L’Internationale Communiste demande au poète arménien Missak Manouchian de prendre la tête d’un groupe de français juifs, pour la plupart d’origine étrangère pour organiser la résistance à Paris en une véritable armée méthodique et structurée. Ce film nous relate la formation, quelques attentats et l’arrestation de ce groupe pratiquement dans sa chronologie. En effet, le film débute alors qu’une voix off égraine le nom des 22 hommes et de la femme du « Groupe Manouchian » condamnés à mort et exécutés en février 1944, « morts pour la France ».
Ni suspens, ni surprise donc puisqu’on sait dès la très belle scène d’ouverture qu’aucun des « héros » de l’histoire ne survivra. Les camions longent la Seine et les dernières images qu’ils aperçoivent sont celles de couples d’amoureux qui s’enlacent, d’une mère avec un landau, de jeunes gens qui discutent ou d’autres qui se promènent… des visions de la vie et du monde qui continueront alors qu’ils gardent l’espoir que la lutte se poursuivra, mais sans eux. Olga la femme du groupe demandera d’ailleurs à Manouchian en voyant le landau : « tu crois qu’il y a une bombe dedans ? ».
Les membres du groupe seront recrutés sous les directives du poète qui répugne à la violence et surtout à tuer des hommes lui-même, par éthique. Mais il renoncera à cette « morale » au nom de tous les siens et du souvenir d’un discours d’Hitler qui affirmait : « qui se souvient des arméniens ? ». Il choisira souvent de très jeunes hommes engagés, voire enragés dans une lutte contre l’occupant nazi mais qui agissent en solitaires au risque de compromettre les actions collectives. Il s’agit notamment du jeune lycéen Thomas Elek (Grégoire Leprince-Ringuet toujours plus que parfait et de plus en plus solide) et de Marcel Rayman (Robinson Stévenin, violent, ardent et fiévreux) dont le père est envoyé en camp de concentration sans qu’il puisse rien faire. Il tuera en pleine rue un grand nombre de soldats et surtout un général allemand qui sera à l’origine du déchaînement de la police française contre cette résistance que la propagande nommera terrorisme, rebaptisant même le groupe « l’Armée du crime » afin de la discréditer aux yeux des français.
Je découvre que le classicisme, l’application impeccable mise dans la reconstitution de l’époque de cette histoire vraie est ce que l’on reproche le plus à ce film, alors que je trouve justement que c’est une partie de ce qui en fait sa principale qualité et sa grande force. La simplicité, l’absence de lyrisme ou d’emphase, la sobriété de scènes difficiles telle que la rafle du Vel d’Hiv (dont il est rappelé qu’aucun allemand n’y a participé…), le choix de ne pas montrer l’exécution font de ce film pédagogique un document juste et essentiel d’un épisode de cette guerre de l’ombre dont on n’avait jamais entendu parler. Malgré cette absence manifestement assumée de romanesque, il n’en est aucunement pour autant austère, loin de là.
Quant à l’interprétation, elle est irréprochable. On sent l’implication et l’émotion de chaque acteur au travers de chaque personnage, même des plus jeunes.
La participation de la police française à traquer ces combattants permet à Jean-Pierre Darrousin de composer un inspecteur Pujol fourbe et sournois au-delà de l’application zélée.
Si Virginie Ledoyen, quoique très bien, manque un peu du bouillonnement que nécessitait son rôle d’amante passionnée, le grand Simon Abkarian par contre, prouve à nouveau quel acteur magique, magnétique il est.
Mais comme le dit Marcel/Robinson Stévenin : « la résistance, c’est pas un métier d’avenir »…