Dans une ferme de la Flandre belge profonde, la famille Vanmarsenille élève du bétail et l'engraisse aux hormones. Le fils Jacky se fait subir le même traitement que les animaux et s'injecte les substances qui lui ont donné une apparence imposante voire monstrueuse. Il collabore avec un vétérinaire corrompu et est sur le point de conclure un marché avec le plus important trafiquant d'hormones du pays. Mais un policier est assassiné et le fameux trafiquant rapidement soupçonné. L'enquête policière s'approche de plus en plus de Jacky qui risque d'être inquiété. Dans le même temps refait surface l'ami d'enfance Diederick que Jacky n'avait pas revu depuis 20 ans et avec lui des souvenirs et des secrets profondément enfouis. Faire ressurgir cette époque douloureuse va être éprouvante pour Jacky.
Je le dis pratiquement à chaque fois, mais le cinéma belge est différent de tous les autres et d'une qualité exceptionnelle. Récemment "Le grand tour" de Jérôme Le Maire ou "Les géants" de Bouli Lanners ont été des chocs. Et ce "Bullhead" ne s'écarte pas de cette règle d'un cinéma singulier même s'il peut être comme ici très dérangeant. Par l'attitude insaisissable, la violence parfois inexpliquable du "héros", ce qu'il fait subir à son corps, le drame invraisemblable dont il a été la victime, que l'on découvrira et permettra une amorce d'explication. Mais aussi par la bêtise, la laideur et la brutalité de la plupart des personnages secondaires. A la fois polar dans le milieu totalement inhabituel de la mafia des hormones et tragédie intime d'un homme dont le destin a cruellement basculé dans l'enfance, ce film évoque ces films américains qui dépeignent une humanité de l'Amérique profonde pas reluisante comme si elle avait été oubliée du reste du monde. Autour de l'affaire mafieuse et policière, on assiste au calvaire d'un homme meurtri et l'on découvre comment un petit garçon au visage d'ange est devenu cet animal effrayant.
Filmé ample et lyrique dans une campagne dissimulant mal la violence des pratiques de ses habitants, la caméra se ressert et se concentre parfois sur le corps et le visage étonnants d'un acteur impressionnant dans tous les sens du terme. On a hâte de retrouver (dans le prochain Jacques Audiard me souffle t'on dans l'oreillette) Matthias Schoenaert qui n'est pas de ceux que l'on peut oublier. Il donne au film tout son souffle et son rythme, tendu et lent parfois puis brusquement violent. Et lorsqu'il se retrouve seul chez lui, désespéré, qu'il cogne ses poings dans l'air, pleure recroquevillé dans sa baignoire ou qu'il est égaré face à la fille qui le fascine bien qu'elle soit d'une fadeur exceptionnelle, on souffre avec lui. Ce garçon bouleversant est de ces monstres impossibles à détester.