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  • LA DAME DE FER de Phylida Loyd **

    La Dame de fer : photo Phyllida LloydLa Dame de fer : photo Phyllida LloydLa Dame de fer : photo Phyllida Lloyd

    Maggie est une petite mamie un peu ratatinée qui va acheter son demi litre de lait à l'épicerie du coin avec son foulard sur la tête. Personne ne la remarque ni ne la reconnaît, de jeunes malappris la bousculent un peu et elle s'étonne que le prix de son demi litre de lait a encore augmenté. Lorsqu'elle rentre chez elle, Maggie se fait houspiller par sa fille et son intendante car il lui est interdit de sortir seule. Alors la vieille dame s'enferme dans sa chambre ou son bureau et comme elle perd un peu la boule, elle se met à discutallier ferme avec Denis, son défunt mari ! Ce pourrait être touchant si cette gentille mémée n'avait été dans une autre vie, un autre temps la terrible "dame de fer" Margaret Thatcher.

    Ce film est fatigant car il est agité et bizarrement construit et le prétexte pour amener "la Baronne" à évoquer ses souvenirs, un peu artificiel. Mme Thatcher doit se débarasser des effets personnels de son mari chéri et c'est un crève-coeur, d'autant que ce brave Denis présenté la plupart du temps comme un bouffon grotesque, ne cesse d'apparaître à Margaret qui sursaute fréquemment. Cette façon de surgir à intervalles réguliers est agaçante et le pauvre Jim Broadbent est contraint la plupart du temps de faire le fantôme en arrière-plan en costume de parade, un verre à la main, en robe de chambre ou en train de cirer ses chaussures. Ridicule. Mais au premier plan, il y a Margaret Thatcher dont on ne cesse de chercher Meryl la grande, la divine Méryl sous le couscous ! Quel courage ! Quand je serai actrice Si j'avais été actrice, j'aurais seulement voulu être une Princesse moi, de Galles ou d'ailleurs, qu'on m'embellisse, qu'on me photoshopise et pas disparaître sous des couches de latex et une mise en pli haut de forme cartonnée et laquée à outrance ! Ah ! la coiffure de Madame Thatcher, quelle institution ! Et bien croyez-le ou pas ce sont des conseillers en communication qui l'ont imposée. Avant cela, elle avait des cheveux tout à fait normaux.

    Il y a des choses que l'on sait. Margaret Thatcher a été le Premier Ministre du Royaume-Uni  de 1979 à 1990 et pour faire vite, si le niveau de vie s'est amélioré durant les années Thatcher, les inégalités, les écarts se sont encore accrus. En un mot, les plus riches sont encore plus riches et les plus pauvres encore plus pauvres. Le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté n'a cessé de croître. De cela, il n'est pas question ici. On voit évidemment à deux reprises que la côte de popularité de la dame baisse mais elle remonte notablement après la "Guerre des Malouines" qui lui a permis d'assouvir ses instincts bellicistes. Gérée d'une main de fer comme il se doit, la "crise" a été matée en quelques semaines. Et Mme Thatcher de se réjouir que ce sont les électeurs qui lui donneront trois fois la majorité. De la main tendue à Pinochet on ne souffle mot. Qu'elle ait laissé crever de faim Michaël Fassbender des membres de l'IRA dans leurs cellules n'est effleuré que par quelques banderolles lors d'une manifestation, et il faut tendre l'oreille pour entendre prononcer le nom de Bobby Sands.

    Ce film fait de Margaret Thatcher une femme de milieu modeste qui a dû se battre pour réaliser ses ambitions, et un modèle d'en être arrivée là où elle en est arrivée, seule, par son travail, son acharnement dans un environnement masculin peu favorable à l'ascension d'une femme. Evidemment on ne doute pas un instant, comme c'est le cas pour toutes les femmes qui exercent des fonctions majoritairement réservées aux hommes, que sa "réussite" soit l'aboutissement et le fruit de sacrifices, d'un tempérament et d'une intelligence hors du commun. Mais faire de Margaret Thatcher une femme amoureuse qui a lutté, qui fut trahie et d'enfoncer le clou en nous la présentant affaiblie, diminuée, craignant Alzheimer, est un tantinet gênant.

    Remercions la peut-être de permettre à Ken Loach de s'exprimer avec tant de coeur et de véhémence. Quant à Méryl, la grande, l'impériale Méryl, sa performane est au-delà des mots mais personnellement j'ai plutôt hâte de la retrouver sous sa véritable apparence.

  • DIX HIVERS A VENISE de Valerio Mieli ***

    Dix hivers à Venise : photoDix hivers à Venise : photoDix hivers à Venise : photo

    Lorsque Camilla et Silvestro se croisent pour la première fois, ils se regardent mais ne se voient pas vraiment. Il faut dire qu'ils n'ont pas l'air bien malins, elle, avec son lampadaire un peu ridicule, lui avec son pied de tomates un rien encombrant. Puis ils se retrouvent seuls passagers d'un vaporetto, un soir d'hiver à Venise et Silvestro fait une blague à Camilla qu'elle n'apprécie pas. Il est farceur et dilettante, elle est studieuse et solitaire.  Et voilà, c'est parti pour 10 ans passés à se croiser, se revoir, se chercher, s'éviter, se perdre, se rater entre Venise et Moscou. 10 ans pas forcément perdus à tenter de devenir adultes en réussissant ses études mais en refusant de voir de comprendre et d'admettre qu'ils sont faits l'un pour l'autre.

    Evidemment ce genre de thème (deux tourtereaux sont les seuls à ne pas voir ce qui saute aux yeux et que le bonheur est à portée de coeur) a déjà été maintes fois abordé mais pas de cette façon. Chaque année Camilla et Silvestro vont se revoir sans toujours le décider. Ils vont souvent passer l'un à côté de l'autre ou vivre ensemble quelque temps "en toute amitié", apprendre à se connaître mais aussi s'appliquer à commettre mille erreurs, s'engager auprès d'autres et se pourrir la vie en refusant (on ne sait trop pourquoi) de se rendre à l'évidence. Bien sûr le scénario est un rien artificiel mais on s'en fiche car petit à petit, discrètement et alors qu'on avait l'impression de tourner en rond, la petite musique du film s'insinue peu à peu, les personnages deviennent attachants et on a bien envie de les aider à cesser de se  gâcher la vie, à y voir clair dans leurs sentiments.

    Marlgré ce côté "vie ratée", le film est la plupart du temps infiniment joyeux et d'un optimisme forcené. Il faut dire que les deux jeunes énergumènes, Isabella Ragonese et Michele Rondino déploient un charme, un dynamisme et une vitalité impressionnants. Ils sont tous les deux absolument irrésistibles.

    Que dire de ma chère Sérénissime qui me manque tant ? Toujours infiniment photogénique même l'hiver par temps très brumeux, le réalisateur nous ballade loin des gondoles et des touristes dans deux quartiers que je connais comme ma poche, même s'il s'autorise une petite incursion sur la Place St Marc, et près du Pont des Soupirs (en travaux depuis plusieurs années)  Alors imaginez l'émotion, le bonheur !

  • LA VIE D'UNE AUTRE de Sylvie Testud **

    La Vie d'une autre : photo Mathieu Kassovitz, Sylvie TestudLa Vie d'une autre : photo Juliette Binoche, Mathieu Kassovitz, Sylvie Testud, Yvi Dachary-Le Beon

    La Vie d'une autre : photo Mathieu Kassovitz, Sylvie Testud

    Marie se réveille molle et alanguie après une folle et intense nuit d'amour avec son amoureux Paul. En se levant, elle ne reconnaît pas cet appartement immense et luxueux. Elle fait la connaissance de son fils et apprend qu'elle est mariée avec Paul depuis 15 ans mais qu'ils sont sur le point de divorcer. 15 années de la vie de Marie se sont envolées en une nuit sans explication. Que s'est-il passé pendant ces 15 ans ? Manifestement, Paul et Marie ont réalisé ses rêves pour lui, ses ambitions pour elle. Il est en train de devenir un auteur de BD à succès, elle est numéro deux d'une grande entreprise. Mais Marie découvre peu à peu que, même si tout le monde la respecte et l'admire, elle est surtout crainte et n'a aucun ami. Et comme elle se retrouve dans la peau de la jeune femme romantique et amoureuse de 25 ans, elle va devoir reconquérir son Paul chéri qui a un peu de mal à croire en la résurrection de la Marie qu'il a tant aimée.

    Alors je sais, ON va se moquer et on va sans doute me dire "plutôt mourir que d'aller voir ça". Tant pis j'affronterai les ricanements avec stoïcisme. Mais oui, j'ai été émue et j'ai même eu ma larmichette je crois car la Juliette tirerait des larmes à un caillou. Cela dit l'émotion n'arrive que dans le tout dernier quart d'heure qui cesse d'être une farce mais un drame. Revirement total, définitif et beaucoup plus en accord avec le thème du film. Comment fait-on pour changer autant ? Devenir froide, carriériste alors qu'on était juste ambitieuse ? Peut-on avoir été quelqu'un de bien et devenir cette quarantenaire puante que tout le monde salue en longeant les murs ? S'éloigner, se désintéresser de tous les gens qu'on a aimés et qui vous aiment uniquement pour réussir ? Etc.

    Mais pour parvenir à cette jolie dernière partie, il faut résister à la première (néanmoins éclairée par instants par Mathieu Kassovitz, acteur merveilleux, complètement en accord avec son rôle lui !) où Juliette Binoche démontre avec force roulement de billes, démarche de soûlotte et quelques "putains" lâchés par ci par là, qu'elle n'est décidément pas une reine de comédie. Les premières minutes sont catastrophiques, Juliette joue comme Sylvie (Testud) et ça ne lui va pas du tout. Lorsqu'elle découvre son compte en banque, sa BM, la mort de Michaël Jackson, l'Euro, Barack Obama... je n'hésite pas, elle est ridicule. Par contre quand le drame émerge logiquement de cette situation pas ordinaire (comment ne pas passer pour une folle ? que sont devenus les parents ?..), on retrouve Juliette actrice dramatique donc et surtout le film et l'histoire prennent toute leur dimension lorsqu'enfin Paul et Marie se parlent. C'est autour d'eux que Sylvie Testud aurait dû se concentrer et se laisser aller à filmer une grande histoire d'amour en train de se réinventer. Au lieu de cela, elle a batifolé du côté de la comédie sentimentale gentillette avec environnement digne des romcoms américaines. Nan mais je vous jure leur appartement... jamais on n'a vu ça. Si la Tour Eiffel tombe, c'est direct dans leur salon au milieu duquel trône un arbre, un vrai ! Et je ne dis rien de la renaissance de Marie qui réapprend le bonheur sans nom de porter des chaussures à semelles rouges !!! Nul et hors sujet !

    Sinon, donc, je vous le dis, il y a Mathieu Kassovitz, malheureux comme les pierres qui ne comprend rien à rien à ce qui lui arrive. Il est beau, il est charmant, il est touchant, il a tout compris, il est FORMIDABLE !

  • LA FOLIE ALMEYER de Chantal Akerman **(*)

    Almayer un européen, a épousé sans amour une femme en Malaisie contre la promesse faite par son père adoptif le capitaine Lingard, de faire fortune grâce à l'or qu'il cherche dans les montagnes. Mais l'or n'arrive pas. Almeyer s'ennuie et déperrit. Cela prend des proportions inhumaines lorsque Lingard lui enlève sa fille Nina encore petite pour la placer dans un pensionnat où elle sera éduquée. Nina revient des années plus tard, elle est devenue une jeune fille d'une beauté étourdissante mais les relations avec son père sont assombries par un mur infranchissable d'incompréhension. Nina lui reproche de ne pas être venu la chercher pendant toutes ces années, alors que métis, elle était la proie du racisme et de la cruauté de ses camarades et professeurs. Sentant sa fille lui échapper définitivement, notamment lorsqu'elle rencontre un étrange "rebelle", Almeyer sombre peu à peu dans la folie. 
    Voilà un film que je ne voulais manquer sous aucun prétexte et je ne le regrette pas tant il donne envie de lire le roman de Joseph Conrad dont il est tiré pour en prolonger l'expérience asphyxiante voire traumatisante. Dommage que Chantal Akerman abandonne parfois son spectateur au profit de sa caméra qui s'enfonce dans la jungle humide et étouffante. Les images et les ambiances, les couleurs, les sons sont en effet d'une beauté remarquable. La maison, la véranda, le fleuve alentour, tout est beau. Mais d'une beauté inquiétante et sombre. Et on s'installe dans chaque long plan fixe avec extase. Le cinéma de Chantal Akerman est à l'opposé du cinéma frénétique qui change d'image toutes les cinq secondes et c'est infiniment bon. Mais cette histoire d'amour inhabituelle (un père pour sa fille), de fautes graves, d'erreurs irréparables et de folie aurait dû être bouleversante. Elle ne l'est jamais et c'est là que j'en veux à Chantal Akerman. Jamais l'émotion n'affleure et les personnages semblent parfois réciter leurs textes intenses et profonds sans manifester la moindre fièvre. Sans doute est-ce la chaleur moite qui les anesthésie !
    Il n'en reste pas moins la performance d'un acteur tellement rare qu'il a atteint ses 40 ans sans qu'on ait  eu le temps et la possibilité de le voir vieillir à l'écran : Stanislas Merhar. Il est d'une beauté, d'une intensité et d'une puissance tout simplement hallucinantes. Certaine a prétendu qu'il parlait à son bonnet dans ce film, c'est absolument faux, il parle aux insectes ! En tout cas, voir un acteur devenir fou sous nos yeux ébahis est une expérience et un grand moment de cinéma. La toute dernière scène, le dernier plan et l'une des dernières répliques, "le soleil est froid", sont de ceux qu'on n'oublie pas.
  • LA TAUPE de Thomas Alfredson ***

    La Taupe : photo Gary Oldman, Tomas Alfredson

     La Taupe : photo Colin Firth, Tomas Alfredson

    La Taupe : photo Tom Hardy, Tomas Alfredson

    En pleine guerre froide, le MI6 foire totalement une mission en Hongrie, entendez que non seulement la mission est ratée mais que des dommages colatéraux pas piqués des hannetons (je vous laisse découvrir) collent aux bonbons des responsables. Du coup le patron des Services Secrets britanniques Monsieur Kontrol est remercié ainsi que son second George Smiley (qui rit rarement néanmoins). Il semblerait, d'après le gouvernement, qu'une "taupe" soit infiltrée chez les espions. Le gouvernement demande donc aux papys mis sur la touche de reprendre du service et de trouver à qui sierait le mieux la chapka.

    Au bout des deux heures de projection l'identité de la bestiole sera révélée, mais finalement en cours de route, on lâche un peu le but de l'enquête pour ne s'intéresser qu'à la façon de s'y prendre pour la mener à bien. On entre dans un monde hermétique et fascinant où tous les membres semblent totalement déconnectés de la réalité du monde alentours alors qu'ils en tirent les ficelles. Ils le contemplent ce monde, du haut de leur bureau, au travers de fenêtres, derrière leurs jumelles. Tous les méandres de l'enquête s'enchevêtrent finalement dans d'autres missions qui s'additionnent ou refont surface. Et chacun de soupçonner l'autre, de révéler sa véritable nature, de lever le voile sur ce qui aurait dû rester enseveli et surtout de s'apercevoir qu'il est impossible de faire confiance à qui ce soit, et "surtout pas au petit personnel".

    D'emblée la qualité visuelle et le soin apporté à la reconstitution d'époque s'imposent et donnent à ce film de 2012 un aspect classique. Pour sûr il ne pourra pas vieillir, il est déjà vintage et cela n'a rien de péjoratif. Les couleurs sombres, grises, sépia, le climat hivernal permettent à ces messieurs distingués et bien propres sur eux extérieurement de s'envelopper dans de jolis cabans et de porter des lunettes roues de vélo, soigneusement choisies, comme en ce temps là... Il ne manque pas un bureau en acajou et pas une coupe de cheveux seventy (le budget moumoute a dû exploser mais il est dommage que le coiffeur ait manifestement pris conseil auprès de Nicolas Cage !). On trouve même une secrétaire qui travaille sur un ancêtre de nos ordinateurs : le Wang 1200 ! La reconstitution est donc nickel chrome et un régal pour les amateurs ou les nostalgiques.

    Le sérieux appliqué, la minutie et l'exigence de la bande de velus de garçons ici présents, crème d'acteurs à s'en bousiller la rétine (Tom : je t'aime d'amour ! Colin, Gary aussi, Mark un peu moins, mais quand même) ne font qu'ajouter au plaisir intense de ces deux heures dans lesquelles on s'installe avec une forte envie de les prolonger bien au-delà, malgré l'atmosphère froide et délétère et les manipulations en tout genre. Les rares sourires proviennent du fait que ces garçons appellent leur employeur "le cirque", les membres font partie de la "nurserie" et lors d'une soirée de service ils chantent l'hymne soviétique. Il serait peut-être judicieux de repérer celui qui le chante avec le plus de zèle !

    Mais le plus fort de ce qu'on espère être une trilogie (comme la saga de John Le Carré dont ce premier volet est tiré) où les mêmes, enfin les survivants, ressigneraient, c'est que ce petit sentimental d'Alfredson fait de son film une meeeeeeeeeeeeerveilleuse histoire d'amour ! Oui messieurs dames, vous ne rêvez pas. Il faut voir les oeillades entre Colin Firth et Mark Strong, le gros chagrin de Benedict Cumberbacht (le bras droit de Smiley/Gary Oldman) obligé de se séparer de sa moitié, les larmes de Tom Hardy (je t'aime Tom) qui cherche sa blondinette et surtout, surtout, le désarroi de Gary Oldman lorsqu'il découvre des choses pas choupinettes sur madame Smiley. Son léger vacillement est digne de celui de Cary Grant dans "An affair to remember" (à 4'10") de Leo Mc Carey et son sourire de béatitude lorsqu'il regarde sa femme digne de lui-même lorsqu'il s'adresse à Wynona Ryder "see me now" (à 1'18") dans le Dracula de Coppola... c'est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup.

    En outre et indéniablement Colin Firth porte le loden comme personne. Et s'il y a un concurrent à notre Jack Of The Garden aux Oscar cette année, c'est Gary Oldman et nul autre car il est ici extraordinaire !

    Je joins l'organigramme, ça peut aider.

    La Taupe : photo