu de mourir ! Passons et faisons mine de comprendre. Voilà donc notre génie qui s'en va parcourir en long en large, en travers et à pieds les différents quartiers de New-York à la recherche d'un certain Black qui détiendrait, en plus de la clé du mystère, la serrure qui va avec. Anéfé, sur l'enveloppe était juste inscrit ce mot : Black, et Oskar le génie recense grâce aux bottins de la ville, 476 Black résidant dans la Grosse Pomme. Bon courage. En chemin, il rencontre larirette larireeette, plein de gens dont la plupart très bienveillants prient Dieu pour qu'il atteigne son Graal.

    Puis il rencontre un très vieux monsieur, très seul et complètement muet qui va un temps l'aider dans sa quête. Un beau jour le vieux renoncera trouvant sans doute comme moi que Raymond la science est déplaisant au possible. Il préfèrera prendre un taxi pour s'en aller ailleurs sans se retourner. Oskar est incapable de s'adresser aux adultes sans gueuler et déclamer des tirades interminables pour justifier le moindre de ses actes. Quand il ne s'adresse pas aux personnages du film, il parle en voix off et ce moutard arrogant et insolent, d'insupportable devient quasiment détestable. Le dernier acteur enfant que j'ai eu envie de trucider jouait dans... non, je ne le dis pas, j'avais eu des plaintes... mais celui-ci j'ai eu non seulement envie de l'exterminer mais que ce soit dans les pires souffrances. Les mots me manquent pour dire à quel point il est agaçant, horripilant, crispant. Je ne lui cherche pas d'excuses mais il faut reconnaître néanmoins que ce film idiot et exaspérant n'est pas fait pour le rendre sympathique et encore moins émouvant.

    J'ai du mal à croire que ce Stephen Daldry ne soit pas un homonyme. Il ne peut s'agir du même Stephen Daldry responsable de "Billy Elliot", "The hours" ou "The reader" ! C'est impossible. Qu'a voulu démontrer ce Daldry ci ? Le traumatisme des attentats du WTC sur le new-yorkais moyen ? Raté. Complètement. Ce ne sont pas quelques inserts quasi documentaires avec plans fixes sur des gens qui ont l'air vrai ou une visite du mur des "portés disparus" qui vont accorder un semblant de réalisme à ce machin boursouflé et cousu de gros fil blanc. L'enquête d'Oskar ne tient pas debout et le simili suspens entretenu à deux reprises par une musique d'ascenseur (ah ! la grande scène du 2 où il fait écouter les messages laissés par son père en train d'agoniser dans la tour !!!) fait complètement flop. Et les épilogues ont vraiment de quoi faire sourire si l'ensemble ne mettait vraiment de mauvaise humeur.

    A quoi s'attendre avec un titre aussi débile de toute façon dont je ne comprends d'ailleurs pas la signification ? Et que fait le merveilleux Max Von Sydow dans ce ratage absolu ? Quant à Tom Hanks, il semble définitivement perdu pour la science. Ses gesticulations et grimaces stupides ne sont ni drôles ni émouvantes. On est même gêné pour lui de le voir s'agiter ainsi et soulever les épaules comme un débile. Quant au moutard enfin, le miracle "Billy Elliot" ne se renouvelle pas, loin s'en faut, c'est même plutôt l'inverse.

  • LES INFIDELES de Jean Dujardin, Gilles Lellouche, Emmanuelle Bercot, Fred Cavayé, Eric Lartigau, Michel Hazanavicius, Alexandre Courtès **

    Les Infidèles : photo Alexandre Courtès, Emmanuelle Bercot, Eric Lartigau, Fred Cavayé, Gilles LelloucheLes Infidèles : photo Alexandra Lamy, Alexandre Courtès, Emmanuelle Bercot, Eric Lartigau, Fred CavayéLes Infidèles : photo Alexandre Courtès, Emmanuelle Bercot, Eric Lartigau, Fred Cavayé, Gilles Lellouche

    Le couple est-il synonyme d'infidélité(s) ? Oui répondent en choeur les 7 réalisateurs de ce film à sketches. Mais ce sont ici les hommes qui ont l'adultère et la trahison chevillés au corps. Je reconnais que j'allais un peu à reculons vers ce film car j'en ai vraiment plus qu'assez de la misogynie ambiante au cinéma, de l'image véhiculée sur les femmes (surtout les jeunes) par les réalisateurs avec la complicité des filles elles-mêmes tellement préoccupées par leur apparence et j'en passe (on n'est pas à un congrès du MLF). Mais contrairement à ce que j'imaginais et malgré les lourdeurs, les caricatures, j'ai ri et même souvent. Et il ne s'agit pas uniquement ici de rire DE, mais de rire AVEC. Bien sûr la plupart du temps, la caricature extrême fait plonger les hommes dans un ridicule sans fonds mais franchement, c'est parfois pas mal observé surtout lorsque ces chers machos se prennent pour des séducteurs irrésistibles. On sait de tout temps qu'un homme qui multiplie les conquêtes est un Don Juan, un tombeur, un bourreau des coeurs et qu'une femme atteinte du même symptome de conquérante est une salope, une nymphomane. C'est comme ça ! Qu'à cela ne tienne, je devais être de bonne humeur car je n'ai pas éprouvé ce sentiment de déséquilibre. Et si les hommes sont ici risibles et consternants dans leur addiction, j'ai trouvé que les femmes réagissaient plutôt avec fermeté à leurs petites bassesses et autres tromperies.

    Comme tout film à sketches il est forcément inégal. Le tort dans ce genre d'entreprise est de se réclamer forcément et systématiquement de Dino Risi et de ses Monstres ou d'Ettore Scola. Car si je tiens Jean Dujardin pour un merveilleux acteur, est-ce que Gilles Lellouche peut se réclamer de Vittorio Gassman, de Nino Manfredi ou Ugo Tognazzi ? Faut pas pousser mémère et je compte parmi mes films cultes "Nous nous sommes tant aimés" qui me fait toujours fondre en larmes de bonheur. Je n'imagine pas que ce film ci puisse devenir culte malgré de vraiment bons moments et même un sommet !

    La partie Manu Payet addict aux femmes du troisième âge coquines et S.M. ne m'a nullement convaincue ni même tiré un sourire compte tenu de la chute du sketche. Et puis Manu Payet... bon passons ! L'épilogue à Las Vegas tourne à la grosse poilade et au big porte nawak où il n'y a plus que les acteurs qui s'amusent. Gilles Lellouche aux urgences, "coincés" à l'intérieur d'une fille est l'apothéose de la bêtise et de la vulgarité. Ce qui fait quand même un score de 3 sketches qui sont d'après moi ratés.

    Il reste la virée pathétique des deux amis qui bien que mariés et père de famille pour l'un ne peuvent s'abstenir de sortir chaque nuit et de se retrouver immanquablement le matin, à l'heure où les "balayeurs sont plein de balais", plutôt insatisfaits. La vacuité de leurs bordées régulières démontrent comme jamais à quel point la chair peut être triste et "l'ennui désolé par de cruels espoirs". Mufles de façon extraordinaire ils parlent constamment de leurs légitimes à leurs conquêtes d'un soir.Le séminaire plus vrai que nature d'une entreprise dans un hôtel*** où Jean Dujardin, le sourcil épais, le bide flasque tente en vain jusqu'au petit jour de trouver une femme pour passer la nuit avec lui. Ses tentatives grotesques pour séduire, être drôle le conduiront à se comporter en gamin avec une collègue gentille et très patiente qu'il a quelques heures plus tôt insulter  sont navrantes. Et Jean Dujardin n'a pas son pareil pour jouer les abrutis sans avoir l'air de forcer. La liaison qui finit par le dépasser d'un dentiste bientôt quarantenaire et d'une jeunette de 19 ans qui refuse de se laisser soumettre. L'épisode des "Infidèles anonymes" qui réunit tous les participants de chaque sketche avec Sandrine Kiberlain (tordante et excellente) en animatrice autoritaire de ces "malades" dont Guillaume Canet, hilarant et fayot qui en est à sa 8ème tentative de désyntox.

    Et surtout, surtout, et sans vouloir être rabat-joie, l'épisode intitulé "La question", le seul réalisé par une femme, Emmanuelle Bercot est de loin le meilleur. Il n'est pas seulement le meilleur à l'intérieur du film mais vraiment d'une qualité exceptionnelle. Un couple rentre chez lui après une soirée chez un couple d'amis dont l'homme, infidèle compulsif, évoque ses conquêtes à voix basse pendant que sa femme s'affaire en cuisine. Devant la muflerie de cette attitude Alex... euh Lisa demande à son Jeannot de se parler franchement dès leur retour à la maison. Elle l'assure que leurs 15 ans de vie commune auront raison d'un coup de griffe dans le contrat, d'autant que le temps a sûrement passé sur cette incartade. Mauvaise idée. Et c'est à un véritable "Qui a peur de Virginia Woolf" auquel on assiste. Et si le propos est particulièrement bien observé (la femme dit "qu'est-ce qu'elle avait de plus que moi ?" et l'homme "il baisait mieux que moi ?") et filmé, les deux acteurs en présence : Notre Loulou et Notre Chouchou sont absolument prodigieux et je pèse mes mots. Alexandra Lamy merveilleuse, profonde et intelligente se décompose littéralement sous nos yeux. Et Notre Jeannot beau comme jamais fait preuve d'une mauvaise foi (ça, on a l'habitude) et d'une violence dont on ne l'imaginait pas capable. La complicité, le timing du couple font une fois encore, comme au temps d'Un gars une fille, vraiment des merveilles dans un registre tout à fait inédit.

  • UNE BOUTEILLE A LA MER de Thierry Binisti ***

    Une bouteille à la mer : photo

     Une bouteille à la mer : photo

    La probabilité qu'un message envoyé dans une bouteille jetée à la mer reçoive une réponse est sans doute bien faible. Et pourtant, Tal adolescente française vivant à Jérusalem avec sa famille a demandé à son frère, militaire dans la bande de Gaza de faire ce geste infiniment romantique de jeter son message dans l'espoir qu'un palestinien lui réponde. Elle veut comprendre pourquoi un café de son quartier vient d'être détruit par un nouvel attentat. Et comme nous sommes au XXIème siècle, Tal a la prudence de noter son adresse mail. Elle reçoit un message bref et ironique signé de "Gazaman" qui lui propose de venir se rendre compte par elle-même de la façon dont les palestiniens fabriquent leurs bombes. Après quelques échanges moqueurs dans lesquels le garçon surnomme la jeune fille "Miss Peace", Tal réussit a faire comprendre à Naïm qu'elle souhaite un véritable dialogue qui s'engage effectivement.

    Evoquer le conflit israëlo palestinie, régulièrement dans l'impasse, en se plaçant du point de vue de la jeunesse est judicieux. Cela permet de le faire sans alourdir le propos de considérations politiques trop complexes et qui nous échappent de plus en plus. Tal et Naïm ont la vie devant eux et même s'ils grandissent dans des régions du monde particulièrement agitées, ils sont jeunes et imaginent un monde meilleur où leurs rêves se réaliseraient. Il n'y a que 73 kms entre Gaza et Jésuralem. Mais les deux villes sont séparées par un mur infranchissable et une situation désespérante qui ne trouve pas de solution. Comment une juive et un palestinien vont-ils réussir à s'entendre, se comprendre et s'écouter malgré toutes les horreurs qui les séparent ? Tal a 17 ans, elle refuse de se rendre dans des cafés où des bombes peuvent exploser à tout moment, elle descend parfois rapidement d'un bus parce qu'un homme semble porter un paquet suspect. Naïm a une vingtaine d'années et rêve de faire des études, de partir en France. Il est vite soupçonné de trahison par le Hamas depuis qu'il se rend trop régulièrement dans un cyber café pour écrire des mails, quand il n'est pas terrorisé tout comme sa famille par les bombardements d'une nouvelle guerre en 2008.

    C'est avec infiniment de délicatesse et une justesse impressionnante que Thierry Binisti nous fait pénétrer le quotidien de ce garçon et de cette fille que tout devrait opposer mais que leur intelligence et leur sensibilité vont rassembler dans une relation épistolaire captivante. La modernité, la "normalité" de Jérusalem parfois assombries par les attentats, s'opposent constamment à cette prison à ciel ouvert qu'est la Bande de Gaza, territoire de 41 kms de long où s'entassent presque deux millions de palestiniens. L'injustice et l'imbecillité de la situation, la terreur qui règne des deux côtés font que la relation de Naïm et Tal est constamment interrompue puis elle reprend pour s'interrompre à nouveau. Ils se rejettent puis se recontactent, s'inquiètent l'un de l'autre, l'un POUR l'autre, incapables d'interrompre ou de renoncer à leur étrange amitié. L'histoire des deux jeunes gens est ainsi perçue comme l'expression même des relations israélo-palestiniennes. On pourra parler de naïveté ou de superficialité, on peut plutôt y voir un message de paix et d'espoir et une foi absolue en la jeunesse.

    Agathe Bonitzer et Mahmoud Shalaby sont parfaits !

  • BULLHEAD de Michael R. Roskam ***

    Bullhead : photo Matthias Schoenaerts, Michael R. Roskam

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    Dans une ferme de la Flandre belge profonde, la famille Vanmarsenille élève du bétail et l'engraisse aux hormones. Le fils Jacky se fait subir le même traitement que les animaux et s'injecte les substances qui lui ont donné une apparence imposante voire monstrueuse. Il collabore avec un vétérinaire corrompu et est sur le point de conclure un marché avec le plus important trafiquant d'hormones du pays. Mais un policier est assassiné et le fameux trafiquant rapidement soupçonné. L'enquête policière s'approche de plus en plus de Jacky qui risque d'être inquiété. Dans le même temps refait surface l'ami d'enfance Diederick que Jacky n'avait pas revu depuis 20 ans et avec lui des souvenirs et des secrets profondément enfouis. Faire ressurgir cette époque douloureuse va être éprouvante pour Jacky.

    Je le dis pratiquement à chaque fois, mais le cinéma belge est différent de tous les autres et d'une qualité exceptionnelle. Récemment "Le grand tour" de Jérôme Le Maire ou "Les géants" de Bouli Lanners ont été des chocs. Et ce "Bullhead" ne s'écarte pas de cette règle d'un cinéma singulier même s'il peut être comme ici très dérangeant. Par l'attitude insaisissable, la violence parfois inexpliquable du "héros", ce qu'il fait subir à son corps, le drame invraisemblable dont il a été la victime, que l'on découvrira et permettra une amorce d'explication. Mais aussi par la bêtise, la laideur et la brutalité de la plupart des personnages secondaires. A la fois polar dans le milieu totalement inhabituel de la mafia des hormones et tragédie intime d'un homme dont le destin a cruellement basculé dans l'enfance, ce film évoque ces films américains qui dépeignent une humanité de l'Amérique profonde pas reluisante comme si elle avait été oubliée du reste du monde. Autour de l'affaire mafieuse et policière, on assiste au calvaire d'un homme meurtri et l'on découvre comment un petit garçon au visage d'ange est devenu cet animal effrayant.

    Filmé ample et lyrique dans une campagne dissimulant mal la violence des pratiques de ses habitants, la caméra se ressert et se concentre parfois sur le corps et le visage étonnants d'un acteur impressionnant dans tous les sens du terme. On a hâte de retrouver (dans le prochain Jacques Audiard me souffle t'on dans l'oreillette) Matthias Schoenaert qui n'est pas de ceux que l'on peut oublier. Il donne au film tout son souffle et son rythme, tendu et lent parfois puis brusquement violent. Et lorsqu'il se retrouve seul chez lui, désespéré, qu'il cogne ses poings dans l'air, pleure recroquevillé dans sa baignoire ou qu'il est égaré face à la fille qui le fascine bien qu'elle soit d'une fadeur exceptionnelle, on souffre avec lui. Ce garçon bouleversant est de ces monstres impossibles à détester.

  • INGRID JONKER de Paula Van Der Oest **

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    INGRID JONKER de Paula Van Der Oest, carice van houten, rutger hauer, liam cunningham,

    Un homme sauve une jeune femme en train de se noyer dans les eaux limpides et tumultueuses de l'Océan Atlantique en Afrique du Sud. Hasard et coïncidence, il s'agit de l'écrivain alors célèbre Jack Cope et de la poète Ingrid Jonker. Le coup de foudre est immédiat. Ingrid a lu cinq fois le roman de Jack. Elle lui écrit un poème, il n'en revient pas et malgré la différence d'âge l'installe illico avec son bébé Simone dans son bungalow au bord de l'océan. Le milieu intello du Cap des années 60 ressemblerait presque à tous les milieux intellos du monde si l'apartheid ne sévissait dans le pays faisant souvent de ces artistes des personnalités engagées contre le régime. L'idylle idéale des deux amants est de courte durée car Ingrid souffre de traumatismes durablement installés depuis l'enfance. Sa mère est morte, sa grand-mère l'a élevée jusqu'à ses six ans. A la mort de cette dernière elle est retournée vivre chez son père, député du parti national, qui l'installe dans les logements des domestiques. Toute jeune déjà elle écrit des poèmes sur les murs de sa chambre et n'aura de cesse de se faire aimer et de tenter de faire apprécier son travail à son père. Mais, Ministre de la Censure, il ne reconnaîtra jamais ni son travail, ni son talent. Désespérée d'être rejetée, déclarée "épuisante" par ses amants, anéantie par un avortement et les injustices dans son pays, elle sombre peu à peu dans la dépression et malgré ses tentatives pour s'en sortir, dans la folie.

    Découvrir grâce au cinéma des personnalités de la littérature mondiale m'attire toujours. D'ailleurs, contrairement à des, je ne suis nullement allergique aux biopics. La personnalité tourmentée et attachante d'Ingrid Jonker doit beaucoup au choix de l'actrice, une des meilleures actuelles selon moi, mais trop rare, Carice Van Houten qui sait effectivement être "épuisante" dans ses exigences et sautes d'humeur et très émouvante dans sa quête toujours inassouvie d'amour. La cruauté avec laquelle son père (Rutger Hauer, formidablement, gratuitement, inutilement méchant) la rabroue et la dévalorise sans cesse est étonnante. Mais il est dommage que la réalisatrice ait accordé tant de place aux épisodes amoureux de la poète même s'ils sont fondateurs de son oeuvre, délaissant son côté fortement engagé. Elle était une opposante au régime en place, défendait les droits des noirs et des femmes et c'est à peine évoqué ici. On la voit effectivement s'effondrer devant le meurtre perpétré sous ses yeux d'un enfant par les policiers blancs lors d'une manifestation. Cela occasionnera chez elle des nuits sans sommeil et l'écriture de son poème "L'enfant n'est pas mort" que Nelson Mandela lira lors de son investiture en 1994.

    Reste la présence de deux acteurs magnifiques. Carice Van Houtten donc, belle et indomptable mais fragile. Et Liam Cunningham dont il faut enfin l'imagination d'une réalisatrice qui a vu qu'il pouvait être autre chose qu'un activiste de l'IRA mais aussi un bel homme séduisant et intellectuel.