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cinéma - Page 302

  • W. d’Oliver Stone *

    W. - L'improbable Président - Josh Brolin W. - L'improbable Président - Richard Dreyfuss

    Qui peut encore s’intéresser à George W. Bush aujourd’hui ? Si son passage sur terre et à la tête de la présidence des Etats-Unis pendant 8 ans n’avaient causé autant de « dégâts collatéraux », on pourrait presque rire du personnage, voire le prendre en pitié. Mais ni l’un ni l’autre ne sont possibles car W est un con. Oliver Stone nous le démontre pendant deux heures et on se demande quand même un peu comment les tazuniens ont pu l’élire deux fois. Cela dit, étant donné ce qu’ils ont fait avant-hier, on leur pardonne

    et puis, nous autres francofrançais sommes mal placés pour donner des cours d’élection à quiconque (suivez mon regard…). Depuis 13 ans, après chaque présidentielle je me terre pendant 48 heures pour pleurer et j’aimerais bien connaître un jour un « 4 novembre » comme là-bas où tout le monde sortirait dans la rue pour mégateufer.

    Mais revenons-en à W avant qu’il ne disparaisse. W ou Junior comme vous voulez est un con, un benêt intégral qui n’avait pas du tout envie de faire président mais d’être aimé par son papou. Mais pour avoir l'honneur de plaire à Bush Senior (l’acteur James Cromwell CRISPANT !!) il faut être meilleur en tout. Sauf que W, c’est pas qu’il soit bon à rien, c’est qu’il est justement mauvais en tout. TOUT ce qu’il entreprend, il le rate… sauf une séance de bizutage dans une grande école. Et tout ce qu’il réussit, il ne le réussit que par piston, ses entrées dans les grandes écoles, ses réussites aux concours. Tout, je vous dis. Même joueur de base-ball, il ne sait pas faire. Ce qu’il aime c’est porter des santiags, un chapeau de cow-boy blanc, ce qui séduira Laura (la future Madame Bush, une pintade stupide qui l’aime son cow-boy à stetson), manger des bretzels en caressant un chien affreux, courir cinq kilomètres par jour sinon il déprime devant son miroir en comptant ses rides, faire des conseils de ministres en pleine nature en faisant marcher tout le monde cadence 22 (même Condoleezza en talons aiguilles quasi muette et même pas décorative pendant tout le film, l’actrice Thandie Newton ridiculement emperruquée), il tutoie tout son entourage même les plus hauts placés et les affuble de surnoms de bisounours, et surtout boire des coups, car Dabeuliou est un alcoolique depuis tout petit... On ne sait pourtant ce qui est le plus terrifiant, le fait qu'il soit alcoolique ou qu'il soit un cul béni persuadé qu'il a entendu Dieu en personne lui parler et le guider dans sa mission, qu'il impose une prière à chaque fin de réunion...

    Mais aussi et surtout W est un petit garçon irresponsable, bête comme ses pieds et sans envergure qui n’aurait peut-être pas fait de mal à une mouche s’il n’avait été entouré d’une bande de tarés manipulateurs et belliqueux. En tête Dick Cheney (Richard Dreyfus, très impressionnant), grand malade haineux…

    En résumé, Oliver Stone nous balance une psychanalyse de comptoir avec oedipe pas résolu, ce qui semble un peu court. Un Michaël Moore aux manettes aurait sans doute été plus convaincant. De plus, quand le réalisateur suit à la trace son personnage surexcité, hyperactif, sa caméra saute, court et rebondit tout autant, ce qui est épuisant pour les yeux et l’estomac.

    Il restera donc dans tout cet empilement de scènes la certitude que W est un pauvre type, et surtout que Josh Brolin est un grand acteur (et Richard Dreyfus aussi).

    Mais Oliver Stone est fatigué.

  • Mes stars et moi de Laetitia Colombani *

    Mes stars et moi - Catherine DeneuveMes stars et moi - Emmanuelle BéartMes stars et moi - Catherine Deneuve

    Robert est un fan un peu plus fan que les autres. Profitant du fait qu’il est agent d’entretien dans une grande société d’agents de stars… il a accès aux dossiers, scenari, photos de ses trois actrices préférées. Par ailleurs il ne rate jamais la lecture régulière des « Voila », « Gaci » et autres journaux de potins qui le renseignent sur les idylles de ses chouchoutes. Il les harcèle, les suit jusque chez elle mais tout cela reste gentil, jusqu’au jour où il pénètre dans leurs loges, intervient pour faire rompre l’une d’entre elles avec un nouveau fiancé qui, selon Robert, ne lui convient pas. Là, c'en est trop, les trois stars s’unissent pour lui pourrir la vie. Gentiment rassurez-vous et tout finira dans une écoeurante guimauve comme il se doit !

    Un film de cinéma sur le cinéma ! Je me suis dit : ce film est pour moi. Hélas, si le premier quart d'heure est un peu réjouissant, il ne suffit pas de faire s’empoigner (verbalement) deux des plus grandes actrices françaises pour maintenir un rythme comique sachant que TOUTES les répliques un peu fielleuses sont dans la bande-annonce. Pour le reste, c’est assez besogneux et mou du genou question scenario. Les actrices sœurs-ennemies qui se détestent à peine cordialement s’unissent miraculeusement en moins de temps qu’il ne le faut pour dire « je suis une star » pour décourager leur fan crampon qui va lui aussi finir par les faire craquer. Assez consternant parce que jamais « saignant ». Par ailleurs, pour remplir un peu de vide et tenter de tenir une heure trente, la réalisatrice nous accable de gros plans répétitifs sur le chat le plus hideux, dépressif et agressif du monde et multiplie les séances de Kad Merad/Robert chez une psy-chat-nalyste (LA blague récurrente du film ah ah ah !) !

    Le point le plus positif (le seul) c’est de voir, de découvrir, d’admirer Catherine Deneuve et Emmanuelle Béart en véritables reines de comédie ; ça, c’est vraiment jouissif et on en redemande à condition qu’elles aient un scenario à se mettre sous le talent !

  • The visitor de Thomas Mac Carthy ****

    The Visitor - Richard JenkinsThe Visitor - Richard Jenkins et Haaz Sleiman

    Walter, veuf inconsolable vit seul dans sa grande maison du Connecticut. Il continue de donner sans passion des cours d’économie à l’Université en attendant la retraite prochaine. Il boit des verres de vin en déambulant chez lui et prend sans talent des cours de piano qui évoquent la chère disparue, pianiste virtuose. Lorsqu’il se rend à New-york, l’appartement qu’il possède est occupé par un jeune couple de clandestins : Tarek syrien et Zainab sénégalaise. De bonne foi car victimes d’une arnaque les deux jeunes gens décident de quitter l’appartement et après une courte hésitation, Walter leur propose de continuer à les héberger.

    Tarek est un musicien talentueux et touché par la gentillesse de Walter, commence à lui donner des cours de djembé. Et voilà que l’amitié s’invite au moment où on l’attend le moins. Les deux hommes, de plus en plus liés entre autre par leur passion commune deviennent proches et intimes, jusqu’au jour ou Tarek est arrêté lors d’un contrôle d’identité et placé en centre de détention pour immigrés clandestins…

    Plusieurs chapitres composent ce merveilleux film et une nouvelle fois les superlatifs vont me manquer pour l’évoquer tant il s’imprime en soi bien après que la séance soit finie. Dans la première partie, on suit pas à pas Walter (admirable Richard Jenkins) plus solitaire qu’un ermite, qui semble à la fois épuisé, revenu de tout et contraint de faire sans aucun goût tout ce qu’il a à faire. La démarche lourde et le regard fuyant, sa détresse est quasiment palpable.

    Sa rencontre avec Tarek, jeune homme lumineux et enthousiaste (Haaz Sleiman, irrésistible) va peu à peu lui redonner goût à la vie jusqu’à lui donner un sens. Lorsque Tarek va se retrouver incarcéré, l’attachement des deux hommes va encore évoluer. Il devient inconcevable pour Walter d’abandonner Tarek qui va tout mettre en œuvre pour tenter de lui venir en aide. Voir cet homme bon, généreux se redresser peu à peu, découvrir une réalité qui lui était inconnue, se heurter à l’intransigeance des autorités est absolument bouleversant. Il ira jusqu’à laisser exploser sa colère et sa révolte dans une scène sublime où il ne pourra que déplorer son impuissance. Mais son indignation furieuse aura peu d’effet face au problème social et humain qui se joue. Au même titre il est déchirant de voir progressivement l’enthousiaste Tarek sombrer dans la dépression. Walter le rencontrera plusieurs fois au parloir de la prison et ces moments où Tarek révèle ses conditions de détention (aucune intimité, lumière allumée 24 heures sur 24…) sont d’une grande intensité dramatique quoique très sobres. L’humanisme de l’un, l’incompréhension de l’autre sont confrontés à ce monstre incontournable : l’injustice !

    A aucun moment Thomas Mac Carthy ne cède à l’angélisme même si on crève d’envie d’aimer et de protéger ses personnages. On ne lui reprochera pas non plus ce qui aurait pu paraître comme une facilité en ébauchant une idylle bienvenue entre Walter et la mère de Tarek (la toujours juste et éclatante Hiam Abbass) car là encore il ne capitule pas devant un mièvre happy end. Ce film grave, profond, joyeux et douloureux ne juge pas, il pointe une réalité derrière laquelle se cachent des drames humains insoutenables. Il est porté par un acteur exceptionnel et charismatique et un personnage altruiste admirable qu’on aimerait rencontrer un jour ou mieux encore à qui l’on rêve de ressembler. Les toutes dernières images magnifiques évoquent tout à la fois ce que le film entier exprime, la rage, la colère, l'impuissance, la solitude...

    Ne ratez sous aucun prétexte ce film brillant, poignant, jamais spectaculaire mais bouleversant.

  • Quantum of solace de Marc Forster *(*)

    DSCI0003.JPGQuantum Of Solace - Daniel CraigQuantum Of Solace - Daniel Craig

    Sur la trace d’une dangereuse organisation qui met en danger l’écologie mondiale et de son chef Dominic Greene, James Bond en profite pour tenter de venger la mort de Vesper. Sur sa route il croise Camille qui veut elle aussi venger sa famille assassinée sous ses yeux par un militaire bolivien alors qu’elle était une petite fille.

    Pur charabia qui nous balade en Angleterre, en Italie, en Haïti, en Bolivie, en Autriche, le scenario abscons des nouvelles aventures de mon notre agent secret chéri d’amour est le pire fouillis javanais rarement entrevu au cinéma et d’ailleurs, on s’en cogne un peu beaucoup (du scénario)… Il y a donc du meilleur et du pire dans cet épisode (mais surtout du pire).

    La mauvaise nouvelle c’est qu’il est nettement moins royal que le précédent et que même, il ne lui arrive pas à la cheville (si tant est qu’un film ait une ou deux chevilles).

    La bonne nouvelle c’est que Daniel Craig est (pour moi) le meilleur James Bond (en tant que personne humaine-acteur-mâle) de tous les temps. Les autres, oui oui, vous m’entendez bien, y compris le grand Sean, ont toujours confondu machisme, misogynie avec classe, séduction, élégance et sexitude. Daniel Craig possède ce que tous les autres n’ont pas, c’est une bombe sexuelle ce qui ne l’empêche jamais de faire l’acteur. Qu’il marche, coure, bondisse et même à l’arrêt, il est bon ! ça s’explique pas, c’est comme ça ! Et pourtant il ne saute pas sur tout ce qui bouge et ne couche pas forcément avec la plus belle et la première qui passe. James est toujours amoureux de Vesper.

    Cela dit, sa « licence to kill », il ne l’a pas obtenue dans un Kinder Surprise et il a quand même un peu tendance à dégommer tout ce qui passe à sa portée, même des témoins essentiels (paraît-il) à l’enquête, ce qui a tendance à énerver maman, enfin je veux dire « M ». Même quand un de ses potes meurt, il le fout à la poubelle. Et moi ça me fait rire, car je suis comme James moi madame, je ne gaspille pas mon cœur et mes sentiments en détails inutiles.

    Sinon, pire que d’habitude, on a l’impression que scénaristes et réalisateur semblent n’avoir comme but que de construire des décors insensés (échafaudages, hôtel en plein désert…) que pour les faire exploser ou y foutre le feu. Et effectivement, mission accomplie, ça pète de partout. Un peu trop.

    A un moment, James et Camille (la James Bond Girl dont le personnage à l’opposé de Vesper (Eva Green) manque de douceur, de profondeur mais dont l’actrice est presqu’aussi belle que Sophie Marceau) se trouvent enterrés vivants dans un gouffre au milieu du désert. Ils vont mourir c’est sûr qu’on se dit. Et on se prend à penser que y’a pire comme mort finalement, mourir au fond du monde avec James Bond Craig... Mais revenons-en à notre film.

    Mathieu Amalric est pas mal en méchant diabolique sans cœur mais quand James n’est pas là (et je trouve qu'il s'absente souvent), on s’ennuie quand même un peu, pour ne pas dire ferme.

    Heureusement, à la toute fin du générique, c’est écrit « James Bond will return ». Ouf, soulagée mais il va falloir que des scénaristes se mettent sérieusement au boulot pour donner un peu d’épaisseur, de profondeur et de cohérence à tout ce bazar.

    Sinon pour cet épisode-ci : c’est pour Daniel Craig que vous pouvez vous déplacer et basta !

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  • Hellboy II : les légions d’or maudites de Guillermo del Toro **

    Hellboy II les légions d'or maudites - Doug Jones, Ron Perlman et Selma BlairHellboy II les légions d'or maudites

    Le Prince Nuada cherche à rompre la trêve maintenue entre les humains et les créatures fantastiques depuis des siècles et déclencher une guerre définitive. Heureusement HellBoy et ses amis aux pouvoirs surnaturels du BPRD (Bureau de Recherche et de Défense Paranormal) veillent.

    Evidemment, il n’y a plus l’effet de surprise de découvrir un géant rouge vermillon avec une queue de diable, deux cornes sur le front qu’il est obligé de limer chaque matin, une main droite gigantesque en pierre, des muscles insensés… mais je ne peux cacher mon attirance pour ce super héros pas comme les autres. Infantile, ronchon, gourmand, ami fidèle, amoureux fou, Hellboy (« Rouge » pour les intimes) est plus humain que les humains, touchant, séduisant bien que pas toujours très malin. Ses partenaires, le télépathe amphibie Abe tombe amoureux d’une princesse et Liz la petite amie d’Hellboy s’enflamme toujours si elle est en colère ou contrariée. Elle est enceinte et ne sait comment l’annoncer à son immature compagnon. Pour le reste du scénario, il est plus un prétexte pour faire apparaître une multitude de specimens en tous genres plus ou moins magiques mais il serait dommage de bouder son plaisir devant ce spectacle ininterrompu.

    On reconnaît évidemment la patte enchanteresse du réalisateur qui avait poussé loin les limites du fantastique avec l’éblouissant « Labirynthe de Pan ». On découvrira donc dans ce deuxième épisode de haute tenue des machines aux engrenages infernaux très « timburtoniennes », des créatures maléfiques ou bénéfiques (ou les deux à la fois, tel un géant silvestre de toute beauté) très « tolkienesques », un marché aux trolls sous-terrain qui semble droit sorti de « Star Wars » etc. Malgré ces références, le film de del Toro reste très personnel et nous aère parfois en nous emmenant dans des paysages irlandais sublimes.

    Même s’il faudra beaucoup d’imagination aux scénaristes pour ne pas être decevants (Madame Hellboy est enceinte de jumeaux, il serait un peu trop simpliste que les rejetons soient une fille pyrokinésique et un diablotin écarlate…), je ne peux nier que je retrouverai avec plaisir cet univers peuplé de sublimes créatures et cette bande de héros qui sauve le monde.

  • Un conte d’été polonais d’Andrzej Jakimoski ***

    Un conte d'été polonaisUn conte d'été polonais

    L’été, dans un village polonais, Stefek un petit garçon de 10 ans s’ennuie ferme. Elevé par sa mère restée seule après le départ du père et surveillé de près par sa grande sœur de 17 ans qui cherche un job d’été, il essaie de forcer le destin et intègre, sans le savoir ni le vouloir réellement, un peu de magie dans son quotidien monotone.

    S’il s’agissait du conte de n’importe quelle autre saison au même endroit, cela aurait pu être sinistre tant ce village semble terne et oublié du monde. Mais comme le disait Aznavour dans une chanson célèbre « il me semble que la misère serait moins pénible au soleil». Et apparemment il fait très chaud et très beau dans ce coin de Pologne en été et du coup le film baigne dans une lumière magnifique. Suivre à la trace et toujours à sa hauteur le petit Stefek devient par instants un parcours fascinant. Tantôt surprotégé par sa sœur aînée (Ewelina Valantziak, une vraie beauté), tantôt complètement livré à lui-même, l’enfant invente et répète des jeux plus ou moins dangereux. Mais surtout, il veut que son père revienne et, persuadé de l’avoir aperçu à la gare locale, il y passe des heures chaque jour pour attirer son attention, tenter de brusquer le cours des choses en lui montrant à son insu le chemin de la maison.

    C’est magnifique et le petit acteur est un amour.

  • Dernier maquis de Rabah Ameur-Zaïmeche ***

    Dernier maquisDernier maquis

    Mao est le patron musulman d’une petite entreprise de réparation de palettes et d’un garage de poids lourds. Si ses employés pratiquement tous musulmans pratiquant le remercient d’avoir construit une Mosquée dans l’enceinte même de l’entreprise, ils ne sont pas dupes de sa manœuvre et notamment d’avoir choisi un imam sans les consulter (le choix de l’imam étant une question capitale dans la pratique de l’Islam).

    Le fossé est grand entre ce patron intelligent, cultivé, volontiers paternaliste mais manipulateur et ses employés courageux et dévoués qui travaillent dur pour un salaire de misère. Malgré leur reconnaissance sincère ils ne sont pas naïfs au point de ne pas voir la combine pour endormir leurs éventuelles revendications. Mao l’exprime clairement à l’imam en lui disant qu’il doit convaincre les hommes que pratiquer la religion c’est bien pour l’esprit et le corps et s’ils ne s’y prêtent pas, les primes sauteront. Ce patron n’échappera d’ailleurs pas à la colère brouillonne et à une grève complètement désorganisée.

    Quelques scènes sublimes suffisent à imposer l’adhésion devant un film dont on ne comprend pas forcément le but (en tant que laïque athée, c’est très difficile) : le réalisateur condamne t’il ou envisage t’il l’intervention de la religion dans le monde du travail ? Il est évident que la réponse n’est pas claire et qu’il laisse le spectateur fasse à ses interrogations, ce qui n’est peut-être pas plus mal. Avant de conclure sur un empilement de palettes rouges qui enferment l’écran, les acteurs et le spectateur (il faut le voir pour le croire que des palettes en bois rouge peuvent être magnifiquement cinégéniques !), Rabah Ameur-Zaïmeche accumule une succession de scènes incroyables (le contrôle des fiches de pointage à l’entrée de l’atelier, la première prière dans la Mosquée, la contestation du choix de l’imam, l’auto-circoncision d’un homme qui n’a pas compris qu’on pouvait être un « bon » musulman sans être circoncis, les explications fumeuses du patron qui refuse une augmentation ou décide de fermer un atelier, la découverte d’un ragondin etc…) que ses acteurs ou non acteurs d’une justesse et d’un naturel rares rendent particulièrement fortes. Si Rabah Ameur-Zaïmeche (qui ressemble à De Niro jeune…) s’est donné le rôle difficile, ambigu et pas forcément sympathique de Mao le patron, tous les autres sont inconnus mais formidables comme ce film âpre et déroutant qui donne la parole à ceux dont on ne parle pas.

  • Mesrine : l’instinct de mort **(*)

    Mesrine : L'Instinct de mort - Vincent Cassel

    Premier volet du dyptique retraçant la vie, les amours, les emmerdes et la mort de Jacques Mesrine nous suivons celui qui fut « l’Ennemi Public N° 1 » dans les années 70, de Paris en Espagne et au Canada.
    Que Mesrine (le vrai) exerce une quelconque fascination et qu’on lui attribue des actes héroïques me semble être une aberration. Raciste, misogyne, colérique, caractériel et violent, ce type est un voyou, un truand, un gangster, un tueur, un rebelle qui ne défend aucune cause. Ce film le démontre et si l’on ne savait pas que Mesrine a réellement existé, on dirait que les scénaristes ont un peu chargé la mule. Les prétendus actes glorieux qu’on lui attribue sont en fait complètement irresponsables, le faisant toujours flirter de près avec la mort, comme sa spectaculaire évasion de sa prison au Canada (dont les méthodes n’auraient sans doute pas été reniées par les nazis) ainsi que la tentative insensée de libération plus tard de ses co-détenus. Les quelques démonstrations d’affection envers ses enfants par exemple ne font pas de ce type quelqu’un de sympathique. Il brandissait son nom comme un titre de gloire ou un trophée « je suis Jacques Mesrine » répétait-il à l’envi (dites bien « Mérine » paraît-il si vous ne voulez pas vous en prendre une entre les deux yeux). Quant à son prétendu code de l’honneur qu’il agite comme une évidence, il ne l’empêchait nullement de pointer une arme dans la bouche de sa femme quand elle lui avait un peu trop mis les nerfs. Donc, Mesrine est un sale type et ce film l’illustre bien. Mais derrière ce personnage, il y a un acteur et quel acteur ! Les allergiques à Vincent Cassel devraient fuir d’emblée car il compose là un rôle très « actor’s studio » et son travail sur le physique, la démarche, la voix est impressionnant et phénoménal. Tour à tour inquiet mais surtout inquiétant, tendu, imprévisible, il est une véritable bombe à retardement dont on se demande à chaque instant quand elle va exploser. En ce qui me concerne, je trouve que le spectacle de cette interprétation qui ne fait évidemment pas dans la dentelle mais au contraire dans la démesure, vaut largement le déplacement.
    A ses côtés, plein d’acteurs formidables qui sont à leur meilleur, notamment Gilles Lelouche (toujours parfait), Cécile de France (malgré un rôle bâclé) très convaincante et étonnante dans son rôle de Bonnie Parker amoureuse et Gérard Depardieu (et oui, dans la famille Depardieu, j’aime le père, le fils, la fille et même le sain d’esprit) massif, colossal, immense (dans tous les sens du terme) qui sans forcer, sans surjouer, d’une discrétion et d’une simplicité exemplaires emporte chaque scène.
    Les « plus » de ce film qui donnent évidemment envie de voir le second volet sont donc l’interprétation haut de gamme et le style « à l’américaine » qui donne du rythme et permet de ne pas avoir le temps de souffler un instant.
    Les « moins » résident dans le fait qu’on ne comprend pas vraiment comment Mesrine en est arrivé là, si ce n’est qu’il méprise ses parents, ses débuts prometteurs en assassin lors de la guerre d’Algérie et ses mauvaises fréquentations lorsqu’il rentre en France. Tant qu’à faire un film de quatre heures on aurait pu nous inviter à découvrir comment était le jeune Mesrine. Par ailleurs, le rythme trépidant évite au réalisateur de créer un véritable lien entre les différentes scènes et épisodes de sa vie. Des indications (telle année, tel endroit) nous informent… mais comment fait-il pour voyager alors qu’il est recherché, pour préparer ses « coups », pour faire ses rencontres ? Tout est éludé. Dommage. 

  • Khamsa de Karim Dridi ***

    Khamsa - Marco Cortes Khamsa - Marco Cortes

    Marco, jeune gitan de 11 ans (malgré la main de Fatma qu'il porte en pendentif et l'expose à se faire insulter de "sale bicot"), s’échappe du foyer où il a été placé pour avoir mis le feu à une caravane mettant en danger la vie de sa belle-mère et de son petit frère. Il veut revoir sa grand-mère mourante et retrouve le camp où il vivait. Seul son cousin, le nain Tony, accepte de l’héberger et tente mollement de l’empêcher de faire des bêtises. Mais Marco rejoint ses amis d’enfance et avec eux vole des sacs, des scooters, cambriole des villas et entre dans la spirale infernale de la débrouille et du danger.

    L’itinéraire de cet enfant pas gâté du tout nous projette sans fiotures dans un monde aux portes d’une grande ville : Marseille. Un monde dont on ne parle pas, qu’on ne connaît pas, avec des gens oubliés qui vivent dans des conditions inimaginables entre l’autoroute et les usines. Les enfants, livrés à eux-mêmes, à qui on donne une bière à boire vers 4/5 ans pour avoir la paix, en dehors de leurs jeux stupides (plonger dans la mer du haut d’une grue…) n’ont d’autre horizon que la délinquance.

    Karim Dridi nous balance cet uppercut en pleine figure sans jamais sombrer dans le misérabilisme ou l’angélisme. Ni  vraiment sympathiques, ni tout à fait antipathiques ces jeunes sans loi mais avec un peu de foi nous sont montrés bruts de décoffrage, toujours prêts à la bagarre ou à défier la peur, l’insulte au bord des lèvres avec parfois de rares moments de tendresse, de partage et d’humanité. C’est sidérant. L’enjeu de ces enfants n’est pas de s’en sortir mais de survivre dans une société qui les abandonne en partie parce qu’ils leur font peur. Les services sociaux font bien quelques tentatives mais renoncent car leurs démarches les mettent en danger. En effet, la solidarité se met rapidement en place dans le camp dès qu’interviennent des « étrangers ».

    Marco a bien quelques velléités de s’en sortir, de partir en Espagne, de devenir boulanger mais il est vite rattrapé par un destin tout tracé. Son père (Simon Abkarian, formidable) séducteur violent et sans cœur l’abandonne, alors Marco (le jeune Marco Cortes, magnifique, enragé) fonce vers son sort, tête baissée.

    Ce film intelligent, impressionnant et pourtant jamais spectaculaire, est un coup de poing.